Il y a plus d’un an, le 8 mars 2012, j’exprimais mon soutien à la candidature de François Hollande à la Présidence de la République. J’estimais que le temps d’une rupture était venu et qu’elle serait utile à notre pays et à la démocratie. Je n’ai pas changé d’avis et ne regrette donc pas le choix que j’ai fait. Le changement que j’appelais de mes vœux est d’ailleurs plus que jamais nécessaire. La conjoncture nous l’impose, même, de façon accrue.
J’observe cependant, avec tristesse, que la vie publique, empoisonnée par quelques affaires, s’est, au cours des derniers mois, singulièrement dramatisée et que la confiance des citoyens, ce ressort essentiel des grandes aventures collectives, fait trop défaut à ceux qui ont la charge d’agir au nom du peuple.
Plus aucun débat, plus aucun projet, plus aucune réforme, ne peuvent plus être abordés sans que l’opinion se fracture, sans que des factions s’affrontent avec une violence inquiétante, sans que les anathèmes fusent. La représentation nationale finit, à quelques exceptions près, par ne plus se déterminer qu’en fonction d’intérêts partisans. L’irruption permanente et désormais inévitable, de l’opinion publique dans chacun des débats conduit à l’ébranlement des principes mêmes de la démocratie représentative. Un sujet comme l’ouverture du mariage aux couples du même sexe devient le combustible d’une quasi-guerre civile. Par extinction du sens de l’intérêt général, la réforme, qui devrait être sereine, du cadre territorial de la France, s’enlise dans des aménagements minimaux, bien éloignés de l’ambition avec laquelle l’Assemblée nationale constituante recomposait, dès le début de la révolution, l’organisation administrative et politique du pays. Les débats sur la fiscalité sont plus animés par des objectifs symboliques, même quand ils deviennent accablants, que par le souci conjoint de la justice et de l’efficacité. À défaut d’union républicaine sur les vrais sujets, on se rassemble superficiellement sur des questions comme celle de la prohibition, dans l’espace public, de signes vestimentaires d’appartenance religieuse, inconscient qu’on est de l’inévitable évolution de notre société vers le multiculturalisme et incapable qu’on est, par ailleurs, de fédérer la diversité des convictions religieuses ou philosophiques par une adhésion commune à la République. La gauche défait ce que la droite a fait, même quand c’était parfois utile. Symétriquement, la droite promet de défaire ce que la gauche aura fait. C’est épuisant. Le pays en est d’ailleurs épuisé, et même pantelant ! Il faut en finir !
S’il y a un changement à promouvoir, c’est bien celui qui mettrait un terme à ce jeu sournois et fatal. C’est au Président de la République, en charge – on le dit souvent – de l’essentiel, de s’en faire l’artisan. S’il fallait, par référendum, appeler le peuple à s’exprimer, c’est bien à ce sujet là qu’il faudrait le faire et non sur des sujets qui relèvent du domaine ordinaire de la loi, comme les conditions du mariage ou les modalités de la moralisation de la vie publique.
Ce changement devrait passer par la modification des modes de scrutin qui déterminent l’élection des parlementaires de façon à assurer, à la fois, une correcte représentation des opinions capable de fédérer de larges suffrages, tout en permettant à des majorités contractuelles de s’affirmer avec une certaine stabilité. Cet objectif devrait concerner aussi bien l’Assemblée nationale que le Sénat, qu’on aurait, sans doute, intérêt à spécialiser dans toutes les questions qui concernent les collectivités locales, leur organisation, leurs moyens, et leurs compétences, rendant ainsi du sens au bicamérisme. Dans le même temps, le moment est sans doute venu de rétablir une relation plus consistante entre le Premier ministre, chef du gouvernement, et le parlement qui, retour à une grande tradition démocratique, l’investirait. Quant au Président de la République, doté d’un mandat plus long que celui des assemblées – un septennat sans doute -, il pourrait ainsi reprendre la nécessaire hauteur arbitrale qu’appellent les temps difficiles que nous traversons.
N’est-ce pas là le vrai changement qu’il appartiendrait, quasi historiquement, à François Hollande de mettre en œuvre ? Ce changement ne déterminerait-il pas la faisabilité de tous les autres ? Ne permettrait-il pas de rompre avec les mécaniques partisanes abruptes qui anéantissent le pays ? Pour employer un mot qui lui est cher, ne « normaliserait »-il pas la vie politique française. Il donnerait aux opinions radicales la possibilité d’accéder à une expression plus juste et – ce qui n’est pas accessoire - plus responsable, tout en favorisant l’émergence de majorités plus équilibrées et plus efficaces. On rendrait ainsi à notre pays un immense service. Et si c’était maintenant ?
Billet publié le 16 avril 2013 sur le Huffington Post
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