Les Français aiment Venise. Avec Pâques, s’intensifie le véritable pont aérien qui, chaque semaine, déverse des milliers de visiteurs venus de France sur les rives de la lagune vénitienne. Le Comité français pour la sauvegarde de Venise, animé par Jérôme-François Ziesseniss, y est, par ailleurs, fort actif et a pris en charge la restauration des salles napoléoniennes du Palais Royal. La reconstruction du Bucentaure, la galère d’apparat des Doges de Venise, pourtant détruite par les troupes de Bonaparte, en 1797, vient de bénéficier d’un important don de pièces de chêne venant des forêts d’Aquitaine.
Beaucoup des touristes français iront au Palais des Doges admirer la salle du Grand Conseil et son "Paradis", peint par les Tintoret. Ils pourront également y voir l’exposition consacrée aux "Doges et Dogaresses". Si certaines Dogaresses, épouses de Doges, ont exercé un pouvoir d’influence, elles n’auront jamais été ni reines ni régentes comme dans d’autres principautés européennes, la société politique de la République de Venise étant exclusivement masculine. La seule véritable épouse du Doge, c’était la mer avec laquelle il s’unissait, tous les ans, à l’Ascension, en jetant dans les flots un anneau d’or et en déclarant ; "Nous t’épousons, mer, en signe de véritable et perpétuelle domination".
A Venise, les temps ont heureusement changés. Les femmes y ont conquis leur place. La programmation de printemps de l’exquis Palazzo Fortuny est tout entier consacrée à des femmes artistes, Anne-Karine Furunes, Ritsue Mishima, Barbara Paganin ainsi qu’à Dora Maar, égérie à la fois des surréalistes et de Picasso mais, surtout, grande artiste à part entière. Une exposition collective, "Les amazones de la photographie" réunit, d’autre part, des chefs d’œuvres de femmes photographes parmi lesquelles se croisent des tirages magnifiques de Diane Arbus et de Nan Goldin. C’est ainsi, sans qu’on ait eu besoin d’établir des quotas - ce qui prêterait à sourire - que l’on voit de plus en plus les femmes artistes imposer leur talent mais aussi leur singularité sur la scène artistique.
A Palazzo Grassi, outre une exceptionnelle exposition Irving Pen qui a si bien photographié les femmes, la Fondation Pinault présente un accrochage intitulé "L’illusion des lumières" dans laquelle on remarque les œuvres de cinq talentueuses artistes, Eija-Liisa Ahtila, Latifa Echakhch, Vidya Gastaldon, Elaine Sturtevant et la française Claire Tabouret. Leurs œuvres font écho à celle de Marlène Dumas, de Diana Thater, de Sherrie Levine, de Lizzie Fitch, de Bridget Riley et de Dominique Gonzalez Foerster que la même Fondation présente sur son second site, la prodigieuse Pointe de la Douane.
Justice est ainsi rendue à cette autre moitié de l’humanité qui, longtemps, n’a été admise dans l’Olympe des arts que de façon parcimonieuse. On ne peut que s’en réjouir, sans pour autant souhaiter que soient démultipliées les expositions qui prendraient pour seul parti, comme le fit, en 2009, le Centre Pompidou avec son exposition "Elles", de ne montrer que des œuvres de femmes artistes, au risque d’en exalter excessivement de mauvaises. Françoise Giroud disait, en 1983 "La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente". A force d’obstination on finira bien par y parvenir. Il n’est pas, pour autant, nécessaire de s’y forcer.
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