L’Abbaye de Saint Vaast d’Arras accueille une magnifique exposition des collections du Château de Versailles, « Roulez carrosses ». Cette exposition conçue sous la responsabilité de Béatrix Saule met en valeur la collection de carrosses, traineaux, chaises à porteurs du château de Versailles et bien sûr de toutes les œuvres peintes qui se rapportent à l’évocation des modes de transport du roi, de sa famille, de la cour des XVIIe au XIXe siècles, puisque l’exposition commence par l’évocation des voyages de Louis XIV dans les Flandres pour s’achever par celle des fastes de l’Empire et des régimes monarchiques du XIXe siècle.
Par un clin d’œil à l’histoire, l’exposition se conclue d’ailleurs très précisément par l’exposition de la calèche d’apparat du président de la République puisque, ne l’oublions pas, Versailles fut le lieu de l’élection des Présidents de la IIIe et IVe République. Ce qui est par-dessous tout significatif, c’est que cette exposition qui a donné lieu à une collaboration exemplaire entre les équipes de Catherine Pégard et celles du musée d’Arras et des collectivités locales impliquées, notamment le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, n’est pas un « one shot ». Elle inaugure en effet une longue collaboration dont le premier objectif est fixé à 10 ans, ce qui fait de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, le troisième établissement public du ministère de la culture, après le Centre Pompidou et le Louvre, à s’engager dans une action résolue de décentralisation. Je suis pour ma part fier d’avoir été, dans ces trois initiatives, à l’origine de l’impulsion qui en a permis la réalisation, comme Président d’un établissement s’agissant de Pompidou et de Versailles, comme Ministre s’agissant du Louvre et cela grâce à l’intelligence et la détermination d’Henri Loyrette.
La décentralisation culturelle m’est chère. J’estime qu’il n’est, pour l’Etat, de politique culturelle pertinente que si celle-ci manifeste sa volonté convaincue de prendre en main ses missions sur tout le territoire et au bénéfice de tous les citoyens. Ce projet suppose certes des moyens mais aussi une vision et une véritable capacité à engager avec les collectivités locales un dialogue constructif. Le temps n’est plus où le ministère de la culture pouvait, dans ses bureaux, de toutes pièces, concevoir des projets sans prendre en compte les points de vue, les propositions, la compétence de ces collectivités locales qui jouent, ou de leur propre mouvement, ou à travers les conséquences des lois de décentralisation, un rôle aussi important dans la vie culturelle de notre pays. L’Etat doit, plus que jamais de ce fait être un laboratoire d’idées et de projets, un espace de concertation, le moteur d’une nouvelle dynamique. Si le ministère, ses services et son administration centrale sont appelés à jouer dans ce processus un rôle déterminant, ils doivent également de façon originale, savoir libérer l’énergie des grands établissements et compter sur leurs capacités à engager, dans cette perspective, des projets inédits. Observons ce qu’est devenu le Centre Pompidou : une grande institution internationale dont le cœur bat à Paris, une institution réellement nationale grâce à sa politique audacieuse de prêts, de dépôts, grâce aussi au Centre Pompidou mobile et, surtout grâce à son antenne permanente dans le département de la Moselle, à Metz. Je sais que souvent l’Etat considère, avec perplexité et méfiance, l’esprit d’initiative de ces établissements dans lesquels tel ou tel ministre a cru voir le repaire de quelques grands féodaux qui menaceraient son autorité et sa gloire. Il faut sortir de cette idéologie de l’antagonisme et retrouver, rue de Valois le sens d’une solidarité de projet entre le Ministre, son cabinet, son administration, ses établissements et les acteurs locaux. Voilà bien pour l’après-mai, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle et la personnalité de celle ou de celui qui sera appelé rue de Valois, une perspective riche pour qui attend des politiques culturelles de vrais indices de refondation. Puisse-t-on dans le même temps mieux réfléchir aux structures déconcentrées de l’action territoriale du ministère. Les DRAC, dans leur forme actuelle sont-elles encore l’outil le plus adapté à l’affirmation du caractère réellement national de l’action du ministère ? Ne faut-il pas, là aussi, oser repenser les choses et ne pas se contenter de perpétuer pieusement les usages en cours, même quand ils ont, en d’autres temps, manifesté leur efficacité. A cet égard, je suis persuadé qu’il y a désormais lieu de repenser la juste balance entre les outils de la déconcentration et ceux de la décentralisation, en marquant aux collectivités locales des marques de confiance accrues. Voyageant beaucoup en France, j’y suis toujours frappé par la force des personnalités qui y conçoivent des politiques culturelles et par l’esprit d’innovation qui les caractérise. Aujourd’hui c’est là, très souvent, qu’est le meilleur terreau d’une culture en train de se refaire.
Au cours des dernières semaines, j’ai été attentif aux discours relatifs aux projets culturels des candidats. Tous ou presque s’expriment sur ces questions, souvent avec une passion sincère, comme l’a fait François Hollande au Cirque d’hiver récemment. Je dois cependant avouer que je me suis souvent dit que les discours et les annonces avaient un peu de mal à se dégager des stéréotypes qui caractérisent le discours du politiquement correct en la matière. Je sais bien que dans une campagne, il s’agit plus souvent de rassurer que d’émouvoir. Je sais cependant, que le moment venu, à l’épreuve du gouvernement, il faudra oser regarder au-delà des limites de l’enclos et sauter quelques barrières.
Chronique publiée dans le Quotidien de l'Art du 23 mars 2012
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