Sainte Geneviève que l’on célèbre le 3 janvier, est la patronne de Paris. Pendant des siècles, la châsse où étaient conservés ses restes, était sortie en procession quand des malheurs menaçaient la capitale. La noble vierge n’avait-elle pas galvanisé le courage des Parisiens lors du siège de la ville par les Huns en 451 ? À Paris, la sainte a donné son nom à une fameuse montagne alors que sa statue, œuvre de Paul Landowski, domine le pont de la Tournelle. Une modeste église lui est consacrée, dans le XVIIIe arrondissement, Sainte-Geneviève des Grandes Carrières, mais elle a été dépossédée de la vieille église mérovingienne qui portait son nom et qui jouxtait Saint-Etienne-du-Mont, par décision de Louis XV de la remplacer par une église neuve qui serait construite par Soufflot.
En 1791, l’Assemblée nationale désaffecte cette église encore en construction, pour la dédier au culte des "Grands Hommes" auxquels la Patrie est reconnaissante et y installe, de façon éphémère, Mirabeau. C’est ainsi que naît le Panthéon. Après les vicissitudes liées aux changements des régimes politiques du XIXe siècle, ce temple n’a cessé d’être, depuis les obsèques triomphales de Victor Hugo, en 1885, définitivement affecté à la célébration laïque des modèles que la Nation propose à l’édification des citoyens. La cohorte de ces modèles est paradoxalement restreinte puisque composée à peine de soixante-et-onze figures. Elle est également hétéroclite. Si on y trouve Voltaire, Hugo, Jaurès, Jean Moulin et Malraux, on s’étonne d’y découvrir quelques généraux d’Empire oubliés, le dernier Doge de Gènes et même quelques cardinaux ! Une seule femme y est présente intuitu personae, Marie Curie, la seconde, Sylvie Berthelot y tenant seulement compagnie à son mari, Marcellin. D’authentiques gloires de la France n’y reposeront jamais. Charles de Gaulle est inhumé, parmi les siens, à Colombey-les-Deux-Eglises et Clemenceau l’est, debout, à Mouilleron-en-Pareds. Ce Panthéon n’en est donc pas vraiment un.
Il est vrai que la porte d’entrée en est étroite et que les usages de la république gaullienne faisant, seul le Président de la République détient la clé du privilège de la franchir. C’est en effet l’oracle présidentiel que l’on espère, que l’on sollicite et que l’on se dispute pour savoir qui, aujourd’hui, d’Olympe de Gouges, George Sand, Lucie Aubrac, Germaine Tillon, Geneviève Anthonioz-De Gaulle ou encore de Diderot, l’Abbé de l’Epée ou Pierre Brossolette, sera admis à cette apothéose civique dont l’organisation revient d’ailleurs au ministère de la Culture, décidément héritier de cette administration d’Ancien Régime que sont les Menus Plaisirs, chargés, en leurs temps et entre autres, des pompes funèbres de la Cour. La Monarchie, bien que renversée, peine à se faire oublier.
Il y a certes plus grave que cela, pour s’émouvoir de la persistance du caractère monarchique de notre République. Est-ce une raison pour s’en accommoder ? Ne faudrait-il pas, sagement, revenir à la règle de 1791, reprise par les IIIe et IVe Républiques, en confiant, à nouveau, à l’Assemblée nationale ou même au Parlement dans son ensemble, le soin de décider à quels illustres personnages les honneurs du Panthéon seraient rendus ? On cheminerait ainsi, un peu plus, vers une république vraiment normale.
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