Versailles
Lundi c’est le jour de fermeture du château, livré alors aux aspirateurs, aux cireuses, à tous les travaux d’entretien et de petite restauration qu’appelle sa bonne conservation. C’est le jour aussi de la révision et du remontage général de toutes les horloges, travail délicat effectué par M. Bernard Draux auquel la revue italienne Amica consacre un portrait, comme elle le fait à six autres de ces artisans et ouvriers qui font quotidiennement Versailles.
Centre Pompidou
Dans l’après-midi, je retrouve dans la galerie des Glaces fraîchement cirée (et glissante) l’équipe de Michel Quinejure à qui a été confiée la réalisation d’un film sur le Centre Pompidou-Metz. Michel Quinejure recueille mon point de vue sur la genèse de ce projet et sur la part que j’ai prise à son avènement. Il connaît bien Versailles puisqu’à l’occasion de la restauration de la galerie des Glaces, France 5 lui avait commandé un film sur ce chantier. La diffusion de ce film avait connu un beau succès. J’en profite pour développer ma vision de ce que devrait devenir le Centre Pompidou : une institution culturelle désormais plus clairement organisée autour de son département pilote, le Musée National d’Art Moderne-Centre de création industrielle ; à Paris deux sites pour déployer la collection, le Centre de Piano et Rogers pour l’art historique du XXe siècle et un nouveau vaste site, un « new center », pour l’art contemporain, l’antenne du Centre à Metz et, peut-être, une seconde en région et, qui sait, un jour une antenne à l’étranger. L’ampleur de la collection permet un aussi vaste et ambitieux déploiement.
Vente Pierre Bergé-Yves Saint Laurent
Cette collection s’est encore enrichie, dans la soirée, à la vente Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, par la préemption d’un Chirico, Il Ritornante (peint en 1918), pour la somme de 9,8 M€, hors frais… Cette œuvre rejoindra un ensemble d’œuvres déjà considérable de cet artiste, confirmant la capacité du musée national d’art moderne à rassembler des ensembles riches et cohérents, dont celui d’Henri Matisse qui y est tout particulièrement impressionnant.
François de Ricqlès demande, à chaque fois qu’une préemption se déclare (deux pour Orsay, une pour Pompidou) « Quel musée préempte ? ». La question est techniquement pertinente mais juridiquement inexacte. C’est l’Etat et l’Etat seul qui peut préempter et qui préempte, cassant, au nom de l’intérêt général, au nom de l’intérêt supérieur de la collectivité, une convention entre des particuliers, dans une vente, l’accord entre un vendeur et un acheteur sur le prix d’un objet proposé à la vente. Il vaudrait donc mieux annoncer « l’Etat préempte pour le musée… ».
La première vacation de la vente Saint-Laurent se déroule à partir de 19 heures, sous la nef du Grand Palais qui abrite une monumentale salle des ventes éphémère où se pressent plus de mille personnes, acheteurs, journalistes, institutionnels, amis de Pierre Bergé… Avant même que commence le chapelet des ventes, on comprend que l’événement est considérable. On entend parler toutes les langues. Ce soir, le Grand Palais est « the place to be ». Au premier rang, le propriétaire de Christie’s, François Pinault et son épouse, Maryvonne. Ils savent que la vente sera le test mondial de la résistance du marché de l’art face à la crise.
Les prix s’envolent, souvent bien au-delà des estimations. Brancusi, Mondrian, Matisse atteignent des sommets. Même les œuvres moins importantes, quelques dessins notamment, atteignent des prix impressionnants. On peut, certes, s’en réjouir pour le marché de l’art, pour Christie’s, et pour le vendeur qui a déjà annoncé qu’il voudrait faire un usage généreux du produit de cette vente. On ne peut cependant pas ne pas ressentir un sentiment ambigu. Tant d’argent dépensé alors que le monde est frappé d’une crise financière sans précédent et que le crédit est réputé inatteignable ! Une telle intimité entre l’art et l’argent, poussée à une telle surenchère qui arrache à chacune de ses performances des applaudissements à l’assistance ! N’est-ce pas, dans le fond, un peu plus inquiétant que rassurant ? Le marché de l’art ne galope-t-il pas dans un total artifice dont les spectaculaires effets sont justement les symptômes de la panique qui s’est emparée d’un monde inquiet et incertain de son sort. Je sais bien que l’art est familier de son vieux compagnonnage avec l’argent (et le pouvoir). Jacques Kerchache le résumait dans cette phrase à la fois cynique et lucide : « on n’a jamais trouvé de chef-d’œuvre dans la tombe d’un pauvre… ». Quand ce compagnonnage atteint les rives financières de la spéculation, c’est que les choses vont, ou très bien (du point de vue financier), ou très mal.
Ces considérations n’enlèvent rien au fait que cette vente est aussi un immense événement culturel dont témoigne l’affluence des visiteurs qui se sont pressés au Grand Palais de vendredi à lundi matin pour y admirer l’exposition de la collection dans un décor d’appartement reconstitué par Nathalie Crinière. Libération consacre un cahier de 8 pages à la vente, c’est bien le signe de l’ampleur de l’événement.
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