Chacun sait mon attachement, non seulement à la préservation, mais à la réhabilitation du paysage qui encadre le château de Versailles. Mon engagement à cet égard est ferme et total. C’est justement cet engagement qui m’a conduit à marquer de l’intérêt pour l’hypothèse d’une implantation des équipements de Roland-Garros sur le site des Matelots. Cela peut paraitre paradoxal, j’en conviens, mais ce n’est cependant pas sans motifs solides que je l’ai fait. Je suis, en effet, persuadé que la mise en œuvre de cette hypothèse fournirait, les choses étant ce qu’elles sont, une issue pragmatique et rapide à une situation déplorable qui, sans cela, risquerait de se pérenniser.
Il convient, en effet, de rappeler les quelques points suivants :
1) la partie méridionale du domaine national de Versailles a été malencontreusement séparée de l’actuel « Petit Parc » clos de murs et de grilles par la transformation de l’allée de Saint-Cyr en route départementale, la RD 10. Ce n’est que progressivement et aujourd’hui encore incomplètement, que l’Etablissement public a reconquis une maîtrise de ce territoire où se succèdent, d’est en ouest, le parc Balbi qui jouxte le Potager du Roi, la pièce d’eau des Suisses, le terrain des Mortemets et le terrain des Matelots. C’est de la requalification de cet ensemble que dépendra, à terme, la capacité de l’Etablissement à garantir aux visiteurs du Château un écrin paysager de qualité.
2) l’ensemble que forment les terrains des Matelots et des Mortemets défigurés, dans une longue indifférence, par de nombreux équipements est aujourd’hui très dégradé. Cet ensemble foncier est encombré de 70.600 m² d’emprises bâties au sol auxquelles il faut ajouter, si on veut mesurer la dégradation du site, 155.000 m² de surfaces imperméabilisées. Cela signifie que ce domaine supporte 225.600 m² d’ouvrages divers de très médiocre qualité architecturale, pour autant même qu’on puisse employer le mot « qualité » à leur propos.
3) sur le site des Mortemets, l’extinction progressive des baux et concessions, dont celle accordée à un stand de tir jusqu’en 2012 (…), n’est, dans l’état actuel des choses, que très progressive. Elle se heurte souvent de la part de leurs bénéficiaires à de vives résistances s’appuyant parfois sur d’inépuisables arguties juridiques et sur des soutiens déterminés.
4) le ministère de la Défense n’a, à ce jour, fait connaitre, officiellement, ni les modalités, ni le calendrier précis, de son départ partiel ou total du site des Matelots.
Ce sont ces considérations qui me conduisent à penser que Roland-Garros pourrait justement être le déclencheur d’une réhabilitation globale du site, à condition, je l’ai toujours dit, que cette implantation se fasse dans les conditions suivantes :
1) abandon total, même s’il est progressif, du site des Matelots par le ministère de la Défense,
2) extinction rapide des concessions encore actives sur le site des Mortemets, hors celles accordées aux jardins ouvriers dont il conviendrait toutefois de rectifier l’emprise de façon à la rendre compatible avec la trame historique du site,
3) rétablissement du tracé historique des allées, selon les prescriptions de l’architecte en chef des Monuments Historiques, de façon à rendre au site une structure cohérente et digne,
4) rétablissement, le long de la RD10, de bosquets denses de façon à renforcer la protection visuelle du paysage,
5) réduction significative des surfaces bâties et perméabilisées sur l’ensemble Mortemets-Matelots. C’est à cette condition que le bilan de l’opération pourrait être jugé positif tant sur le plan patrimonial que sur le plan écologique,
6) nécessité absolue pour les bâtiments nouvellement construits de se fondre dans le paysage de façon à n’imposer aucune pollution au spectacle qui s’offre au visiteur du Château. Cela suppose la mobilisation de paysagistes compétents et le recours à des architectes sensibles et avisés,
7) vérification que le projet qui serait définitivement élaboré par la Fédération française de tennis recevrait l’agrément du ministère de la Culture et de la Communication au titre de sa mission de protection des Monuments historiques. Il va, en effet, de soi que si le ministère peut, dans l’état actuel des choses, donner une indication sur son accord de principe à une implantation de Roland-Garros à Versailles, il ne peut pas préjuger de la compatibilité entre le projet paysager et architectural définitif et les contraintes de préservation du monument et du site.
Je sais bien qu’on pourrait, in abstracto, rêver pour ce vaste site de solutions qui viseraient à la reconstitution pure et simple de la structure paysagère de cette partie du domaine historique de Versailles. Je crains, cependant, que les circonstances faisant, nous ne serions pas en mesure d’atteindre cet objectif de si tôt. Il s’agit donc pour moi de marquer de l’intérêt à la meilleure des autres solutions. Celle de la venue de Roland-Garros à Versailles me semble, à cet égard, digne d’être soutenue. Elle peut constituer pour le château de Versailles la chance de sauver d’une trop longue négligence une partie très fragile de son vaste domaine.
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