Depuis Paris, on aura pu, pour aller à Brest, prendre le TGV qui part de la gare Montparnasse ou emprunter un avion qui atterrit à Guipavas. Brest est une ville de la reconstruction qui n’a pas, contrairement au Havre accédée à la distinction comme patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. On ne manquera cependant pas d’y admirer la rade, immuable et de passer un bon moment dans le musée dont la collection est, comme celle de beaucoup de musées de province, singulière. Le musée participe cette année au cycle des expositions « Bretagne-Japon 2012 » avec « La vague japoniste ». On y voit des artistes comme Paul Sérusier, Emile Bernard, Maurice Denis ou Henri Rivière confrontés à Hiroshige et Hokusai. Dans cette ville qui n’est pas seulement celle du « tonnerre de Brest » qui a bénéficiée cette année d’une visite du Président de la république, on aura aussi le plaisir d’emprunter le nouveau tramway qui parcours plus de quatorze kilomètres, à travers vingt-sept stations dont six bénéficieront de commandes artistiques, une septième se portant sur la création d’un ticket collector. On a là, l’une des nouvelles expressions de cette politique désormais bien répandue de commande d’œuvres pour les lignes de tramway, politique qui a fleuri à Nantes, à Bordeaux, à Strasbourg ou à Orléans, avec des résultats plus ou moins heureux, certaines œuvres finissant par plus relever du clin d’œil que de la proposition plastique motivée. L’un dans l’autre, tout cela est cependant préférable à l’absence d’initiatives. Ici et là, il en reste toujours quelque chose d’intéressant.
Ce fleurissement des arts, aussi abondant que cela de la bruyère qu’on admire actuellement sur la lande bretonne, on le retrouve à une vingtaine de kilomètres de Brest, à Landerneau, dans la nouvelle « Kunsthalle » installée par le Fonds Hélène et Edouard Leclerc pour la culture dans les vestiges d’un ancien couvent des capucins qui fut d’ailleurs à Landerneau le premier des magasins Leclerc. On y voit désormais là ou se bousculaient sur des gondoles des paquets de pâtes et des lessives, une rétrospective de l’œuvre de Gérard Fromanger, artiste intense que cette exposition met justement en valeur. Faut-il rappeler que grâce à ces espaces culturels et donc à son offre de produits culturels, livres, disques, films… Leclerc est devenu en un peu plus d’une décennie l’un des principaux acteurs de la diffusion des productions des industries culturelles en France. Après la FNAC, Leclerc est désormais, le deuxième libraire et le deuxième disquaire de l’hexagone. Il n’était donc pas inopportun que cette grande enseigne rende à la culture ce que la culture apportait à son activité et au développement de son chiffre d’affaire. C’est désormais aux fonds de dotation portant le nom des créateurs de Leclerc et présidé par Michel-Edouard Leclerc à piloter le développement des Capucins de Landerneau et à coordonner toutes ces actions de mécénat, à Angoulême, à Saint Malo ou à Nantes, aux folles journées, en bénéficiant des dispositions de la loi du 1er août 2003 sur le mécénat, sauvée une nouvelle fois des eaux qui menaçaient de l’engloutir.
De landerneau, on ira à Huelgoat, en s’arrêtant à Sizun où on admirera une nouvelle fois l’enclos paroissial qui entoure l’église Saint-Suliau, avec son arc de triomphe, digne de celui de Gaillon et sa chapelle funéraire. A Huelgoat, on prendra plaisir à boire un verre sur la place de l’église après avoir médité sur la tombe de Victor Segalen et s’être laissé impressionner par le célèbre chaos granitique, curiosité géologique qui a fait rêver tant de peintres et de sculpteurs. On prendra surtout le temps d’aller jusqu’à l’ancienne école des filles ou Françoise Livinec anime, depuis 2009, une originale activité d’exposition. Il s’agit d’une activité commerciale. Toutes les œuvres exposées sont à vendre mais sont également proposées à la curiosité des visiteurs grâce à la présence de remarquables jeunes médiatrices culturelles. Le dimanche après-midi, le public est invité à rencontrer des auteurs ou des artistes, tout cela composant une offre culturelle, délicieusement décalée. L’exposition présentée cette année se déploie sur le thème du paysage, retenant aussi bien les panneaux du décor de l’ancien hôtel Thalamot, à Beg Meil de Sigurd Fredriksen, que ses décors du rêve que sont les façades de lits clos dont un remarquable ensemble est représenté. Dans d’autres salles, on retrouvera d’autres œuvres de Matthieu Dorval, de Valérie Guillet, Loïc Le Groumellec, Thierry Le Saëc mais aussi celles de Charles Lapicque, Pierre Tal Coat, Léon Zack ou Hervé Kerlidou. On mentionnera faute de pouvoir citer tous les artistes exposés, Pierre Laniau qui investit avec puissance ces paysages politiques que sont les affiches électorales pour y projeter un regard corrosif qui s’empare aussi bien de François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal ou François Hollande. Avant de quitter Huelgoat, on essayera de voir l’arboretum du Poërop, qui bénéficie du label de « jardin remarquable » que j’avais créé en 2003. On prendra ensuite, la vieille route qui mène de Huelgoat à Morlaix, la D769 qui frôle la belle abbaye du Relec. Si après s’y être arrêté, on fonce vers Morlaix pour voir le musée, son Courbet, son Eugène Boudin, son Claude Monet et d’autres chefs d’œuvre, on en sera pour ses frais, faute de la volonté ou de la capacité de la commune de restaurer, d’aménager le couvent des jacobines ou il est logé. Le musée ne se présente plus que de façon thématique dans deux petites salles jugées aptes à recevoir le public. Le remarquable site internet du musée donne à cette impuissance des explications pudiques. « See the collection in a different way », « le musée de Morlaix ne s’identifie plus à un bâtiment mais à une collection », la collection de la ville de Morlaix. La possibilité de voir dans les deux petites salles une exposition Pierre de Belay, ne console d’une situation qui dure, avec désinvolture, depuis trop longtemps. On dit ne pas avoir les quelques millions nécessaires à la réfection de ce musée alors que la communauté d’agglomération persisterait à vouloir, à coup de dizaines de millions, percer un port de plaisance dans la délicate anse du Diben à Plougasnou. On croit rêver. Ne gâchons cependant pas notre plaisir par ces affligeantes considérations. Le Leon sous le soleil, c’est extraordinaire.
Chronique publiée dans le Quotidien de l'Art du 27 juillet 2012
Illustration article : Sans tire, 2005, 76×57 — Loïc Le Groumellec (droits réservés)
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