C’est mercredi qu’est sorti en salles Monuments men, realisé par George Clooney. Le film évoque une fantastique histoire, celle de la récupération, à la fin de la guerre de 39-45, des milliers d’œuvres d’art volées par les nazis dans l’Europe toute entière, par une administration aussi méticuleuse qu’odieuse, l’"Etat-major d’intervention du Reichsfürher Rosenberg pour les territoires occupés". Ces œuvres étaient destinées à la jouissance de quelques dignitaires mais surtout, à la création d’un grand musée de l’art européen, le Führermuseum. Dans nombre de pays, la résistance à l’occupant prit la forme d’initiatives de protection de ce patrimoine convoité. En France, au Jeu de Paume, véritable gare de triage des œuvres volées, une femme héroïque, Rose Valland, prit un soin particulier à en dresser l’inventaire afin qu’à la Libération, il puisse servir à l’identification et à la restitution des biens. C’est ainsi qu’à la fin de la Guerre, 45.000 œuvres purent, en France, être rendues à leurs propriétaires. 2.058 furent, elles, confiées à la garde provisoire des musées nationaux dans l’attente d’une réclamation de la part d’un ayant droit, le plus souvent d’un descendant ou d’un collatéral d’une famille juive exterminée, puisque la sinistre entreprise nazie visa, avant tout, les ressortissants juifs des différents pays d’Europe, dont l’Allemagne, elle-même.
Le discours du Vel d’Hiv de Jacques Chirac, en 1995, eut pour effet de mobiliser à nouveau les pouvoirs publics sur une question qu’on avait pu imaginer définitivement réglée. En 1997, une mission d’étude sur la spoliation des juifs en France était confiée à Jean Mattéoli. Le Centre Pompidou, le Louvre et Orsay organisaient des expositions pour porter à la connaissance du public les œuvres spoliées qu’ils conservaient encore mais, surtout, le sensibiliser à la tragique Histoire dont elles étaient le témoin. Cette semaine, la ministre de la Culture vient de procéder à trois nouvelles restitutions qui, si elles ne concernent pas des œuvres d’intérêt artistique majeur, marquent, cependant, la détermination de l’Etat à réparer ces violences imprescriptibles, puisqu’elles procèdent d’un crime contre l’humanité. Le débat intéresse tous les pays européens. Il y a quelques mois, c’était le cas de Cornelius Gurlitt, octogénaire de Salzbourg, qui défrayait la chronique. Parmi les quelques 1.000 œuvres qu’il conservait à son domicile, 458 proviendraient d’actes de spoliations de personnes privées par les nazis et 380 autres, de saisies, par les mêmes, dans les musées.
Si l’entreprise nazie fut spectaculaire par son ampleur, il ne faut pas oublier que la dernière guerre donna lieu, sur le territoire de l’Allemagne, à son tour vaincue, à des prises de guerre artistiques délibérées, de la part des Soviétiques. C’est ainsi que le Trésor de Priam fut emporté de Berlin vers le Musée Pouchkine, à Moscou, où il se trouve toujours, malgré les réclamations de l’Allemagne. La recherche d’un ordre international a, pourtant, tenté de mettre fin à ces désordres et à "civiliser" la guerre. Malgré les conventions de La Haye de 1907 et 1954 et de la convention de l’UNESCO de 1970, on voit, cependant, toujours les richesses artistiques être exposées aux violences des conflits et de leurs conséquences. On l’a encore vu à Bagdad, en 2003. Aujourd’hui, comme en 1945, les Monuments men sont toujours nécessaires.
Merci pour ces informations sur les œuvres d'art toujours en vadrouille depuis la seconde guerre! C'est très intéressant de rapprocher l'actualité et la fiction, pourriez-vous me dire si le film retrace assez bien ce qui s'est passé pendant la guerre? Je viens de découvrir votre blog, je suis déjà totalement passionnée, merci.
Rédigé par : Elise LF | 26 mars 2014 à 15:54