J’allume ma radio. C’est le programme de France Culture, la messe catholique, et, à ce moment là, l’évangile de ce dimanche, celui du baptême de Jesus dans le Jourdain.
J’évoquai, dans mon blog du 5 janvier 2010, le poids du sentiment d’étrangeté qui peut opposer un individu aux siens. C’est cette situation d’étrangeté qui a dû caractériser la relation de Jésus et de sa famille qui, de toute évidence, ne le comprend pas et même s’offusque de son comportement prophétique. Le plus primitif des évangiles, celui de Marc, témoigne de cette situation douloureuse à laquelle des commentateurs et des historiens ont tenté de trouver des raisons, dont celle de la naissance irrégulière de celui qui allait devenir le Christ. Cet évangile ne commence par aucune évocation de la naissance miraculeuse de Jésus mais s’empare du saint homme au moment où il va se faire baptiser par Jean dans le Jourdain, au moment donc où sa sainteté faisant, il se sent investi d’une mission spirituelle et où les autres le perçoivent comme visité par cette puissance divine que matérialise la colombe qui se pose sur la scène du baptême, accompagnant la voix céleste qui proclame « Tu es mon fils bien aimé, tu as toute ma faveur » (Marc I, 10). Un peu plus loin, dans le même évangile, le rédacteur révèle le trouble profond qui marque la relation de Jésus et de sa famille. Sa parenté constate, confondue, par sa prédication naissante « Il a perdu le sens » (Marc 3, 21). Quand la foule signale à Jésus « Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent » il lui répond « qui ma mère ? et mes frères ? ». Jésus est ainsi, en quelque sorte, la figure même de l’individu, étranger à sa famille, incompris et rejeté.
C’est cependant par ces singularités de comportement, socialement aberrantes parce qu’elles récusent les lois du conformisme aux usages du groupe, que l’humanité a avancé et qu’elle avance. L’indéfinie reproduction des usages et des destins qu’imposent les situations et les codes familiaux aurait fini par étouffer le dynamisme du développement de l’humanité. Le moteur de ce développement est bien souvent dans l’affirmation de la différence, de la singularité, de la rupture et non dans le conformisme. Il est incarné par François d’Assise qui dépose ses vêtements de riche marchand et s’avance nu vers le destin qu’il s’est choisi. Les choses sont plus compliquées puisque dans le même temps, l’humanité se caractérisant par la sociabilité des Hommes a aussi besoin d’une forte part de consentement à l’égard de la nécessaire solidarité du groupe des tribus et des familles. C’est bien dans la dialectique entre le conformisme et la rupture qu’est le ressort de l’histoire des Hommes.
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