Exposition La Guerre sans dentelles
Stéphane Paoli reçoit, sur France Inter, Laurent Gervereau, Président de l’Institut des Images, à qui j’ai confié le commissariat de l’exposition La Guerre sans dentelles que nous présenterons, à partir du 11 mai prochain, dans la galerie des Batailles. Devant chacun des grands tableaux évoquant un épisode de l’une des batailles qui « ont fait la France », de Tolbiac (v. 496) à Wagram (1809), batailles représentées de façon héroïque et glorieuse, nous présenterons des photographies de guerre des XIXe, XXe et XXIe siècles. Cette exposition invitera le public à réfléchir à la question du rôle et du statut de l’image quand elle représente un événement guerrier et, de façon générale, un événement. Cette exposition constitue l’une des initiatives à travers lesquelles nous souhaitons mettre en œuvre l’exercice de « mise à distance critique » du musée de Louis-Philippe.
Galerie des Batailles, © EPV / Christian Milet
Centre Pompidou Metz
Dans L’Express, un coup de chapeau à l’achèvement prochain du bâtiment de Shigeru Ban qui abritera le Centre Pompidou Metz, première antenne en région d’un établissement public national, le Centre National d’Art et de Culture Georges Pompidou. Cette initiative, je l’ai engagée comme président du Centre Pompidou et soutenue comme ministre de la Culture.
Pendant les vingt-sept mois des travaux de réaménagement du Centre, de septembre 1997 au 1er janvier 2000, nous avons, Germain Viatte, directeur du Musée National d’Art Moderne et moi, animé une remarquable campagne d’exposition des collections de notre Musée en région, un programme d’expositions « hors les murs ». Retrouvant l’usage du bâtiment de Piano et Rogers en 2000, je me suis dit que le Centre ne pouvait pas renoncer à cette disponibilité d’un établissement national à l’égard des territoires de notre pays mais que c’était, dorénavant, à travers une implantation permanente en région, que cette ambition devrait prendre corps. C’est ainsi que le projet de Metz prit forme, le maire d’alors, Jean-Marie Rausch, sachant, avec audace et volonté, saisir la balle au bond et faire de ce projet le grand projet de sa dernière mandature.
Ministre, j’ai invité tous les établissements, notamment les grands musées nationaux à suivre cette voie. Le Louvre répondit à cette invitation avec rapidité et enthousiasme. C’est ainsi qu’est né le projet de Louvre-Lens. Ces initiatives sont animées par le souci de donner au service public des grands musées nationaux une nouvelle expression, attachée à l’ambition de participer à l’aménagement culturel du territoire et au service, le plus large possible, de nos concitoyens.
Grand Trianon
Dans l’après-midi rendez-vous avec quelques proches collaborateurs du Ministre des Affaires Etrangères pour une visite des installations du Grand Trianon qui relèvent toujours de la responsabilité de ce ministère. Nous examinons de quelle manière cette situation pourrait être aménagée pour permettre le meilleur accueil du public dans ce chef-d’œuvre du domaine de Versailles.
Vendanges 2008 de la vigne de Trianon
Dans la soirée, à l’Orangerie de Trianon, nous recevons, Alain Baraton et moi, la « Saint Vincent Tournante » de l’Ile-de-France. Le chapitre est tenu par les Confréries de Buzenval et de Suresnes-Rueil qui me font l’honneur de m’y recevoir. Après avoir goûté le Sauvignon 2007 de Buzenval et le Clos du Pas Saint Maurice 2007 de Suresnes, nous inaugurons la dégustation du produit de la vigne de Trianon… On me pardonnera d’avouer que je suis heureusement surpris. Je ne résiste donc pas à confier à cette page le commentaire de Périco Légasse sur la Vigne de Trianon.
« Considéré à juste titre comme l’un des plus importants du royaume, le vignoble de l’Ile de France, juché sur les coteaux de la Seine, suffisait largement à satisfaire les besoins de la cour et de la capitale. Il n’y avait donc pas de vigne sur le domaine royal à l’époque de la monarchie. L’initiative dont nous allons aujourd’hui déguster le fruit remonte au printemps 2003, lorsque fut décidé de planter un domaine viticole à proximité du Hameau de la reine. Après étude de la géologie locale par les équipes du château Branaire-Ducru, à Saint-Julien en Médoc, il fut admis que les cépages merlot et cabernet franc avaient quelques chances de produire un vin rouge acceptable, la configuration des lieux se prêtant peu à la culture de la vigne. Contre toute attente, et après plusieurs tentatives audacieuses de vinification conduites par le château Thuerry, en Provence, c’est finalement dans les chais de la vigne municipale de Suresnes que les meilleurs résultats ont été obtenus. La proximité des installations évite en effet au raisin une trop longue exposition à l’air et réduit ainsi les risques d’oxydation. Cette première expérience constitue, pour le moins, un succès, le simple fait d’obtenir un jus aussi structuré relevant déjà de la prouesse œnologique.
Voici donc le château de Versailles 2008. Un millésime controversé, partagé entre un septembre pluvieux et un octobre plus ensoleillé. Le secret aura été de vendanger au bon moment, le merlot étant plus précoce que le cabernet.
A la dégustation, le vin présente un nez assez vif, légèrement herbacé, une robe d’un pourpre soutenu et dense avec des reflets tirant sur la cerise. La bouche est mordante, vivace, avec des tannins encore serrés qu’il faudra laisser s’attendrir quelques mois pour obtenir un peu de souplesse. Le bouquet est frais, net, offrant peu de longueur mais des arômes assez intéressants évoluant sur le poivron, la fougère et le tilleul. Malgré l’emplacement, nous ne sommes évidemment pas en présence d’un vin noble, mais d’une cuvée plus indiquée pour danser la carmagnole en chantant à la gloire de la République.
Cette cuvée est un petit rouge de soif qui fera merveille au printemps sur quelques cochonnailles ou une volaille rôtie. Titrant à peine 11°, il ne peut en aucun cas vous faire tourner la tête. Nos félicitations à l’équipe de Suresnes ».
Nous garderons les deux cents bouteilles produites pour l’inauguration de l’Opéra royal, si le vin tient le coup… jusqu’au mois de septembre !
Vendanges au hameau de la Reine en octobre 2008, © EPV / Christian Milet
Musée de l’Histoire de France (suite)
Faut-il le préciser, nombreuses sont les institutions culturelles qui concourent au développement de la culture historique et de la connaissance de l’histoire. C’est le cas, pour le réseau des archives, nationales, municipales et départementales. Ces dernières ont, depuis la décentralisation de leur gestion aux départements, en 1982, connu un développement impressionnant. Outre leurs missions de collecte, de conservation et de communication des documents qu’elles possèdent, ces archives font un intéressant travail de diffusion de la culture historique, à travers des publications, des expositions et des actions destinées au monde enseignant.
Les bibliothèques, de la Bibliothèque Nationale de France aux bibliothèques municipales, sans oublier la constellation de bibliothèques privées, comme la Bibliothèque de la Société de l’Histoire du Protestantisme français, ouvrent l’accès à des fonds historiques vastes ainsi qu’à des collections patrimoniales qui, souvent, constituent en elles mêmes des références historiques majeures. La Bibliothèque Nationale de France témoigne de cette réalité de façon éclatante par la qualité exceptionnelle des collections que rassemblent ses départements spécialisés. On y retrouve quelques « reliques » majeures de l’histoire de France comme ce trône de Dagobert, symbole de la monarchie française et vestige du trésor de l’Abbaye de Saint-Denis dispersé par la Révolution.
Les musées de France, qu’ils soient musées des Beaux-Arts ou musées « d’art et d’histoire » ont été, de la même manière, chargés de la conservation de beaucoup des témoignages majeurs de l’histoire de notre pays. La saisie des biens des émigrés, la sécularisation de ceux du clergé, la dispersion des collections royales… ont permis la constitution des collections de beaucoup des musées français, tant à Paris qu’en province. Ces musées sont, de ce fait, devenus les dépositaires d’une mémoire jusqu’alors conservée dans les palais, les châteaux, les églises et les abbayes. Certains de ces musées sont plus particulièrement attachés à l’histoire nationale, d’autres à l’histoire locale , comme le Musée lorrain de Nancy créé en 1848. Dès cette époque, de nombreuses fouilles archéologiques ont permis d’enrichir ces collections, notamment celles du Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (actuel musée national d’archéologie), créé sous le Second Empire. L’épanouissement, tout au long du XIXe siècle, du grand genre de la peinture d’histoire, auquel se sont adonnés les grands et les moins grands artistes et qui constituait l’un des piliers de l’enseignement académique des écoles des Beaux-Arts, a rempli ces musées d’images dont le public se délectait. Quand Delacroix peint La Bataille de Nancy, il fournit à la mythologie nationale l’une de ses images favorites, celle de l’écrasement de Charles le Téméraire, dont l’ambition menaçait l’unité de notre pays, cet hexagone quasi parfait, comme dessiné par la providence, qui aurait pris soin de border son territoire de frontières naturelles, les Alpes, les Pyrénées, le Rhin et les mers…
Si on voulait aujourd’hui, ex abrupto et de manière classique, c’est-à-dire par un rassemblement d’œuvres et d’objets d’art, susciter un nouveau musée de l’histoire de France, c’est vers toutes ces collections qu’il faudrait se tourner et en envisager la mobilisation. C’est au Louvre qu’il faudrait chercher les portraits de Jean II le Bon, de Charles VII par Fouquet, de François Ier par Clouet, de Louis XIV par Rigaud… ou encore cette icône nationale majeure qu’est La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Il va de soi que les collections de Versailles devraient, pour certaines pièces insignes, être sollicitées de la même manière. Le Serment du Jeu de Paume de David, Bonaparte au pont d’Arcole de Gros, Marie-Antoinette et ses enfants de Madame Vigée-Le Brun fourniraient à la création d’un nouveau panthéon iconographique national quelques images incontournables.
Encore faut-il observer que cette mobilisation, ne produirait qu’une galerie de grands hommes, un peu à la manière de celle de la National Portrait Gallery de Londres. L’évocation iconographique de l’histoire dans toute sa complexité exigerait également qu’on se tourne vers beaucoup d’autres musées. C’est au Centre Pompidou qu’il faudrait demander les ressources d’une évocation de la fierté ouvrière au XXe siècle à travers des œuvres de Fernand Léger, d’Edouard Pignon ou d’André Fougeron. Comment évoquer les mouvements qui ont animés la société du XIXe siècle sans recourir aux ressources du Musée d’Orsay qui conserve ces icônes de la société paysanne transfigurées par les artistes que sont l’Angelus de Millet et l’Enterrement à Ornans de Gustave Courbet.
Réalise t-on que beaucoup des musées en région possèdent, eux aussi, quelques unes des images clés de la représentation de l’histoire de France ? C’est à Caen qu’est présenté Le Vœu de Louis XIII de Philippe de Champaigne, à Avignon, La Mort de Bara de David, à Beauvais, l’Enrôlement des volontaires de Thomas Couture et à Strasbourg Rouget de Lisle chantant la Marseillaise de Isidore-Alexandre Pils.
Même si une telle entreprise était intellectuellement excitante, on voit bien qu’elle conduirait à un double précipice. Elle ne produirait qu’un musée iconographique d’un autre temps qui, dans le fond, ne dirait pas l’histoire dans toute sa fragile subtilité. Elle supposerait le douloureux et impossible démembrement de collections dont la cohérence historique est, en elle-même, l’un des éléments du patrimoine artistique et culturel dont notre pays a la garde.
Faut-il pour autant ne rien faire et n’y a-t-il rien à faire ? Je ne le crois pas. J’y reviendrai demain.
A suivre…
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