Venise
Dans l’après-midi, je pars pour Venise où j’assisterai à l’exécution de la « Messe pour la mission de Nyondo » d’Alberto Bruni Tedeschi, à l’occasion du dépôt, par sa famille, de ses archives musicales à la Fondation Giorgio Cini. Le temps est superbe sur la lagune. Après une rapide promenade sur les Zattere, je vais au Guggenheim pour y revoir quelques chefs-d’œuvre rassemblés par Peggy. Je m’arrête longuement devant la Baignade de Picasso de 1937 et me souviens de celle de la même série que possédait Jacqueline Delubac et qu’elle légua au Musée des Beaux-Arts de Lyon avec un large choix des œuvres majeures qu’elle avait rassemblées dans son appartement du 83, Quai d’Orsay, dont le grand Francis Bacon qui ornait sa salle à manger. Jacqueline Delubac qui semblait devoir faire une centenaire alerte fut renversée par un vélo, rue du Faubourg Saint-Honoré, en 1997, alors qu’elle se rendait chez le coiffeur. Le choc qu’elle reçut en tombant la plongea dans un coma dont elle ne devait plus jamais sortir. Je lui avais parlé au téléphone deux heures avant l’accident. Nous nous étions promis de nous appeler dans la soirée…
Toussaint
Ma promenade vénitienne s’achève au Frari. Au fond de l’abside l’assomption de la Vierge du Titien illumine l’église par ailleurs déjà plongée dans l’obscurité. Je m’approche de la tombe de Claudio Monteverdi située dans une chapelle latérale fermée par une grille. La plaque tombale est recouverte de quelques fleurs déposées par des admirateurs du fondateur de la musique moderne. J’y ajoute des pensées émues. C’est ma manière, en ce jour de Toussaint, de « fleurir les tombes ». La découverte de Monteverdi fut l’un des émerveillements de ma vie. Je garde encore la sensation des frissons que je ressentis quand, grâce au disque, il me fut donné de découvrir l’Orfeo ou les Vêpres de la Vierge Marie.
Dans Le Monde, intéressante tribune de Solange Lapeyrière, sur « l’art d’annoncer la mort d’un proche : Nécrologie, un rite quotidien ». Je partage l’intérêt de l’auteure pour la lecture des nécrologies. On y ausculte l’évolution des usages et des croyances ainsi que celle de la manière de concevoir la famille ou l’entourage. La quasi disparition de « sa fidèle servante » parmi les annonceurs des décès signale ainsi la décadence des domesticités. La raréfaction de la formule « il a plu à Dieu de rappeler à lui » en dit long sur l’érosion des convictions religieuses tout comme celles de la formule « muni(e) des sacrements de l’Eglise ». La mention des maladies qui ont causé la mort, longtemps allusives (une « cruelle maladie ») est désormais souvent franche, d’autant plus qu’elle s’accompagne d’invitation à des dons en faveur de structures de soins ou de recherche. A soixante ans passés, ce qui est mon cas, on se met aussi à scruter l’âge des disparus. La mort de grands vieillards rassure. Celle de gens de son âge ou plus jeunes encore inquiète. Memento mori ! Pensées de Toussaint.
Le Monde annonce que la réforme du réseau culturel français sera « modeste ». C’est dommage. Depuis que je fréquente la vie publique, j’entends parler de ce serpent de mer, surtout au moment des campagnes électorales, quand les candidats dans leur « programme culturel » promettent de s’attaquer à la question. La réalité de l’engagement public est plus fragile. A vrai dire, les choses périclitent plutôt. Est-ce par manque de vision ou de conviction ou encore de moyens ? En témoigne en tout cas l’érosion de la pratique de la langue française dans le monde. Pour ma part, je ne suis pas sûr que la pérennité de l’amarrage de cette action au ministère des Affaires Etrangères soit pertinent. L’amarrage à un ministère « global » culture-éducation-communication-langue française ne serait-il pas plus convaincant et plus efficace
Très heureux de pouvoir enfin vous lire à nouveau, Cordialement. Br.B
Rédigé par : Br | 03 novembre 2009 à 14:02
Bonsoir,
Ne pouvant pas laisser de commentaires à propos de votre message du 21 juin sur l'hôpital du Chesnay, je me permets de le faire ici.
Juste pour vous remercier d'avoir si bien évoqué cette incroyable plongée dans les Urgences que nous avons vécue également, mes parents et moi, juste 3 jours après vous et au même endroit. Petite nouvelle dans le monde de l'hôpital, je me disais que mon profond désarroi tenait à mon innocence et votre si juste récit m'a conforté dans le sentiment qu'il y avait bien quelque chose de déréglé dans le service public de santé. Mon père est désormais en rééducation à l'hôpital de Garches et le désarroi est le même : manque criant de personnel, scandaleuse vétusté des locaux, sentiment d'impuissance et de solitude face à des "spécialistes" réfugiés derrière leur savoir...
Rédigé par : Nathalie | 05 novembre 2009 à 20:44
Merci.
Cordialement
Rédigé par : Jean-Jacques Aillagon | 10 novembre 2009 à 09:57
Nathalie,
Merci pour ce témoignage.
Cordialement
Rédigé par : Jean-Jacques Aillagon | 10 novembre 2009 à 10:05
"Ma promenade vénitienne s’achève au Frari."
Initialement, j'avais lu "Ferrari" en lieu et place de "Frari".
C'est mieux, non ?
Rédigé par : Un aède, amateur de belles carosseries italiennes | 14 novembre 2009 à 18:57