A partir de ce samedi, et pendant huit jours, quelques sept-cent mille visiteurs se presseront au salon de l’agriculture, grande institution culturelle française, qui succède au concours général agricole, fondé en 1870. On y attend mille trois-cents exposants, et, surtout, pour la plus grande joie du public, quatre-mille animaux dont la vache tarentaise, Bella, marraine de ce grand évènement.
Le salon de l’agriculture, un évènement culturel ? Oui, assurément ! Ce qu’on vient y admirer, ce sont, des productions animales et végétales, œufs, beurres, fromages, viandes, charcuteries, vins, cidres, bières et confitures… dans lequel s’incarne le désir de qualité, de perfection, d’authenticité et d’identité de terroirs, souvent protégées par des appellations d’origines. Ce n’est pas pour rien que parmi les dispositions des conventions qui ont été passées entre les ministères de la Culture et de l’Agriculture, figure également celle de permettre aux ruraux d’accéder au bénéfice de la mise en valeur de leur patrimoine naturel, culturel, architectural et culinaire. La Fondation du patrimoine qui prend tant soin des monuments modestes de la campagne n’a-t-elle pas, de son côté, créé un prix pour l’agrodiversité animale, qui sera cette année, dans le cadre du Salon, attribué aux moutons avranchins de la Ferme de Migoulle ?
C’est quand les cultures rurales ont commencé à être menacées par la mécanisation de la production, le décloisonnement du territoire national grâce aux chemins de fer, l’exode rural qu’on s’est soucié d’en recueillir les reliques, non sans un peu de cette nostalgie qui explique également la passion des Français pour les maisons de campagne. De nombreux musées d’ethnographie locale, le Museon Arlaten, fondé par Frédéric Mistral, le Musée d’ethnographique du Vieux-Honfleur, le Musée Alsacien de Strasbourg ou encore des centaines d’autres, moins célèbres, comme le Musée Joseph-Denais de Beaufort-en-Vallée, datent de cette charnière si délicate entre le XIXème et le XXème siècle. Un grand musée national est venu, en 1937, couronner cet édifice, le Musée des arts et des traditions populaires (ATP), créé par ce géant de la muséographie française que fut Georges-Henri Rivière. Ce musée installé, au début des années 70, dans un bâtiment de Jean Dubuisson construit à l’orée du bois de Boulogne, est aujourd’hui fermé. Ses collections ont été mobilisées pour former le noyau du nouveau musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), récemment inauguré à Marseille, dans un magnifique bâtiment conçu par Rudi Riccioti.
Qu’on installe, à Marseille, un musée de civilisation consacré aux relations entre le Nord et le Sud de la Méditerranée ne manquait pas de pertinence. Dommage, seulement, qu’on ait ainsi passé par pertes et profits, à la fois, le nom et la vocation spécifique de cette glorieuse institution qu’étaient les ATP. Il faudrait, maintenant, que le MuCEM s’attache à ce que sa collection, en grande partie décalée par rapport à son objet propre, soit mieux mise en valeur grâce à une politique de décentralisation dont le cœur serait, de manière inédite, non plus Paris mais Marseille. On aimerait que les émouvants témoignages de cultures rurales éteintes croisent à nouveau, sur l’ensemble du territoire, des regards passionnés et qu’ils y rejoignent les expressions des cultures rurales d’aujourd’hui.
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