On est inévitablement partagé entre la conviction que « la justice doit être la même pour tous », grand principe républicain et démocratique, la certitude que la nécessaire immunité attachée à l’exercice de la fonction de président de la République ne peut devenir, par extension, une impunité et la tristesse de savoir qu’un homme de 77 ans (l’âge à peu près de Roman Polanski), qui a été pendant 18 ans maire de la capitale de la France, et, 12 ans, président de la République, va devoir affronter l’épreuve d’une comparution devant un tribunal correctionnel. Pour ce qui me concerne, cette tristesse est sincère. J’ai servi Jacques Chirac dans diverses fonctions à travers lesquelles il m’a marqué sa confiance. S’il m’est arrivé d’y mesurer quelques-unes de ses limites et mêmes de ses défauts (qui en est épargné ?), j’y ai souvent apprécié ses qualités et sa générosité.
Que le Parquet ne fasse pas appel de la décision de la juge Simeoni me paraît une bonne chose à tous points de vue. Quelque soit le désagrément de la situation à laquelle il est confronté, je suis persuadé que Jacques Chirac a tout à gagner que cette affaire soit soldée. La trace qu’il laissera dans l’histoire de notre pays n’en sera que raffermie.
Barack Obama lève les indignes restrictions qui étaient imposées à l’entrée des séropositifs étrangers sur le territoire américain. On dit que cette décision avait été préparée par Georges Bush, ce qui est à tout à l’honneur de ce président pourtant mal aimé.
Listes
Sur France Inter, Stéphane Paoli invite dans son 7-9 Christian Boltanski qui évoque sa future exposition (cet hiver, sous la nef du Grand Palais). Il parle avec Alain Rey (dont on retrouve avec plaisir la voix à la radio) de son obsession des listes. Il fait remarquer que chaque homme « appartient à plusieurs listes » et même à de nombreuses listes, listes parfois objectives et fortement caractérisées (la liste des hommes ou celle des femmes, celles des noirs ou celle des blancs, celles des blonds ou celle des bruns, celle des vivants ou celle des morts…) mais aussi à des listes apparemment moins déterminantes (encore que !)(liste des mangeurs de spaghettis par exemple…).
Cette discussion renvoie à une invitation qui vient d’être faite par le musée du Louvre à Umberto Eco. Il s’agit d’une carte blanche intitulée « Vertige de la liste » qui permettra du 2 novembre au 13 décembre, de déployer un programme de conférences, rencontres films, la salle audiovisuelle nord se transformant pendant un mois en « Chambre des merveilles ».
En y réfléchissant, je me dis que les listes appartiennent moins aux rituels de ma vie quotidienne qu’autrefois. C’étaient alors les listes des appels dans les classes ou dans les colonies de vacances (le nom d’abord, le prénom ensuite : Aillagon Jean-Jacques…), les listes déclamées des « mort pour la France » ou « mort au champ d’honneur », lors des cérémonies du 11 novembre, devant le monument aux morts, avant qu’on ne chante à tue tête « Gloire à notre France éternelle, gloire à ceux qui sont morts pour elle » (Hymne de Victor Hugo), listes des litanies qui ne cessaient de m’émerveiller par l’irruption de noms de saints dont je n’avais jamais entendu parler. Ma grand-mère prétendait que, lors des Rogations, cérémonie d’un autre temps, c’était toujours Sainte Anastasie qui était invoquée quand la champêtre procession passait près de chez nous. Toutes ces listes ouvraient, en fait, mon oreille aux délices d’une sorte de poésie abstraite dont le rythme et la musique berçaient mon imagination.
Aujourd’hui, il me reste la « liste des appels téléphoniques à passer » que mon assistante s’obstine à ne jamais me communiquer !
Boltanski dit que nous appartenons, chacun, à de nombreuses listes. La réflexion de l’artiste devrait alimenter le débat sur l’identité nationale. Aucune identité évoluée n’est sommaire. L’identité de tout individu repose sur le croisement de nombreux critères d’identité subis ou choisis. L’identité de tout groupe est ouverte et mobile et se doit de l’être, sous peine de devenir aliénante et étouffante pour l’épanouissement tant des personnalités qu’il rassemble que pour la tonicité de sa propre dynamique.
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