Le Monde annonce « 19 pièces de la tombe de Toutânkhamon rendues à l’Egypte » (par le Metropolitan Museum of Art de New York)) mais aussi « La France accepte de rendre à la Corée les 287 manuscrits de la discorde. Contournant ainsi la loi sur l’inaliénabilité des œuvres, Nicolas Sarkozy s’est engagé à prêter pour cinq ans – renouvelables – ces documents pillés par la marine française en 1866 ». Deux restitutions symboliques (elles ne concernent pas des œuvres majeures : pour Toutânkhamon, il s’agit de petits objets peu spectaculaires, et pour les archives coréennes, essentiellement deux duplicatas de documents originaux semble-t-il) parce qu’elles sont soutenues par des revendications nationales très fermes et qu’elles exposent les pays détenteurs à des mises en causes tenaces et sensibles des pays d’origine de ces œuvres et de ces objets. Au-delà des questions juridiques, techniques et diplomatiques auxquelles renvoient ces affaires, il ne faut pas négliger la question d’ordre général qu’elles posent : « Faut-il considérer que tous les prélèvements d’œuvres et d’objets d’art opérés par les puissances coloniales, européennes et non européennes (le Japon par exemple) avant que les conventions internationales (dont celles de l’UNESCO) ne les condamnent expressément, ont vocation à pouvoir être remise en cause par les pays qui en ont souffert ? C’est typiquement le genre de question qui devrait donner lieu à un règlement international, sauf si on préfère pratiquer la politique de l’autruche et attendre qu’une affaire après l’autre ne vienne faire débat. A mon avis, ce règlement devrait tout d’abord établir une date plancher au-delà de laquelle tous les mouvements d’œuvres qui ont eu lieu seraient considérés comme irrévocables. Serait-ce cent ans ou cent cinquante ans avant la date d’approbation de ladite convention ? C’est à voir. Il conviendrait ensuite de bien faire la distinction entre les biens déplacés à la suite d’une incontestable et spécifique action violente et ceux échangés à la suite de transactions régulières au vue des normes de l’époque, même si, j’en suis bien conscient, ces transactions ont pu se faire dans des conditions souvent inégales. Enfin, il faudrait aussi constater que le pays qui revendique ces biens a une réelle capacité à les conserver et à les présenter dans des conditions identiques à celles que met en œuvre le pays qui les possède au moment de la revendication. Il est, par ailleurs, bien entendu que toutes les spoliations effectuées dans le cadre d’actions désignées comme des « crimes contre l’humanité » ont juridiquement, quelle que soit leur ancienneté, vocation à être réparées, puisque ces crimes sont juridiquement imprescriptibles.
Je sais bien qu’un tel règlement peut conduire à rouvrir le dossier de revendications douloureuses. Je crains cependant que si on ne s’y attache pas, on sera tout de même contraint de le faire par la pression des opinions publiques. Une convention internationale, aurait, de surcroît, l’avantage d’imposer aux lois nationales, y compris à celle de l’inaliénabilité, une règle juridique supérieure aux normes qu’elles définissent… Je ne prétendrais pas faire bénéficier le patrimoine de Versailles de cette règle puisque la dispersion de son mobilier a été commise de la façon la plus régulière par la Convention Nationale. Si les meubles de Versailles sont aujourd’hui chez la reine d’Angleterre ou à la Frick Collection c’est, hélas, parce qu’ils on été vendus en bonne forme et sans contrainte par l’autorité politique régulièrement établie dans notre pays après l’abolition de la monarchie en septembre 1792.
Cher Monsieur,
Il semblerait que le bureau de Louis XV à Versailles ait quitté illégalement la France dans les années 70, pour rejoindre le MET de New-York.
Une action est-elle envisageable pour obtenir la restitution de ce chef d'oeuvre, puisque la légalité française n'a pas été respectée?
Bien cordialement.
Jérôme Plouseau
Rédigé par : Jérôme Plouseau | 17 novembre 2010 à 13:56
>Jérôme, Cher Jérôme, J’interroge la conservation à ce sujet. Bien cordialement
Rédigé par : Jean-Jacques Aillagon | 19 novembre 2010 à 16:37
Et que penser des milliers d'oeuvres d'art des musées et collections allemandes considérées , à juste titre à mon humble avis, par les autorités russes comme " dédomagements de guerre " ?
Quand on voit les immenses destructions et pertes des patrimoines russes , bielorusses et ukrainiens entre 1941 et 1944 dues aux actions volontaires de la Wermächt , il ne faudrait pas qu'un réglement international futur puisse remettre ces " acquisitions " en cause .
Je crois même que ces prises de guerre sont inscrites dans la Constitution russe comme des dédomagements et propriété inaliénable de la Nation .
Le ces des marbres du Parthénon est beaucoup plus délicat : oui ces marbres réclamés par la Grèce aujourd'hui ont été emportés par Elgin , mais avec l'assentiment des turcs alors maîtres de la Grèce ...
Bien sûr le symbole est énorme pour les grecs , car ce " rapt " a été brutal et surtout autorisé par une puissance occupante contre laquelle les grecs ne pouvaient pas protester .
Une telle loi internationale doit être minitieusement préparée car tous les cas de figure se présentent et font souvent appel à de douloureux évènements .
Rédigé par : Alexandre | 22 novembre 2010 à 22:24
@ Alexandre: Raison de plus pour rechercher un règlement international fondé sur la raison et non pas l’émotion, ce qui le rendrait impossible. Tout règlement suppose de la sagesse et, de ce fait, de la modération.
Rédigé par : Jean-Jacques Aillagon | 02 décembre 2010 à 15:59