Après-midi à la Malmaison avec Gérard Mabille, conservateur en chef au château de Versailles. Nous y rendons visite à notre collègue Amaury Lefébure, directeur du château de la Malmaison. La Malmaison est administrativement un SNC (Service à compétence nationale). Au moment du lancement du débat sur la RGPP (Révision générale des politiques publiques) on s’est demandé s’il n’y aurait pas une vraie logique de conservation et de développement à amarrer certains « petits » sites à de grands établissements. S’agissant de Port-Royal des Champs, si proche du château, j’avais d’emblée écarté la perspective d’un rattachement à Versailles, par respect pour la mémoire du jansénisme persécuté par le roi. Ç'aurait été un cruel paradoxe que d’associer ce haut lieu de la résistance intellectuelle et spirituelle au conformisme d’Etat au château du « Roi Soleil ». Adrien Goetz, brillant auteur de Intrigue à Versailles, ne me l'aurait pas pardonné. Le domaine de Marly est, lui, par la volonté expresse du Président de la République, destiné à rejoindre Versailles, ce qui est historiquement et géographiquement cohérent. On aimerait qu’un jour, grâce à une association du domaine de Chèvreloup au dispositif, on puisse, du château de Versailles au village de Marly, rétablir la possibilité d’une promenade quasi continue. Le domaine de Chèvreloup relève aujourd’hui du Museum d’histoire naturelle de Paris qui n’en a plus, à vrai dire, un besoin scientifique pressant.
Malmaison pourrait avoir des raisons de s’amarrer à ce dispositif : sa relative proximité avec Versailles et Marly, son caractère de résidence impériale, tant aimée par Joséphine, et par Bonaparte devenu Napoléon, son mobilier si proche de celui du Grand Trianon qui fut remeublé sous l’Empire, la qualité de la relation qu’y entretiennent l’architecture et le jardin… Je suis impressionné par la bonne tenue de cette maison et de son domaine de 7 hectares (auxquels s’ajoutent les 17 hectares du domaine voisin de Bois-Préau). L’équipe de la conservation, de l’administration, des jardiniers fait un travail enthousiaste et efficace. De là à penser possible et opportun un rapprochement Versailles-Malmaison, il y aurait cependant un pas à franchir. Je ne sais pas d’ailleurs ce que le ministère de la Culture en penserait. Pour ma part, je suis partagé entre la certitude qu’on aurait intérêt à promouvoir des pôles culturels amples et celle qu’il y a souvent beaucoup d’inconvénients à susciter des entités trop vastes où l’énergie de chacune des composantes se perd. C’est, en tout cas, un beau sujet de réflexion.
Le Grand Paris
Je croise Jean Nouvel qui sort de la Cité de l’architecture et du patrimoine où il travaille à sa participation à l’exposition des dix projets pour le « Grand Paris ». Ce sera un tonique déploiement de belles idées. Le Figaro titre, dès aujourd’hui, « les architectes voient la ville en vert » et présente le passionnant projet de Roland Castro de transformation du parc de la Courneuve en « Central Park ». L’idée est forte. Le développement de Paris a confiné les grands parcs à la limite de la ville dont ils sont déjà un « extérieur ». Les réintégrer dans le tissu urbain c’est une idée forte et efficace. Le Président de la République doit demain prononcer un discours à ce sujet. Je me réjouis de voir l’Etat prendre, comme Napoléon III l’avait fait à Paris, comme Louis XIV l’avait fait à Versailles…, cette question à bras-le-corps. Puisse ce mouvement contribuer à la relance du dynamisme de Paris, du Grand Paris naturellement, dont j’ai déjà évoqué l’usure, la fatigue, la morosité. Dans une Europe, dans un monde, où les villes sont devenues les moteurs du développement, il est essentiel que notre très grande métropole redevienne (ou devienne peut-être tout simplement) un espace convaincant, solidaire et attractif.
Il faut se réjouir des perspectives ouvertes par le projet du Grand Paris. Le président a annoncé en particulier la création d'une cité judiciaire. Cela pourrait avoir des conséquences positives car si l'on prend ce terme au sérieux alors on pourrait considérer que cette cité judiciaire permettrait de développer de nouveaux projets culturels comme par exemple la création d'une grande cité du théâtre au Palais Royal...
En effet, pour que l'on puisse parler de cité judiciaire, il faudrait que s'y installent d'autres institutions que le seul tribunal de grande instance. Le projet de création d'une cité judiciaire permettrait de concentrer sur un seul site le TGI et le plus grand nombre possible d'institutions judiciaires actuellement dispersées sur des sites prestigieux mais aujourd'hui inadaptés. La dispersion est une source de gaspillages et de pertes de temps.
On pourrait très bien imaginer de concentrer dans la Cité judiciaire le tribunal de grande instance, d'autres tribunaux disséminés dans Paris, le ministère de la justice, un centre des archives de la justice ainsi que les deux Conseils constitutionnels et d'Etat qui occupent actuellement le Palais Royal et empêchent qu'il puisse devenir la grande cité nationale du théâtre.
Libéré des deux conseils la grande cité nationale du théâtre regrouperait la comédie française, un musée du théâtre, une bibliothèque et une médiathèque consacrées au théâtre, des écoles et des lieux d'initiation au théâtre. Le Palais Royal qui est l'un des plus beaux monuments de Paris deviendrait un phare culturel de Paris. Unifié, il serait ainsi vite identifié dans le monde entier comme un des lieux culturels les plus prestigieux de France.
Il est temps de faire prévaloir l'intérêt général, d'aller dans le sens de la cohérence, de la rationalisation et du beau.
Alaric Osmond
Alaric.hautetfort.com
Rédigé par : Alaric Osmond | 03 mai 2009 à 11:01
Cher Monsieur,
Pourquoi pas, mais ça me semble peu probable. Le Palais Royal occupe en effet de façon désormais historique outre la Comédie française, le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat et ne l'oubliez pas le Ministère de la Culture et de la ommunication. Les bâtiments qu'ils occupent sont de surcroît soumis à des règles de conservation des Monuments historiques très contraignantes et sans doute peu adaptées à une Cité du Théâtre. Si une Cité du Théâtre voyait le jour, il y aurait des sites plus adaptés pour l'abriter.
Cordialement.
Rédigé par : Jean-Jacques Aillagon | 05 mai 2009 à 11:13
Monsieur le Ministre,
Je vous remercie pour votre réponse. Concernant le Palais Royal, l'origine de ma réflexion provient de l'examen du cas du Louvre. Un président de la République a su imposer le départ du ministère des Finances pour donner au Louvre son unité. Je pense que l'on pourrait de même unifier le Palais Royal pour que le pays tout entier et au-delà puisse profiter de ce bijou. Unifié, dans le cadre d'un Paris polycentrique, culturellement constellé d'institutions culturelles prestigieuses et identifées à des sites non moins prestigieux architecturalement, le Palais Royal ne serait plus un bric-à-bras mais un des phares de la culture à Paris. Encore faut-il lui donner une affectation claire et le théâtre me semblait logique mais les problèmes techniques que vous soulevez pourraient être gênants dans le cadre d'un tel projet. Néanmoins, d'autres idées pourraient être avancées. Je comprends que les conseillers d'Etat apprécient ce lieu mais l'intérêt général doit primer. De la même façon, le musée d'Orsay est saturé, il a besoin d'espace : l'hôtel de Belle-Isle devrait lui être attribué, c'est à l'Etat de le faire comprendre à la Caisse des Dépôts. Cette extension est dans la nature des choses, tant la continuité physique des deux lieux est une réalité. Pour revenir au Palais-Royal, il semble que Louis-Philippe ait hésité à y demeurer. C'est dommage car en abritant le roi des Français et sa famille il aurait trouver une vocation conforme à son nom, ce qui aurait permis de faire des Tuileries un autre musée, le pendant naturel du Louvre. Les Tuileries siège de pouvoirs royaux, révolutionnaires et impériaux aurait alors pu faire un excellent musée de l'histoire de France et sa proximité avec le Louvre lui aurait donné ainsi qu'à notre histoire un rayonnement et une notoriété sans pareil. Il faut parfois rêver surtout dans le domaine culturel ou tant de choses sont encore possibles.
Cordialement.
Alaric Osmond
Rédigé par : Alaric Osmond | 08 mai 2009 à 11:06