L’exposition « Trônes en majesté » ouvre aujourd’hui. On m’interroge sur les pièces de cette exposition que je préfère. Je réponds que ce je préfère c’est la possibilité que nous donne l'exposition de confronter, visuellement et intellectuellement, des objets dont la rencontre était improbable. Rencontre du Trône de Louis-Philippe et de celui du Comte de Chambord, c’est-à-dire la rencontre entre deux prétentions au trône, celle de la branche aînée et de la branche cadette (les Orléans) des Bourbons.
Rencontre entre trois avatars de la chaise curule romaine, le trône de Dagobert, le faldistoire de Paul V Borghèse et celui de Pie VII pour le sacre de Napoléon. Rencontre du « Sacre de Napoléon » de David, et justement, ce faldistoire qui y figure et deux trônes de Napoléon, celui pour le Sénat et celui pour le Corps législatif. Rencontre entre le plissé du vêtement de la Vierge dite la Carole (XIIe siècle) qui vient de la basilique de Saint-Denis, celui du Bouddha du Gandhara et celui du torse monumental qui vient du musée des antiques d’Arles. Rencontre entre le décor de la salle dite « de 1792 », année de proclamation de la République et ces « trônes » républicains que sont le siège de Christophe Pillet pour la tribune présidentielle du 14 juillet et la série de sièges pour le Conseil des Ministres créée par le Mobilier National en 1933, etc.
Je confie au dossier de presse de l’exposition l’interview suivante
« Pourquoi une exposition « Trônes en majesté » au château de Versailles ?
Le point de départ de ce projet a été la proposition, faite au château de Versailles par les éditions du Cerf, de coéditer l’essai de Jacques Charles-Gaffiot : Trônes en majesté. J’ai immédiatement accepté cette proposition. Trônes en majesté, c’est un sujet qui concerne le château de Versailles, qui fut un lieu d’exaltation du pouvoir et de l’autorité. J’ai toutefois indiqué qu’il serait intéressant que la publication de l’ouvrage soit l’occasion de l’exposition, au Château, d’un certain nombre de trônes, de manière à rendre le propos de l’essai accessible au plus large public.
Pourquoi choisir de présenter cette exposition dans le circuit des Grands Appartements ?
Il me semblait important que ces « sièges de l’autorité » soient justement présentés au cœur de la résidence royale, dans le circuit même des grands Appartements, qui ont été les espaces de la représentation de l’autorité royale pendant plus d’un siècle. Le salon d’Apollon servait de « chambre du trône », mais lors de circonstances exceptionnelles, notamment pour la réception des grandes ambassades, c’est dans la galerie des Glaces qu’était installé, de façon spectaculaire, le trône.
Pourquoi avoir choisi des trônes d’autres civilisations ?
L’essai très complet de Jacques Charles-Gaffiot explore la question de l’universalité de la représentation assise de l’autorité. Pour être fidèle à ce propos, il était important de rassembler dans l’exposition, aux côtés de trônes européens de la période monarchique de Versailles, des XVIIe et XVIIIe siècles, des trônes d’autres civilisations, notamment asiatiques, africaines et précolombiennes.
Comment avez-vous élaboré le parcours de l’exposition ?
Le circuit de l’exposition vise à établir un rapport systématique, chaque fois que cela est possible, entre les caractéristiques des œuvres et celles de la pièce des Grands Appartements dans laquelle elles sont présentées. Par exemple, dans le salon de la Guerre, les trônes choisis symbolisent l’écrasement des ennemis comme le fait l’imposant bas-relief Louis XIV victorieux et couronné par la gloire de Coysevox. Dans le salon de la Paix, ce sont des œuvres qui représentent la quiétude de l’autorité qui sont rassemblées : un marbre gallo-romain, un Bouddha du Gandhara et une vierge gothique. On soulignera, de surcroît, dans ces trois œuvres, une même application de la représentation hellénistique du vêtement plissé. Dans la salle du Sacre (de Napoléon), ce sont naturellement les deux trônes de l’empereur qui seront mis en scène, en regard de l’œuvre imposante de David.
Quelles sont les œuvres phares de l’exposition ?
L’exposition rassemble des objets rares et précieux. De nombreux prêts exceptionnels ont été consentis à l’occasion de cette exposition. La venue du trône de Dagobert au château de Versailles est un véritable événement. Il n’est pas sorti depuis longtemps de la BNF, où il est présenté au cabinet des médailles. Il s’agit de l’un des rares survivants du Trésor de la Basilique de Saint-Denis. Son exposition en même temps que le trône de Burg Bederkesa, siège d’une royauté germanique du VIe siècle, fait tout particulièrement sens. Le vaste ensemble de sièges provenant des collections du Vatican est également à signaler (Sedia gestatoria de Pie VII, Trône d’Innocent X, Faldistoire de Paul V Borghèse, Portantina de Léon XIII). Les objets africains qui viennent des collections du Musée du Quai Branly, de la collection Barbier-Mueller sont aussi de qualité exceptionnelle. Je me dois aussi de signaler les œuvres qui viennent des collections du château de Versailles lui-même, en particulier le grand siège réalisé pour Louis-Philippe et qu’on retrouve dans le portrait en pied du Roi par Winterhalter, ou encore le faldistoire créé pour Pie VII lors de la cérémonie du sacre de Napoléon et qui s’inspire de façon très intéressante de la chaise curule qui constitue la base du fameux trône de Dagobert.
Que nous apprend cette exposition ?
Trônes en majesté est l’occasion de montrer à quel point l’humanité fait appel, de façon constante et universelle, à des symboles récurrents, comme celui de la représentation assise de l’autorité. Ces symboles résistent au temps. La République même, comme le montre la dernière salle de l’exposition, a ses trônes. Je crois qu’il y a un fort intérêt culturel et même politique à inviter les visiteurs du Château à réfléchir à cette question centrale de la mise en scène symbolique de l’autorité. Plus les citoyens comprennent les ressorts de la vie politique, et plus ils exercent leurs propres responsabilités politiques de façon pleine et lucide. L’exposition Trônes en majesté a donc un intérêt historique évident. Elle a également une véritable portée civique. »
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