Il y a peu des milliers de manifestants réclamaient, dans les rues de Nantes, chef-lieu de la Loire-Atlantique, le retour de ce département à sa province d’origine, la Bretagne. Un sentiment populaire puissant, modérément partagé par les élus, notamment ceux de l’actuelle région Pays-de-la-Loire dont la capitale est, justement, Nantes, s’est ainsi emparé, à l’Ouest de la France, du débat sur le remodelage de la carte administrative et politique du pays. A l’Est, ce sont des élus, François Patriat, président de la Bourgogne et Marie-Guite Dufay, présidente de la Franche-Comté, qui prennent l’audacieuse initiative du rapprochement de leurs régions. Là aussi, à côté de considérations plus pragmatiques, c’est l’histoire qui est convoquée pour justifier cette perspective. Ces deux territoires ne sont-ils pas issus, l’un et l’autre, des États du duc de Bourgogne, à cheval sur le royaume de France et l’Empire romain germanique ?
La rationalisation de l’organisation du territoire pourra-t-elle, ainsi, parvenir à ses fins, grâce à de telles initiatives spontanées, alors que leurs élus considèrent souvent la disparition de leurs fiefs avec effroi et que les citoyens sont prompts à s’enflammer pour des patriotismes de clochers ? Il serait illusoire de l’imaginer. L’Etat devra bien prendre ses responsabilités et cela avec autant de détermination et de bon sens que l’avait fait l’Assemblée nationale constituante dès le début de la Révolution en créant les départements. Aujourd’hui, certains préconisent, ces départements disparaissant et le nombre de régions étant réduit de moitié, l’émergence de vastes entités ayant toutes, par exemple, ou la même superficie ou la même population, au risque de forger des chimères territoriales dont plus rien n’assurerait la cohérence et la solidarité, comme cette région "Méditerranée" qui courrait de Port-Vendres à Menton ! On serait bien inspiré, puisque sans cesse, en France, on se réfère au modèle allemand, de réfléchir à la féconde disparité de la taille et de la population des Länder. Le Land de Berlin n’a que 891 km² alors que celui de Bavière en a 70 521. Le Land de Sarre rassemble à peine plus d’un million d’habitants, tout comme le département voisin de la Moselle, alors que celui du Rhin-du-Nord-Westphalie en compte près de 18 millions. La rationalisation de l’organisation territoriale de la France appellerait donc un inédit consentement à la diversité, si étranger à la tradition jacobine d’uniformité.
Ces perspectives ne vont pas sans inquiéter le "monde de la culture" qui a su tirer un petit parti de l’émiettement des collectivités locales et du principe de leur compétence générale. Certaines organisations, comme le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, redoutent une nouvelle vague de décentralisation qui pourrait renforcer tout en l’organisant mieux la compétence culturelle des différents degrés de collectivités locales. On aime à imaginer dans ces cercles que seul l’État serait un bon tuteur. Pourtant, comme vient de le rappeler le rapport remis au président de la République par Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées, et Alain Lambert, président du Conseil général de l’Orne, c’est bien de la prise de responsabilités plus large par des collectivités locales mieux organisées et libérées de contraintes que dépend aussi le redressement de notre pays.
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