A Morlaix, je participe à une réunion publique de la campagne d'Emmanuel Macron. J'y parle, devant un auditoire, attentif et passionné, du projet culturel du candidat. Cela me permet aussi de prendre la mesure de la qualité et de la force de l'offre culturelle de cette sous-préfecture du Finistère, commune de 15.000 habitants environ, dans une agglomération communautaire qui en compte 35.000 et où se trouve le siège de l'un des grands quotidiens de l'Ouest, Le Télégramme, que beaucoup s'obstinent encore à dire "de Brest". Ce journal est très largement ouvert aux informations sur la vie culturelle et accomplit donc, à cet égard, une vraie mission d'intérêt général.
Ville d'art et d'histoire, Morlaix compte 23 édifices protégés au titre des Monuments historiques dont le viaduc ferré qui franchit la rivière marine, depuis 1863, et sera, à partir du mois de juin 2017, emprunté par les trains de la nouvelle ligne LGV permettant de relier Morlaix à Paris en 3 heures. Les 26 autres communes qui composent Morlaix Communauté, recèlent, elles aussi, de nombreux trésors patrimoniaux, en particulier, à Plouezoc'h, le grand Cairn de Barnenez, l'un des plus grands sites mégalithiques d'Europe, géré par le Centre des Monuments nationaux. Morlaix est cependant dans la situation de beaucoup de ces villes moyennes dont Yves Dauge vient de décrire, dans un rapport au Premier ministre, le risque de déclin des centres historiques, en invitant les pouvoirs publics à prendre la mesure du fait qu'il y a là, un nouvel enjeu pour leur action patrimoniale et culturelle. Malgré cela, et dans l'état actuel des choses, le tissu culturel de la ville reste d'une remarquable densité. C'est, en grande partie, le fruit de la détermination et de la coalition des efforts de tous les acteurs locaux. Le musée des Jacobins, fermé depuis trop longtemps, est désormais promis à une belle renaissance. Le conservatoire municipal, Le Patio, fait un travail déterminé d'initiation aux pratiques musicales. Trois bibliothèques, municipales elles aussi, dont "Les Amours jaunes", ainsi nommée en hommage à Tristan Corbière, natif de la ville, entretiennent le goût pour la lecture dont témoignent également plusieurs librairies dont la librairie Dialogues. Deux cinémas, La Salamandre, classé art et essai, et Le Rialto proposent une programmation variée. A Morlaix et dans sa communauté, le commerce des biens culturels est singulièrement vivace. Arte Diem diffuse avec exigence, du design contemporain. A Locquirec, la Galerie Réjane Louin propose des expositions ouvertes sur la création contemporaine la plus exigeante, très souvent attentive au travail des artistes femmes, célèbres, comme Shirley Jaffe, ou émergentes, comme Marta Caradec, en ce moment. À Morlaix, la culture c'est également la culture bretonne, l'apprentissage de la langue, avec une école diwan et la musique avec le Bagad Sonerien bro Montroulez. C'est également le Théâtre du Pays de Morlaix, ouvert à une programmation éclectique. Ce sont encore des festivals, celui du Bel été, consacré aux arts de la rue et, au printemps, le festival Panorama dont la programmation de musique électronique est réputée l'une des plus pointues de France.
Par la force des choses, ce tableau ne peut pas, dans l'espace d'une tribune, être exhaustif. Comment cependant ne pas souligner le fait que la qualité de cette vie culturelle tient beaucoup à la présence, sur ce territoire, de nombreux créateurs, des architectes comme la radicale Catherine Rannou, des peintres, comme Riccardo Cavallo, installé à Saint-Jean-du-Doigt ou Sophie Degano qui travaille à Lanmeur. C'est aussi à Morlaix que réside l'une des compagnies théâtrales les plus audacieuse de notre pays, L'Entresort, dirigé par Madeleine Louarn, qui préside actuellement le Syndéac – le syndicat (national) des entreprises artistiques et culturelles. Son "Ludwig, un roi sur la lune" a reçu un accueil enthousiaste au dernier festival d'Avignon. L'administrateur de sa compagnie, Thierry Seguin, pilote par ailleurs un important projet culturel, le SWE, qui ambitionne l'installation conjointe, dans l'ancienne Manufacture des tabacs, à côté d'un IUT, du cinéma d'art et d'essai La Salamandre, du théâtre de L'Entresort et de l'association WART qui organise Panorama, alors que déjà, une autre association, Les Moyens du bord, programme, dans les mêmes lieux, des expositions d'art contemporain et accueille des artistes en résidence.Tout cela donne à réfléchir sur la vitalité culturelle de notre pays, sur la chance que la culture procure à l'épanouissement de tous ceux qui vivent sur les territoires de la République, sur la part de responsabilité que prennent, dans le développement culturel, les collectivités locales, communes, départements, régions, sur le rôle que l'Etat doit continuer de jouer, avec l'ambition renforcée d'embrasser l'espace géographique et humain du pays tout entier. Il n'est jamais inutile de tenter de réfléchir ainsi à l'avenir de la politique culturelle de notre pays, non pas de façon convenue, en regardant le pays depuis Paris, mais en interrogeant le gouvernement depuis les territoires. Tous ceux que l'on y rencontre et à qui l'on parle, attendent, en effet, des collectivités publiques qu'elles ne laissent s'émousser ni leur capacité, ni leur désir de rester des acteurs convaincus de l'action culturelle. Leur attente ne s'adresse pas seulement aux collectivités proches, mais aussi, de façon éminente, à l'Etat dont ils souhaitent ardemment qu'il prenne à bras le corps sa mission de promoteur de l'aménagement culturel de l'espace national, qu'il réaffirme sa capacité, autant par sa parole que par son action, à exercer le magistère qui fonde son existence. Tous sont également attachés à ce que le désir de culture, sans lequel les œuvres deviennent des objets morts, anime la société toute entière et soit partagé par tous.On est là au cœur même du projet culturel d'Emmanuel Macron. Il appelle de ses vœux une large mobilisation en faveur du partage de la culture à laquelle participeront l'école, les associations, les établissements publics, les structures labellisées, les médias de service public, internet mais aussi, et de façon essentielle, les artistes eux-mêmes. C'est ainsi que l'on donnera corps, de façon plus consistante encore, au vieux rêve d'André Malraux : "rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l'humanité et favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent".
Ma tribune publiée le 5 mai 2017 dans Le Huffington Post.
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