C’est ce soir que Canal+ diffusera la cérémonie des Césars, organisée par l’Académie des arts et techniques du cinéma. On y célèbrera, une nouvelle fois, sous la présidence, cette année, de François Cluzet, les joies et les peines d’une cinématographie qui se dit "l’une des meilleures du monde". Avec environ 270 films par an, c’est en tout cas, l’une des plus abondantes. Ce torrent cinématographique français a charrié quelques véritables pépites dont les films les plus cités pour le César du meilleur film, Les garçons et Guillaume à table, de Guillaume Gallienne, qui avec, 2,1 millions de spectateurs atteint le 19e rang du box-office, 9 mois ferme, d’Albert Dupontel, 20e, avec 2 millions, La vie d’Adèle, d’Abdelatif Kéchiche et le remarquable Inconnu du lac, d’Alain Guiraudie. En 2013, la fréquentation des salles de cinéma, s’est stabilisée, belle performance, à 201 millions de spectateurs, ce qui marque toutefois un léger tassement par rapport à l’année précédente. Les films français, avec près de 40% de parts de marché, y marquent, quant à eux, une vraie résistance, au cinéma américain.
La vitalité du cinéma français s’est épanouie, situation assez rare dans le monde, sous la protection de la puissance publique. C’est elle qui, depuis la Libération, reprenant des mesures imaginées dès 1936 et ayant bénéficié d’un début de mise en œuvre par Vichy, organisait un dispositif original de soutien, confié à un Centre national de la cinématographie, bénéficiaire, pour son financement, de plusieurs taxes dont celle de 10,72% sur la billetterie des salles. Ces taxes permettent au CNC de disposer d’un budget de quelque 700 millions d’euros, qui alimente, notamment, le compte de soutien au cinéma français. Cette manne, enrichie par les obligations de production des chaînes de télévision, désormais étendues à d’autres modes de distribution, assure au cinéma français un solide dispositif de préfinancement. Malgré cela, il ne se porte pas totalement bien.
Parmi les dix premiers films vus en 2013, si l’on met à part, le numéro 1, le film d’animation franco-américain Moi, moche et méchant 2, un seul film français, film dit de divertissement, se distingue, en 5e position, Les profs, vu, en salles, par 3,9 millions de spectateurs. Peu des films français accèdent, par ailleurs, à une reconnaissance significative par le public de notre pays et moins encore par le public étranger, quelle que soit la diversification des modes d’accès au cinéma. C’est inquiétant.
C’est cette inquiétude qui a conduit, une fois de plus, le ministère de la Culture à commander un rapport sur la situation du cinéma, cette fois-ci confié à René Bonnel. Le rapport constate que le principe du préfinancement peut comporter des effets déséquilibrants en stimulant l’offre de films de façon artificielle. C’est le même constat que faisait récemment, dans une interview, Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque française et nouveau président de la Commission d’avance sur recette, quand il déclarait "pour moi, c’est un problème du cinéma français : il est surfinancé". René Bonnel propose 50 mesures pour rectifier le tir. Même si elles ne semblent pas toutes opportunes, beaucoup méritent qu’on leur prête attention. Il faudra le faire avec discernement. Là comme ailleurs, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il ne faut pas non plus accepter de le noyer dans un bain trop rempli ou l’ébouillanter dans une eau trop chaude…
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