Venise
L’Express consacre sa couverture et un dossier à Venise. Le Nouvel Observateur en annonce un ! Venise, un sujet qui « fait vendre » les hebdos comme l’Egypte, le prix de l’immobilier, le classement des hôpitaux, l’influence des francs-maçons, le classement des lycées, etc. Il est vrai qu’une nouvelle fois Venise va occuper la première ligne de l’actualité culturelle avec la Biennale et l’ouverture de la Douane de Mer où François Pinault a désormais la responsabilité du "Centre d’art contemporain de la Pointe de la Douane". Il y présentera sa collection. Annick Colanna-Cesari, signe, dans ce « spécial » un article intitulé « A la Pointe de l’art ». Elle y cite le passage d’un entretien que nous avons eu récemment sur les circonstances dans lesquelles François Pinault s’est vu confier, par la commune de Venise, la responsabilité de ce bâtiment historique. Je confie au lecteur que ça pourrait intéresser l’intégralité de cet entretien.
« 1- Pourquoi François Pinault avait-il choisi d'installer sa collection d'art contemporain dans une ville "patrimoniale" comme Venise ?
Si le lieu de présentation principal de la collection Pinault est bien désormais Venise – sur les deux sites de Palazzo Grassi et de la Pointe de la Douane -, ce choix ne signifie pas que cette collection n’est pas disponible pour d’autres expositions en France et à l’étranger. En témoignent, de façon brillante, les expositions présentées au Tri Postal à Lille ou au Garage à Moscou.
Venise est une ville d’histoire, une ville de patrimoine. C’est vrai. Mais c’est aussi, il ne faut pas l’oublier, le lieu de la principale manifestation consacrée à l’art contemporain : La Biennale de Venise. L’Art d’aujourd’hui est donc spontanément chez lui dans cette ville. C’est ce qu’avait déjà compris Peggy Guggenheim.
2- Pourquoi le Maire de Venise a-t-il été séduit ?
Comment Paolo Costa d’abord puis Massimo Cacciari n’auraient-ils pas été séduits par la générosité, la persévérance, l’authenticité de l’engagement de François Pinault dans leur ville. En 2005, il y rachète le Palazzo Grassi dont Fiat avait arrêté l’exploitation. Il y rétablit une programmation d’expositions qu’il finance. En 2007, il prend en charge la Pointe de la Douane, en finance la restauration et l’aménagement. En 2009, à l’occasion de La Biennale, il présente sa collection sur ces deux sites qui forment désormais une seule entité culturelle. François Pinault est le plus grand mécène de Venise de ce XXIe siècle. Venise ne peut que lui marquer de la gratitude.
3- Le projet a suscité sur place beaucoup d’hostilité : de la part de qui ?
La Pointe de la Douane appartient au domaine public. Pour en attribuer la concession longue la ville de Venise devait très normalement lancer un appel d’offre. Palazzo Grassi a répondu à cet appel d’offre au nom de François Pinault. C’est moi qui ai conduit cette candidature. Dans le même temps le Guggenheim présentait aussi sa candidature, ce qui n’a rien d’anormal en soi puisque ce musée répondait bien aux critères de l’appel d’offre (une collection contemporaine, une expérience d’activité à Venise, etc…). Mais le Guggenheim s’est présenté à cette compétition en s’appuyant sur le soutien financier de la Région Veneto. C’est ainsi que l’affaire a pris un tour politique. La Région est à droite alors que la Commune de Venise est à gauche. Pour l’opinion, le combat Grassi-Guggenheim est devenu une affaire gauche-droite…, ce qu’elle n’était pas en réalité. Une fois le choix de l’offre Pinault arrêté par la Commission d’appel d’offre, les esprits se sont calmés. Je note d’ailleurs qu’il n’y a eu aucun contentieux. Chacun mesure aujourd’hui la chance pour Venise de la prise en charge de ce monument qui menaçait ruines par un grand mécène.
4- Y avait-il des adversaires politiques à cette installation ?
Ce sont ceux que je viens d’évoquer. Tout cela n’avait rien d’étonnant dans un pays où la vie politique est toujours assez vive mais, dans le fond, reste très civilisée.
Il ne faut pas oublier que le Maire de Venise, Massimo Cacciari, est l’une des grandes figures de la gauche italienne et un intellectuel de haut vol. Le président de la Région, Giancarlo Galan est, lui, l’un des hérauts de la droite nordiste et joue dans la vie politique de son pays un rôle majeur. L’affaire de la Pointe de la Douane, compte tenu du caractère symbolique du site devenait, inévitablement, l’enjeu de la lutte permanente entre les deux titans de la vie politique locale !
5- Est-ce que défendre ce projet présentait un risque politique pour le maire ?
Le Maire a fait, avec courage et détermination, son devoir. Il souhaitait, la Ville étant impécunieuse et déjà chargée d’un patrimoine important, trouver un partenaire privé qui prendrait en charge la restauration du bâtiment phare de Venise qu’est la Pointe de la Douane. En François Pinault il a trouvé ce partenaire. Il souhaitait aussi que l’activité de Venise en faveur de l’art contemporain déborde des seules périodes de biennale, de manière à ancrer la vocation culturelle de cette cité. Ce sera désormais le cas.
Pour Cacciari, le risque politique aurait été de ne rien faire. En politique on gagne toujours à faire !
6- Est-ce qu’il était au contraire nécessaire de donner une « touche » contemporaine à Venise pour moderniser son image ?
A Venise le passé et le présent se rencontrent harmonieusement. L’université, la faculté, d’architecture, les biennales, la Mostra… font de cette ville l’un des pôles de la modernité. Il est important que cette ville, qui reçoit des millions de visiteurs chaque année, sache aussi marquer son enracinement dans la culture d’aujourd’hui. Avec le pôle Palazzo Grassi–Pointe de la Douane d’un côté et le Guggenheim de l’autre c’est possible désormais d’un bout à l’autre de l’année.
7- Est-ce que cette installation a déjà changé ou va changer l’image de Venise ?
Bien évidemment. Grâce à Tadao Ando un bâtiment majeur, très dégradé, est rendu à la cité et au monde. Grâce à François Pinault c’est aussi un nouveau centre d’art contemporain qui vient densifier la cartographie européenne de la culture contemporaine.
8- Y a-t-il des accords entre le maire et François Pinault ?
Oui, celui de faire en sorte que ça marche. Rappelons que s’agissant des risques financiers, l’investissement et le fonctionnement, c’est François Pinault qui les a pris intégralement.
9- Comment l’apprécier ?
On l’appréciera très vite, ne serait-ce qu’à l’intérêt que la presse internationale marquera à l’ouverture de la Pointe.
10- Est-ce que cette installation peut aussi profiter à la biennale ? En quoi ?
Bien évidemment. La Biennale a tout à gagner à la densification du tissu culturel vénitien. C’est plus facile pour une manifestation périodique d’imposer son autorité quand elle peut s’appuyer, dans son domaine, sur des institutions qui animent, tout au long de l’année, une activité de haut niveau. N’oublions pas non plus que la Collection Pinault est désormais reconnue comme l’une des plus importantes du monde et que François Pinault est, grâce à cette collection et grâce à son activité professionnelle, en contact permanent avec les artistes, les collectionneurs et les institutions. C’est aussi tout ce « carnet d’adresses » qu’il mobilise désormais pour Venise.»
La Pointe de la Douane et Palazzo Grassi forment désormais la même entité culturelle et c’est François Pinault qui en a la charge. Je ne sais pas comment il organisera la synergie des deux sites plantés sur le Grand canal et séparés (à pied) par une belle promenade qui enjambe le pont de l’Académie ou (en vaporetto) par quelques stations, desservies selon le cas par la ligne 1 (descente recommandée à Salute) ou par la ligne 2 (descente à Campo San Samuele). A mon sens, il conviendrait sans doute que la Pointe de la Douane soit personnalisée « collection permanente » et Grassi « expositions temporaires ». Je suis fier d’avoir pris part à cette aventure, d’abord en invitant François Pinault à s’intéresser, après sa décision de renoncer à l’île Seguin, à Palazzo Grassi, en défendant ensuite la candidature du même François Pinault à la concession de la Pointe de la Douane.
C’est ainsi, par de telles initiatives, que cette ville surprenante ne cesse de se survivre. L’Express peut donc justement écrire « la moribonde est immortelle »…
Challenges
Déjeuner à Challenges avec une partie de l’équipe du magazine. Le déjeuner se déroule au siège du groupe « le Nouvel Observateur » auquel ce magazine appartient. En y arrivant, place de la Bourse, je croise Jean-Luc Hees, depuis ce matin officiellement président de Radio-France. Il fume sa cigarette sur le trottoir avant de se rendre, apparemment, à un déjeuner avec un autre titre du même groupe. Il y a chez lui quelque chose de Tommy Lee Jones qui interprète Dave Robicheaux dans le dernier film de Bertrand Tavernier (« Dans la brume électrique »). A son sujet, Tavernier déclare dans une interview donnée à François-Guillaume Lorrain pour l’Express (n°1908 du 09 avril) : « c’est d’abord un gros bosseur. Il a la lassitude de Dave, ce côté usé par la vie et, en même temps, cette colère rentrée, cette rage du type qui ne laisse jamais tomber… ». Le retour de Jean-Luc Hees à Radio-France ne signale-t-il pas le même trait de caractère ?
Dans la salle à manger de Challenges, je retrouve Pierre-Henri de Menthon, Ghislaine Ottenheimer, Francine Rivaud et Thiébault Dromard. La conversation est animée, franche, souvent drôle. Je me suis rendu à cette invitation avec Olivier Josse, mon chef de cabinet, qui a été à l’origine de cette initiative. J’interroge nos hôtes sur la qualité de la situation de Challenges dans ce groupe de presse dominé par le grand titre historique qu’est le Nouvel Observateur. Ce genre de situation n’est pas toujours fameux. On sait le malaise des titres de l’ancien groupe « la Vie catholique » (la Vie, Télérama…) au sein du groupe « Le Monde » qui s’en est porté acquéreur en 2003. Pour Challenges, tout va bien. Mes interlocuteurs évoquent le respect porté à l’identité éditoriale de leur titre et les avantages qu’ils retirent de l’association avec leurs grands et prestigieux parents.
Line Renaud
Dans la soirée, je vais au théâtre Marigny pour voir « Très chère Mathilde », d’Israël Horovitz, interprété par Line Renaud, Samuel Labarthe, Raphaëline Goupilleau. Je retrouve Pierre Lescure qui dirige désormais ce théâtre, propriété de la Ville de Paris et concédé, depuis un certain nombre d’années déjà, à François Pinault. Je retrouve également Line Renaud que je vais embrasser dans sa loge à la fin du spectacle et qui joue avec une conviction et une énergie incroyables.
Prodigieuse carrière que la sienne. A plusieurs reprises, on aurait pu la croire conclue mais toujours Line a su la faire rebondir. Un peu comme Venise !
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