Mais qu’en est-il des autres, du flux des visiteurs, notamment des plus jeunes ? Comment s’y retrouveront-ils dans ce brillant déballage, alors même que, comme le recommandent les guides touristiques, ils viennent au Centre pour s’y délecter de la contemplation de "tous les grands maîtres du XXe siècle " ? Est-il légitime de les priver d’une possible lecture, certes codifiée mais pédagogique, de l’histoire d’un glorieux demi-siècle, alors même que l’ampleur de la collection permet de le faire ? Est-il pertinent de les détourner d’un accès normal à l’accumulation de tant de chefs-d’œuvre qu’a permis une politique d’acquisition constante et brillante ?
A vrai dire, un tel accrochage ne serait pas inopportun, au contraire, s’il s’agissait d’une exposition temporaire de quelques mois, présentée dans l’un des espaces d’exposition du Centre comme c’est le cas, actuellement, avec la remarquable exposition Le surréalisme et l’objet qui bouleverse quelques conventions, y compris chronologiques. Les réserves que peut inspirer cette initiative, pourtant animée de louables et subtiles raisons, renvoient à l’idée même qu’on doit se faire du musée, cette institution stable qui a vocation à cultiver la familiarité des visiteurs avec les chefs-d’œuvre et à leur fournir des repères pour mieux comprendre l’art et son histoire. L’une des missions les plus essentielles du ministère de la Culture et donc de ses établissements n’est-elle pas de "rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France au plus grand nombre possible de Français et d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel" ? C’est une fois ce travail fait que vient le temps de la critique, de l’imagination, de la mise en perspective, comme le fait "Une autre histoire de l’art, Chefs-d’œuvre (re)découverts au XXe siècle" que viennent de publier les Éditions de La Martinière, sous la direction d’Yves Le Fur, Laurent Le Bon et Jean de Loisy.
Article publié le 28 novembre 2013 dans L'Opinion
Oh merci ! Ravie de trouver ici, et si clairement exprimé, mon sentiment lors de la visite de ce nouvel accrochage. Quelle déception ! Presque de la colère, même. Et à double titre : parce que je voulais retrouver certaines des œuvres que je préfère 'au monde' (disparus mon Ernst ! Mon Bonnard ! Mon Dubuffet ! -parfaitement, moi, public, je m'approprie ces œuvres du patrimoine) et parce que je voulais partager cette histoire de l'art-là avec deux amis étrangers… qui n'ont pu que camper sur une position "non-avertie" et hélas répandue : "L'art moderne (et contemporain pareil) n'est qu'une monstrueuse fumisterie qui ne s'adresse qu'à une élite de farfelus condescendants." Comment les blâmer… J'ai eu toutes les peines du monde à cacher mon dépit face à cet accrochage certes intéressant, mais vraiment snob et impropre à la transmission auprès de ces autres publics dont vous vous souciez (aussi). Difficile de raconter cette histoire, en effet.
[Puis - mais là c'est autrement subjectif - j'y ai trouvé une tonalité générale assez sombre, sorte de parti-pris du laid et de l'obscur.]
Alors donc oui, merci ! Il est très agréable de constater que l'éminent connaisseur de l'art que vous êtes partage mon désappointement d'amoureuse, qui s'en est allée retrouver (au moins) Bonnard et ses Nabis à Orsay.
Rédigé par : Mademoiselle du Petit Bois | 18 décembre 2013 à 22:40