Aurélie Filippetti est désormais ministre de la Culture et de la Communication. Puisse-t-elle, j’en forme le vœu, bénéficier de cette longévité qui, seule, permet, dans ce ministère, comme dans les autres, de « faire des choses ». Sa nomination ne conclue-t-elle pas une décennie au cours de laquelle se seront succédé rue de Valois Catherine Tasca, moi-même, Renaud Donnedieu de Vabres, Christine Albanel et Frédéric Mitterrand, trop de ministres donc pour un temps trop court ? Même si la grande convergence culture-éducation n’a pas été réalisée dans ce gouvernement, la personnalité et le parcours de la nouvelle ministre permettent d’espérer que toutes les questions relatives à l’éducation artistique et culturelle, pour la part, en tout cas, qui relève plus particulièrement de la responsabilité du ministère de la rue de Valois, seront prises à bras le corps. Pour ce qui est du ministère de l’Éducation nationale, on peut compter sur la détermination de Vincent Peillon. Aurélie Filippetti, elle, issue d’une formation académique exigeante, les lettres classiques, enseigna, avant de se consacrer à la politique. Elle sait ce qu’est un lycée, ce qu’est une classe, ce que sont des élèves, ce qu’est également la fracture culturelle qui distingue si durement ceux de nos concitoyens qui accèdent à une culture large et enracinée et ceux qui restent confinés dans des cultures sommaires. Si j’éprouve, aujourd’hui, une joie toute particulière, c’est sans doute, aussi, parce que nous sommes originaires de la même terre lorraine, celle du charbon et de l’acier, terre ravagée par l’extinction de ses activités minières et industrielles traditionnelles, terre souvent devenue le territoire du désespoir, mais capable aussi de se donner de nouvelles raisons d’espérer. N’est-ce pas le signal donné par le Centre Pompidou Metz, celui d’une renaissance possible, appuyée, justement, sur la culture et sur les arts ?
De nombreux chantiers attendent la ministre, dans le domaine des arts comme dans beaucoup d’autres. Puisse-t-elle justement considérer que ce domaine mérite et appelle autant de sollicitude que d’autres, souvent plus organisés, plus visibles et parfois plus bruyants. Il est évident que pour parvenir aux fins d’une politique plus convaincante, se posera à elle la question de la meilleure identification de l’administration des arts plastiques au sein de son ministère. On le sait, l’ingestion de la Délégation aux arts plastiques, dans la Direction générale de la création artistique, immanquablement dominée par le spectacle vivant et la musique, n’a sans doute pas été une bonne chose. Elle a de surcroit éloigné les politiques en faveur de la création artistique d’aujourd’hui, de celles en faveur des productions artistiques qui, déjà, constituent un patrimoine et dont les musées ont, en grande partie, la responsabilité. On a ainsi sclérosé la coupure qui tend à séparer les arts d’hier de ceux d’aujourd’hui, coupure intellectuellement, philosophiquement, historiquement détestable et contestable. Au moment où on s’apprête à célébrer le 30e anniversaire de la création des Frac dont les collections se sont déjà, pour les acquisitions les plus anciennes, très largement patrimonialisées, on voit bien l’artifice qu’il y a à considérer qu’on pourrait d’un côté déployer une politique en faveur des musées d’art moderne et, d’un autre côté, comme si de rien n’était, des politiques en faveur d’une meilleure mise à disposition du public de la création d’aujourd’hui. C’est le refus de cette distinction qui m’a d’ailleurs conduit à considérer que le musée national d’Art moderne devait être soutenu dans sa double vocation de musée d’Art moderne et de musée d’Art contemporain. Je confie cette préoccupation à ceux qui auront, avec Aurélie Filippetti, la responsabilité de déployer pour la politique culturelle des points de vue qui sortent des sentiers battus et ouvrent des perspectives véritablement nouvelles.
Chronique publiée dans le Quotidien de l'Art du 18 mai 2012
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