Complexe relation avec le Saint Siège, que celle de la France, gallicane sous Louis XIV comme sous Napoléon, bouleversant, en 1791, l’édifice ecclésiastique du catholicisme par la Constitution civile du clergé, puis reléguant l’Église dans la sphère privée par la loi de Séparation de l’Église et de l’État, en 1905. Plus mauvaises manières encore, les troupes françaises n’avaient-elles pas arrêté Pie VI en 1798 avant qu’il meure en captivité un an après, à Valence, dans la Drôme, alors que son successeur Pie VII, arrêté, lui, en 1809, restera enfermé à Fontainebleau de 1812 à 1814 ! Cinq siècles avant ces épisodes, Philippe le Bel n’avait-il pas fait séquestrer Boniface VIII ?
En recevant le Président de la République française, le pape François s’est-il rappelé de tous ces fâcheux précédents ou s’est-il souvenu que, depuis le baptême de Clovis, la France se plaisait à être considérée comme la "fille ainée" de l’Eglise. N’avait-elle pas, en d’autres temps, cultivé, la légende d’une sorte d’élection surnaturelle du peuple des Francs pour l’accomplissement du plan de Dieu dans le monde, la Gesta Dei per Francos, selon la formule de Guibert de Nogent, moine du XIe siècle et chroniqueur de la première croisade ?
Cette geste n’a pas eu, grâce au Ciel, que des formes guerrières. Elle s’est souvent incarnée dans des œuvres philanthropiques et culturelles. Ainsi, l’Œuvre d’Orient, fondée en 1856, pour apporter aide et assistance aux chrétiens d’Orient alors gouvernés par l’Empire ottoman ou encore, l’Ecole biblique et archéologique française, créée à la fin du XIXe, dont les recherches ont toujours été marquées par une véritable indépendance intellectuelle au point où elle fut, longtemps, tenue par Rome comme "moderniste" c'est-à-dire suspecte de déviances doctrinales. Cette école fondée et animée, depuis plus d’un siècle, par les Frères prêcheurs, les Dominicains, dont on va bientôt célébrer le huitième centenaire, a constitué un extraordinaire patrimoine archéologique et ethnographique, réunissant, notamment, plus de 20 0000 photographies anciennes qui témoignent, entre autres, des modes de vie des populations de la Terre dite Sainte. C’est dans ces fonds qu’ont été choisies les images qui forment l’exposition "Les Chrétiens d’Orient", qu’on peut voir à la Mairie du Ve arrondissement, jusqu’au 2 février. Les salles de la mairie seront alors rendues disponibles pour les opérations électorales du mois de mars qui, on le sait, dans cet arrondissement, exacerbent les passions autant que les tensions confessionnelles à Jérusalem… La réalité humaine et culturelle à laquelle renvoie cette exposition est passionnante. C’est celle d’une minorité dont la présence sur un sol où elle a été marginalisée est antique et, pourtant aujourd’hui, douloureuse. Pour le monde arabe elle est cependant une richesse. C’est ce que rappellera également une table ronde organisée dans le cadre de ses Jeudis, par l’Institut du monde arabe, le 6 février prochain.
Cette richesse, c’est celle que procure la coexistence de toutes les diversités quand elles sont vécues avec intelligence et tolérance. C’est dans cette voie que semble s’être engagée la Tunisie, se dotant d’une nouvelle constitution dont le préambule affirme la liberté de conscience. C’est une victoire politique. C’est également une victoire pour la culture.
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