Je lis avec attention la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’Etat adoptée en première lecture par le Sénat. Je dois avouer que j’ai abordé la lecture de cette proposition de loi avec quelques préventions, bien que j’estime infiniment l’attachement militant à la culture du sénateur Jacques Legendre qui en a été largement l’inspirateur avec Mme Françoise Férat. Par un même aveu, je dois dire que ce texte m’a cependant très largement rassuré.
J’y ai, en effet, trouvé, par exemple, des dispositions visant à s’assurer que les collectivités publiques intègrent mieux dans leurs politiques d’urbanisme et d’aménagement les conséquences de la présence sur leur territoire de monuments historiques et de monuments inscrits au patrimoine mondial. La proposition précise notamment :
« Lorsqu'un élément de patrimoine ou une partie de territoire est reconnu en tant que patrimoine mondial de l'humanité en application de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture en date du 16 novembre 1972, l'impératif de protection de sa valeur universelle exceptionnelle ainsi que le plan de gestion du bien et de sa zone tampon qui assurent cet objectif sont pris en compte dans les documents d'urbanisme de la ou les collectivités concernées. L'État peut également, à tout moment, recourir en tant que de besoin aux procédures exceptionnelles prévues par les articles L. 522-3 et L. 621-7 du présent code et par les articles L. 113-1, L. 121-9 et L. 122-5-1 du code de l'urbanisme. « Lorsque la collectivité territoriale compétente engage l'élaboration ou la révision d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un plan local d'urbanisme, le représentant de l'État porte à sa connaissance les mesures et les modalités à respecter pour assurer l'atteinte des objectifs visés aux premier et deuxième alinéas du présent article. »
Est-il besoin de dire que le président du château de Versailles est tout particulièrement attentif à cette volonté de préciser les effets spéciaux qui s’attachent à la protection d’un site ou d’un monument par l’Unesco ?
Par ailleurs, j’accueille avec une grande satisfaction les développements du texte destinés à renforcer l’intégrité des ensembles ou collections d’objets mobiliers protégés ainsi, dans certains cas, que leur relation avec l’immeuble ou le site qui les abrite.
S’agissant de la délicate question du transfert de monuments historiques appartenant à l’Etat, à des collectivités locales ou de leur aliénation pure et simple, je me dois de reconnaître que ce même texte affirme quelques principes pertinents. Comme l’avait fait la commission René Rémond, il établit tout d’abord le postulat de l’établissement d’une liste de monuments transférables et récuse donc le parti pris navrant d’un précédent texte, bien heureusement recalé par une décision du Conseil Constitutionnel, qui, lui, ouvrait l’absurde possibilité pour toute collectivité locale, de revendiquer le transfert de tout monument appartenant à l’Etat ! Il précise que c’est dans les mêmes conditions que sont prises les décisions de déclassement du domaine public d’un monument historique appartenant à l’Etat en vue de sa vente en revenant, là aussi sur la capacité qu’aurait une collectivité locale qui aurait bénéficiée du transfert d’un monument de le vendre ensuite motu proprio. Le texte indique même que :
« Art. L. 3211-14-1. - En cas de revente à titre onéreux d'un monument transféré à titre gratuit en application de la loi n° du relative au patrimoine monumental de l'État, réalisée dans les quinze années suivant l'acte de transfert, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales bénéficiaire verse à l'État la somme correspondant à la différence entre le produit de la vente et les coûts d'investissement afférents aux biens cédés et supportés par la collectivité ou le groupement de collectivités depuis le transfert à titre gratuit. »
Plusieurs autres points me paraissent positifs. Je les développerai plus tard. Un seul arsenal de prescriptions me pose problème. Ce sont celles relatives au Haut Conseil du Patrimoine artistique. Sa création est utile. Elle ne devrait cependant pas déborder sur la compétence propre de la Commission nationale des monuments historiques, s’agissant des procédures de classement et de protection. Par ailleurs, j’estime qu’elle devrait bien, étant une commission placée auprès du ministre en charge des monuments historiques (en l’état actuel des choses, le ministre de la Culture et de la Communication), ne pas empiéter sur les compétences du ministre lui-même, s’agissant notamment de statuer sur la destination culturelle d’un monument appartenant à l’Etat. Par ailleurs, je trouve que l’obligation qui serait faite d’informer systématiquement la commission de tous les projets de bail emphytéotique administratif de plus de 30 ans risque de poser des problèmes de gestion très lourds. Il conviendrait que la durée soit portée à 50 ans et qu’on ne vise que les baux concernant un ensemble patrimonial entier et non l’une de ses parties. En revanche, j’apprécie beaucoup que le Sénat se soit, en l’occurrence, intéressé au patrimoine historique appartenant à l’Etat tout entier et non seulement à celui qui relève du ministère de la Culture et de la communication, y compris donc celui qui se trouve hors du territoire français, ce qui concerne plus particulièrement les bâtiments d’ambassade qu’on aurait, technocratiquement, parfois tendance à ne considérer que comme une valeur immobilière…
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