Je participe, à Rennes, au forum de Libération. Le thème en est, cette année, « respecter un nouveau contrat social ». Je partage avec Jack Lang, une table-ronde animée par Nicolas Demorand. Forte affluence qui m’impressionne bien que nous fassions, à 9h30, l’ouverture de ce forum. Max Armanet qui en est l’organisateur me dit que ce sont plus de 17.000 personnes qui se sont inscrites aux différentes rencontres organisées au Théâtre National de Bretagne. Belle illustration du besoin des citoyens de savoir, de comprendre, de débattre… C’est le même besoin qui explique le succès de l’Université de tous les savoirs que j’avais créée en 2000 et de l’Université populaire de Michel Onfray ou encore des Mardis des Bernardins.
Je n’ai qu’un regret, c’est que, très rapidement, malgré le thème annoncé « l’artiste doit-il être irrespectueux ? » (il est vrai un peu rhétorique) notre table-ronde tourne à la discussion générale (on y évoque la situation d’Olivier Py). Seul le talent de Nicolas Demorand sauve ce débat d’un inévitable académisme… En revenant de Rennes (c’est toujours au retour qu’on pense les choses plus justement…), je me mets à regretter qu’on n’ait pas su, de façon plus pragmatique, se demander si :
• il n’y avait pas lieu de renforcer dans la législation le caractère dérogatoire de l’œuvre d’art par rapport à celui d’autres productions qui sont appelées à être exposées dans l’espace social (la publicité par exemple). Cela reviendrait à mieux affirmer un principe « d’exception artistique ».
• s’il ne fallait mieux affirmer que la présentation d’une œuvre d’art prenant des libertés par rapport aux normes ordinaires de protection des usages, des croyances, des convictions et des mœurs, n’était pas répréhensible et n’exposait pas son auteur, ou celui qui la présente, à des mises en cause, si elle donnait lieu à un avertissement suffisant, comme c’est le cas pour les œuvres cinématographiques lorsqu’elles sont diffusées en salle ou dans les programmes de la télévision.
• il ne conviendrait pas de mieux contenir et réprimer l’abus d’action en justice de particuliers ou d’associations qui s’estiment fondés à agir contre la présentation d’une œuvre qui heurte leurs convictions ou leurs usages. Dès que le juge constaterait qu’il n’y a pas un intérêt notoire à agir ou que l’initiative est abusive par rapport à ce qui précède, j’estime que la condamnation du plaignant devrait être assortie d’une sanction financière suffisamment significative pour qu’elle ait un caractère dissuasif.
Ceci étant, je suis également persuadé que la liberté d’expression de l’artiste doit se contenir dans le respect, puisqu’il est question de respect, des règles fondamentales qui fondent ce que j’ai appelé la « solidarité morale et politique de l’espèce humaine » Il est évident, à mes yeux, que la liberté de créer ne peut, par exemple, autoriser de disposer de mineurs ou d’adultes empêchés ou encore d’infliger à des animaux des souffrances que la loi combat par ailleurs. L’artiste est un Homme. Il est donc également comptable des droits et des devoirs qui s’attachent à cette qualité.
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