Ministres au Conseil Constitutionnel
Dans la soirée, je passe au Conseil Constitutionnel à la réception organisée par Jean-Louis Debré pour tous les ministres et anciens ministres de la Ve République, à l’occasion du cinquantenaire de la Constitution. J’arrive un peu tard. Certains sont déjà sur le départ et c’est donc sous le guichet du Palais Royal que j’embrasse Nicole Fontaine et Dominique Versini qui furent mes collègues ainsi que Nicole Guedj. A l’étage, dans les salons du Conseil, beaucoup de monde encore, dont trois de mes prédécesseurs, rue de Valois, Catherine Tasca, Jacques Toubon et Jack Lang. J’aperçois le Président Chirac. J’aurais souhaité le saluer mais il est déjà parti quand je finis une conversation un peu prolongée avec Catherine Colonna qui fut ministre des Affaires Européennes et qui est maintenant Ambassadeur de France auprès de l’Unesco. Nous parlons du projet de solliciter le classement de la cuisine française au patrimoine immatériel de l’humanité. J’ai reçu à ce sujet, cette semaine, Pierre Sanner, directeur de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires à qui j’ai indiqué que je trouvais cette demande à la fois sympathique et, méthodologiquement, difficile à défendre. Qu’est ce que la « cuisine française » ? Comment la définir objectivement ? On ne peut, en effet, classer que ce qu’on est en mesure de décrire positivement et non pas, même si on en est convaincu, la réputation ou l’affirmation d’une excellence supposée… Les cuisines font incontestablement partie du patrimoine des civilisations mais le concept de « cuisine française » n’est-il pas trop large, trop mouvant, trop élastique pour qu’on puisse, tel quel, le classifier ? J’attends donc, à ce sujet, avec curiosité, les travaux du Comité qui s’est réuni autour du Professeur Jean-Robert Pitte.
Godot
Rapidement, je quitte le Conseil Constitutionnel pour le Théâtre de l’Athénée, pour la première de En attendant Godot de Samuel Beckett dans la mise en scène de Bernard Levy. Exceptionnelle mise en scène pour ce chef d’œuvre du XXe siècle. Dans le dialogue de Vladimir et d’Estragon qui attendent Godot dont l’enfant, sorte d’Ange Gabriel dérisoire, ne cesse d’annoncer qu’il viendra demain, il y a l’écho de toutes les désillusions de l’humanité et des Hommes. « Dans un moment tout se dissipera. Nous serons à nouveau seuls… » Réflexion qu’on dû se faire beaucoup des moins résistants des anciens ministres que je viens de croiser quand ils ont dû se remettre de la disgrâce de ne plus être ministres, ce curieux état qui crée chez beaucoup de ceux qui y sont appelés, le sentiment (vain) qu’il est destiné à durer toujours. Pour ma part, j’avais toujours considéré que l’étant devenu par faveur, il n’était pas impossible, ni scandaleux, de ne plus l’être par défaveur, me souvenant des paroles de Job « le Seigneur me l’a donné, le Seigneur me l’a repris, béni soit le nom du Seigneur… ». C’est par la secrétaire de Jean-Pierre Raffarin que j’ai appris, le 7 mai 2002, que je serai ministre, quand elle m’a appelé en me disant « Monsieur le ministre, je vous passe le Premier Ministre… ». Ce n’était pas encore fait mais déjà, elle me l’avait, sorte d’Ange Gabriel elle aussi, annoncé. C’est le Président de la République, Jacques Chirac, qui, lui, m’a annoncé que je cesserai de l’être. Il m’en donna, avec cordialité, les raisons, ce qui marquait de sa part du courage (on se défile souvent de ce genre de corvée) ainsi que le désir de me témoigner personnellement une dernière preuve de considération.
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