Le Blog de Jean-Jacques Aillagon

William Christie

A l’Opéra Comique, c’est l’apothéose de William Christie. On célèbre le 30e anniversaire des Arts Florissants et la réception du maître à l’Académie des Beaux-Arts.

Hommage et soutien à Haïti

J’ai fait placer, dans le vestibule haut de la chapelle, à l’entrée de la Tribune du Roi, le portrait de Jean-Baptiste Belley par Girodet, chef-d’œuvre des collections historiques dont l’Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles a la garde. Jean-Baptiste Belley, esclave affranchi, fut, en 1793, élu député du département du nord de Saint-Domingue à la Convention nationale qui abolit l’esclavage le 16 pluviôse an II, c’est-à-dire le 4 février 1794. Il s’agit d’un vrai héros de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
Ce portrait manifeste la force de la solidarité qui mobilise aujourd’hui beaucoup de nos concitoyens en faveur du peuple haïtien si durement éprouvé. En voyant ce tableau, Adrien Goetz me parle de celui de Guillaume Guillon-Lethière représentant « Le serment des ancêtres » (1822) accroché dans le Palais présidentiel de Port-au-Prince et donc, aujourd’hui enseveli sous ses décombres.

Théologien - Versailles

Théologien
On annonce la mort d’Edward Schillebeeckx, dominicain flamand (né à Anvers) et qui vient de décéder à Nimègue aux Pays-Bas. Sa nécrologie, dans le Monde, rappelle le choix intellectuel que fit ce théologien hétérodoxe de privilégier l’exégèse historico-critique là où beaucoup de ses collègues ressassaient des dogmes érigés en vérités immuables. Les pensées religieuses et les corpus dogmatiques et moraux qui en découlent sont inévitablement conditionnés par le contexte historique et culturel qui les a produits. Cela vaut aussi bien pour le judaïsme que pour le christianisme et l’islam. Vouloir s’abstraire de cette considération ou en contester la légitimité au nom du caractère intangible de la révélation, c’est condamner ces systèmes religieux à un infécond immobilisme et à l’intégrisme. Le religieux flamand avait bien compris que dans le christianisme, il fallait distinguer entre le cœur du message de Jésus qui fonde une nouvelle manière possible pour l’homme, non seulement de vivre avec les autres, mais de vivre pour les autres et le conditionnement historique d’une époque qui érigea l’exigeant prophète du Dieu d’Israël en avatar de la divinité elle-même. Je ne me souviens plus des limites de convenance que le dominicain, plusieurs fois mis en cause par la Congrégation pour la doctrine de sa foi, imposa à l’expression de sa pensée. Il va falloir que je me replonge dans son œuvre.

Versailles
 Dans la soirée, inauguration de l’exposition « Versailles photographié, 1850-2010 ». Sa commissaire est Karine Mc Grath, qui vient de donner une interview passionnante au journal interne de l’Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles, Perspective. J’en livre ci-après quelques extraits :

« Comment, par la photo, le regard sur Versailles a-t-il évolué ?
J’ai le sentiment d’un rapport très étroit entre Versailles et la photo. Celle-ci a été, depuis le XIXe siècle, le vecteur qui a propulsé la représentation du lieu dans tous les esprits, et ce, jusqu’à l’époque moderne où Versailles continue d’occuper le devant de la scène grâce à des images frappantes liées à l’actualité politique : voyage de la reine Victoria en 1855, procès du maréchal Bazaine à Trianon en 1873, visite du tsar de Russie en 1896, traité de 1919 dans la galerie des Glaces, visites de Kennedy ou de Nixon dans les années 60, sommet du G7 en 1982...

Comment s’organise la présentation des photos ?
On aura quatre sections : Versailles au coeur de l’Histoire / De pierre, de marbre et de soie / La Nature maîtrisée / Rêver Versailles. Chacune d’entre-elle sera divisée en sous-sections et l’ensemble mettra en évidence, je l’espère, le fait que la photographie a couvert tous les aspects de Versailles depuis le second XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui.

L’intérêt de l’Établissement public pour la photo se limite-t-il aux expositions ?
Non, bien sûr. La photographie est devenue un véritable champ d’enrichissement de nos collections. J’ai proposé récemment l’acquisition d’un lot de tirages de Pierre Jahan (1903-2003), qui exposa avec Man Ray et fut membre du groupe des XV en 1950 aux cotés, entre autres, de Robert Doisneau et Willy Ronis. Il y a eu en 2009 d’autre achats : 6 épreuves argentiques montrant la défense passive en 1918, 94 épreuves pictorialistes du XXe siècle, 9 épreuves de 1860 sur papier albuminé par le comte de la Personne... En décembre 2008, grâce au mécénat d’Eurotunnel, l’EPV avait pu acquérir l’exceptionnel album de photos de Disderi prises à l’occasion de la visite de la reine Victoria en 1855 et qui sont, d’après mes recherches, les premières photos d’intérieurs du château. En ce début de XXIe siècle, Versailles a pris conscience que la photo faisait partie de son patrimoine. Une discipline de plus qui, aux côtés des peintures, des sculptures, du mobilier, des objets d’arts, va permettre d’enrichir et diversifier les points d’entrée dans l’histoire et l’esthétique du Château. »

Le poids des mots

Libération fait état des violences qui opposent, en Malaisie, musulmans et chrétiens, les premiers contestant aux seconds le droit d’utiliser le mot Allah pour désigner Dieu. Ce nouvel épisode de violence interreligieuse met en évidence le poids des mots. Les chrétiens, en n’hésitant pas à utiliser le nom d’Allah, opèrent peut-être un procédé d’appropriation, mais ils affirment surtout ainsi qu’ils ont compris que Dieu, tel que l’entendent les monothéismes, est Dieu et que la manière dont on le désigne n’est qu’un accident culturel qui ne modifie en aucune façon sa substance, de la même manière que Dieu, Dio, God et Gott renvoient à la même réalité.
Les musulmans de Malaisie, en tentant de s’approprier exclusivement ce nom d’Allah, traduisent, eux, leur sentiment que ce Dieu serait, dans le panthéon des dieux, leur Dieu exclusif. Leur monothéisme est, en fait, devenu une monolâtrie alors que le judaïsme a, dans son histoire, consenti la démarche inverse. D’un Dieu exclusif, jaloux et ethnique, il a su faire émerger l’idée d’une Déité absolue, excluant toute autre forme divine et qui, à force d’abstraction et d’immanence, préparait en quelque sorte la pensée à l’athéisme.
Le christianisme a été un remarquable « adaptateur » de la pensée religieuse, du dogme et des rites à leur environnement culturel et politique, à la pensée hellénistique survivant dans l’antiquité classique d’abord, aux normes du monde féodal et seigneurial ensuite, à la diversité des cultures comme l’a souligné la querelle des rites aux XVIIè et XVIIIè siècles, quand les jésuites implantés en Chine proposaient déjà que Dieu soit nommé « Le Ciel » pour que l’idée en soit comprise par les Chinois.

Comité régional du tourisme

Je déjeune avec Henriette Zoughebi, conseiller régional d’Ile-de-France (PCF), présidente du Comité régional du tourisme. Elle a présidé aux destinées du remarquable salon du livre de Montreuil jusqu’en 2000. Henriette est très attachée, à juste titre, à globaliser la promotion de l’offre francilienne autour du concept de Paris-Capitale. C’est vrai que, vu de Houston, d’Helsinski, de Minsk ou de Doha, c’est bien sous le concept de Paris qu’on  peut susciter le désir de venir aussi à Versailles, à Chantilly ou à Rambouillet. En matière de développement touristique, la nécessité s’impose de fédérer, de façon efficace, toute la constellation des offices locaux, départementaux et régionaux du tourisme. Voilà un domaine où la Région a bien vocation à jouer un rôle déterminant parce qu’elle embrasse un territoire large. Henriette Zoughebi espère bien évidemment que le résultat des élections régionales des 14 et 21 mars prochain lui permettront de rester aux manettes de cette responsabilité. En Ile-de-France, son parti s’est allié avec le Parti de gauche (PG). La liste Front de Gauche qui en résulte présentera une liste dans la perspective de former une majorité avec le PS et les verts après le 2ème tour, alors que dans certaines régions (dont la Lorraine), le PC a fait alliance avec le PS dès le premier tour.
Quel mode de scrutin compliqué que celui des régionales ! Le scrutin est départemental, ce qui fait que la tête de liste régionale n’est en fait présentée au suffrage des électeurs que dans un département. Il faut obtenir 5% des voix pour fusionner avec une autre liste au 2ème tour et 10% pour se maintenir. Au 2ème tour, la liste absolument majoritaire rafle 25% des sièges à pourvoir et les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés… Comment expliquer tant de complications aux citoyens ?!

Franz-Olivier Giesbert - Haïti

Franz-Olivier Giesbert
Dans Le Monde, interview de Franz-Olivier Giesbert par Josyane Savigneau à propos de la parution de son dernier roman Un très grand amour (Gallimard). Dans ce roman où l’autobiographie affleure sans cesse à la surface de la fiction, l’auteur confesse la maladie qui l’a frappé il y a quelques années. FOG déclare notamment « Je ne pense pas être particulièrement courageux, mais, en effet, pendant des années, je n’ai pas parlé de mon cancer. Souvent, si vous le faites, vous devenez mort dans le regard des autres. De l’assureur, notamment… Maintenant, le temps a passé, même si je ne fais pas le malin et peux me sentir en sursis. J’ai simplement eu envie de raconter une histoire édifiante. La partager. Quand on écrit, il faut prendre tous les risques, comme si chaque livre était le dernier, en essayant d’aller au bout des choses ».

Haïti
L’aide internationale se porte au secours de Haïti, cette petite partie de l’île d’Hispaniola, dévastée par le tremblement de terre, et cela dans des conditions difficiles parce que tous les équipements d’accueil d’une aide qui était déjà très insuffisante et défaillante sont désormais ravagés. A cela s’ajoute le fait que l’Etat haïtien, lui aussi historiquement démuni, a été démembré par la catastrophe et que l’aide extérieure n’a plus qu’un interlocuteur intérieur privé de fait de toute vraie capacité à organiser les opérations. De toute évidence, les Etats-Unis sont tentés de jouer un rôle majeur dans le processus de mise en œuvre des secours et de rétablissement d’un fonctionnement convenable de l’action publique et de la solidarité. Leur puissance, leur proximité, l’histoire récente de leur relation avec ce pays, ne rendent pas illégitime une responsabilité spéciale de la part du pays de Barack Obama. Encore faudrait-il que cet engagement respecte scrupuleusement la volonté, même handicapée, de l’Etat haïtien, qu’il prenne en compte l’existence de l’ONU qu’on risque de voir se réduire à l’état de comparse, et qu’il ne tente de marginaliser, voire d’exclure, d’autres secours. Le Secrétaire d’Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, présent sur le terrain, a été obligé d’émettre une protestation contre le refus des Américains, qui désormais contrôlent l’aéroport de Port-au-Prince, de laisser se poser un appareil français porteur d’équipements médicaux. Il serait dommage qu’un grand pays, dont le président a été fait prix Nobel de la Paix dans des conditions aussi précoces qu’on faisait d’un jeune prince un archevêque sous l’Ancien Régime, soit tenté de renouer avec son penchant pour l’impérialisme en le faisant prospérer sur la misère du monde.

Comédiens français - Comédie française

Comédiens français
Laurent Brunner m’envoie le mail suivant : « Shirley et Dino sont venus en repérage à l'Opéra Royal, pour la reprise de "King Arthur" de Purcell en 2011, avec la complicité d'Hervé Niquet à la direction d'orchestre. Cette production de l'Opéra de Montpellier à l'été 2009, brillante et décalée dans la mise en scène de ce duo de choc, a conquis le public et a fait l'objet d'une captation pour France 2. Elle s'adapterait parfaitement à l'Opéra Royal. Shirley et Dino saluent JJA en se rappelant qu'il avait pris avec eux " une ponne pière" dans leur loge après avoir vu leur spectacle au Théâtre de Paris... et attendent avec impatience de le retrouver autour du Roi (Arthur) à l'Opéra Royal de Versailles. » Pourquoi pas, en effet, reprendre « King Arthur ».
Dino est lorrain, de l’arrondissement de Briey, de Villerupt, très exactement. Shirley, elle, est née à Dugny en Seine-Saint-Denis. A l’état civil ils portent le nom de Gilles et Corinne Benizio. Gilles-Dino est sans doute d’origine italienne. L’immigration italienne a formé une forte communauté dans la région de Villerupt. Cela explique que cette petite ville de 9 580 habitants consacre toujours un festival (apprécié) au cinéma italien. A chaque fois que nous nous retrouvons, Dino, Shirley et moi, nous évoquons nos souvenirs de la Lorraine des mines, aujourd’hui fermées et des usines aujourd’hui éteintes. Il y a chez eux un peu de cet esprit de la commedia dell’arte qui régalait le Roi-Soleil avant qu’il ne s’attache qu’aux talents des « comédiens français ».

Comédie française
Les hasards de cette journée font que j’ai, deux fois aujourd’hui, retrouvé Muriel Mayette, administrateur général de la Comédie Française, donc patronne des « Comédiens français », une première fois à une réunion de chefs d’établissements au ministère de la Culture, une deuxième fois à une dîner chez une amie commune. Je lui ai dit mon regret de ne pas avoir vu Polyeucte depuis longtemps. Elle comprend mon regret. Nous avons, par ailleurs, ri de mille choses.

Bonne année

Un an neuf. Le jour se lève sur Plougasnou. J’en photographie les premières lueurs pour en faire ici ma carte de vœux aux lecteurs de ce blog.

Proximité

Le Télégramme consacre un article à la fermeture de l’un des derniers commerces de Plouegat-Moysan (29), une épicerie-bar. C’est, désormais, le dernier café de la commune, le café des Quatre Chemins qui reprendra l’activité de dépôt de pain. Encore un symptôme de la métamorphose des campagnes. Les églises, les écoles, les commerces ferment les uns après les autres. C’est désormais dans les zones commerciales à l’entrée des petites villes que se concentre ce qui subsiste d’une vie sociale partagée…

A Plougasnou le marchand de journaux a heureusement retrouvé un repreneur. C’est le 1er janvier que se fera le changement de propriétaire. Je me réjouis de saluer le partant et l’arrivant. Ils savent pouvoir compter sur ma passion intacte pour la lecture des journaux mais regrettent, bien évidemment, que je ne sois pas habitant de Plougasnou à plein temps. Cette commune résiste assez bien: deux épiceries, deux bouchers, deux boulangers, des bistrots, un marcher hebdomadaire, un collège dont je me suis fait le protecteur quand il a été menacé de fermeture, une vie associative intense, le clocher de l’église qui sonne régulièrement…

Henriette Joël

La lecture des faire-part du Figaro m’apprend la mort d’Henriette Joël, fondatrice et présidente inoxydable de la Société des Amis du Musée d’art moderne de la Ville de Paris (MAMVP). Je me souviens de cette forte personnalité avec émotion, étonné par la précision de son âge. Elle est décédée dans sa 88ème année, alors qu’elle n’avait cessé de m’impressionner par son juvénile dynamisme. Elle fut, aux côtés des directeurs du musée d’art moderne de son règne successifs, Bernadette Coutenson, Suzanne Pagé et peut-être même encore Fabrice Hergott, totalement engagée dans tous les projets qui, au fil des années, firent de ce musée un pôle de référence, souvent poil à gratter de son grand frère et longtemps voisin, le Musée national d’art moderne.
Elle avait su incarner ce que doit être la Société des amis d’un musée, c’est-à-dire un affectueux complice, totalement indépendant mais toujours solidaire de l’institution qu’il soutient, ne s’instituant jamais en contrepouvoir en se parant d’une prétendue légitimité supérieure. C’est sans doute de son enracinement protestant qu’elle tenait ce sens exigeant du service. Ses obsèques seront célébrées ce 31 décembre au Temple de l’Annonciation à Paris.

Tout récemment, je suis allé au Musée du Palais de Tokyo pour y voir l’exposition Deadline, remarquable exposition qu’y présente Fabrice Hergott, conservateur et directeur de grande envergure, qui pourrait légitimement un jour prétendre exercer les fonctions de directeur du Musée national d’art moderne, le jour où Alfred Pacquement quittera ces fonctions qui je lui ai confiées en 2000 et qu’il devrait légitimement exercer jusqu’à l’âge de sa retraite, en 2013. Au MAMVP, Fabrice Hergott fait un travail remarquable, malgré des moyens de toute évidence chichement comptés par la municipalité parisienne, paradoxalement moins engagée en faveur de ses établissements culturels qu’elle ne l’était du temps de Jacques Chirac !