"Morlaix communauté" regroupe 28 communes de la baie de Morlaix, couvre 681 km² entre les Monts d’Arrée et la côte et rassemble environ 65 000 habitants permanents auxquels s’ajoutent l’été de nombreux touristes. Sur ce territoire on constate un formidable "désir d’art" alors même que l’action publique est lointaine, s’agissant de l’Etat, est parfois tournée vers d’autres objectifs - le patrimoine, les festivals, le spectacle vivant - s’agissant des collectivités locales. Il existe certes un musée à Morlaix, le musée des Jacobins, doté d’une intéressante parce que singulière collection. Cette institution patauge cependant, depuis plus d’une décennie, dans l’incertitude du calendrier de mise en œuvre d’un programme de restauration et d’équipement de son bâtiment. Son action se limite donc à la présentation thématique de la collection dans quelques petites salles accessibles au public. Son directeur Patrick JOURDAN vient d’ailleurs d’en partir, étant chargé de la mise en place et de l’animation de la fondation LECLERC qui ouvrira à Landerneau, dans quelques mois.
Le désir d’art s’exprime cependant à travers le choix qu’ont fait un certain nombre d’artistes de "vivre et travailler" sur ce territoire. C’est le cas de Catherine RANNOU à Plouezoc’h, de Guillaume CASTEL à Plouégat-Guerrand, de Laure CALVIÉ à Plougasnou, de Ricardo CAVALLO à Saint Jean du Doigt et d’autres encore. Souvent ces artistes animent des associations, parfois dotée par les collectivités de lieux de présentation d’expositions. Les Moyens du bord occupent ainsi la chapelle Saint Mathieu à Morlaix et étendent, sous la direction de Virginie PERRONE et de Luc GERVAIS, leur action à l’ensemble du territoire de la communauté d’agglomération. A Locquirec, l’été, c’est la galerie l’Ère du Large qui s’ouvre ainsi au public. A ce foisonnement associatif s’ajoute désormais celui d’une Fondation privée qui s’est installée dans une minoterie désaffectée, à Taulé, à l’initiative de deux amateurs, Valérie et Alain TANGUY. Une activité de Galerie d’art est même venue enrichir ce paysage. Depuis près de quatre ans, une jeune femme, Réjane LOUIN présente quatre expositions par an dans une petite galerie d’une centaine de m², blottie contre l’hôtel des Bains de locquirec qui servit de décor à l’Hôtel de la plage de Michel LANG... Actuellement, elle y présente les photographies de Catherine LARRÉ. Réjane LOUIN ne s’enferme dans aucun localisme. Les artistes qu’elle sélectionne viennent d’horizons divers. Elle-même, n’hésite pas à engager des initiatives croisées avec des galeries parisiennes. L’an passé, elle accueillait à Locquirec, quatre de ces galeries, Polaris, Anne BARRAUT, Semiose et Françoise PAVIOT. Cette année, c’est elle qui est invitée par Bernard UTUDJIAN, à la galerie Polaris, rue des arquebusiers. En 2011, la belle exposition "le papier à l’œuvre" conçue par Nathalie COURAL pour le Louvre, avait retenue parmi les contemporains, deux de "ses" artistes, Maelle LABUSSIÈRE et Dominique de BEIR. La galerie a été sélectionnée pour la prochaine édition du salon contemporain qui se tiendra au Carrousel du Louvre du 29 mars au 1er avril 2012. Elle y montrera notamment Olivier MICHEL.
Se rend-t-on compte, dans le confort des certitudes parisiennes, des montagnes de passion, de patience, de courage, d’endurance même qu’il faut savoir déployer pour ainsi réussir, de façon militante et donc admirable, à faire exister, loin de Paris, une vie artistique significative. C’est pourtant de cette manière que se tresse le maillage culturel du territoire. Avant d’arriver à Morlaix on aura pu s’arrêter à Lannion, à L’imagerie, centre photographique, et plus étonnant encore, à la galerie du Dourven à Tredez-Locquémeau. C’est ainsi que la Bretagne, ce cap lointain du monde vu de Paris, sait aussi vivre pour l’art. On s’en rendra mieux compte encore en consultant le site ACB (Art Contemporain en Bretagne) édité par une association présidé par Didier LAMANDÉ. Dommage simplement que ce répertoire de lieux ne retienne que les lieux publics ou associatifs et non un poumon aussi remarquable que la galerie Réjane LOUIN… On est là au cœur de cette vieille méfiance de l’action publique à l’égard des initiatives privées, parce qu’elles sont privées et parfois commerciales, comme si la culture ne passait pas aussi par le commerce de l’art quand il est passionné…
Chronique publiée dans le Quotidien de l'Art du 13 janvier 2012
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