La question est posée. Elle n’est pas illégitime. L’écrivain aurait des titres à y être honoré de la même manière que le dernier en date des « panthéonisés », Alexandre Dumas. Ministre de la culture, je m’étais cependant interrogé sur le meilleur usage civique à faire du Panthéon. J’avais d’ailleurs commandé à ce sujet un rapport aux services du ministère, en charge des archives et du patrimoine. Toujours est-il que j’avais d’abord prescrit qu’on s’attache à restaurer ce monument, très fragile et structurellement sensible depuis l’époque de sa construction par Soufflot, tant la prouesse de sa conception défiait alors les capacités de l’ingénierie de l’époque. Je me souviens que lors de la « panthéonisation » d’Alexandre Dumas, la nef était tendue d’un filet pour éviter que des chutes de pierres de la voûte ne blessent ou ne tuent ( !) ceux dont la cérémonie requerrait la présence dans l’édifice, ou, par la suite, les visiteurs qui viendraient rendre hommage à l’écrivain…
Surtout, et j’en avais fait part au Président de la République, je m’étais interrogé sur l’opportunité de continuer à transférer physiquement les « restes mortels », parfois ténus, de ceux qu’on voulait honorer, reproduisant ainsi, en la laïcisant, la pratique chrétienne du culte des saints et des reliques… Ces transferts d’ossements sont-ils vraiment nécessaires ? Ils contreviennent parfois à la volonté des défunts ou de leurs familles, au sein desquelles des réactions contrastées révèlent les déchirements qui déjà les bouleversent.
La rareté des « panthéonisations », l’impossibilité, dans certains cas, d’y appeler des personnages qui devraient incontestablement en bénéficier (le général de Gaulle n’ira jamais au Panthéon , il appartient à sa terre de Colombey), le refus de certaines familles, le caractère « régalien » de la décision d’y procéder (équivalent laïque de la décision du Pape de béatifier !), limitent à une sorte de « short list » assez aléatoire, peu signifiante, peu représentative, le vrai tableau des héros de l’esprit, du cœur, de l’intelligence dont notre pays peut s’enorgueillir. Ceci étant, ne vaudrait-il pas mieux faire du Panthéon, comme l’est l’abbaye de Westminster, un mémorial national où, à travers des inscriptions, des dédicaces, des monuments le cas échéant (comme c’est déjà le cas pour les volontaires de 1792), la Nation récapitulerait la mémoire de ceux qui lui font honneur. S’y trouveraient ainsi la liste des souverains et chefs d’Etat qui ont bien servi la France, la mention des textes constitutionnels qui ont forgé sa personnalité politique, la référence aux lois qui ont déterminé son destin. Racine et Corneille pourraient y retrouver Victor Hugo, Jeanne d’Arc, Jean Moulin, Henri IV, le général de Gaulle, Lavoisier, Pierre et Marie Curie… sans qu’on ait à s’interroger sur la localisation de leurs restes et qu’on se mette en quête de devoir les transférer.Cette option de « sublimation » de l’hommage national, enlèverait au Panthéon son caractère morbide et à la « panthéonisation » son relent d’imitation de rites religieux sur lesquels on aurait plaqué le sceau de la République. Bien que « temple laïc », le Panthéon pourrait rendre hommage ainsi à quelques saints qui honorent le génie de notre pays, comme Saint-Vincent de Paul ou sa « commère » Sainte-Louise de Marillac, par exemple, ou encore des ecclésiastiques qui ont su se donner aux autres comme l’Abbé Pierre, Sœur Emmanuelle ou Monseigneur de Belsunce qui au XVIIIe siècle se mit à la disposition des marseillais frappés par la peste, encore que son rôle soit controversé, comme le rappelle justement Albert Camus dans « La Peste ».
Excellente proposition que de se limiter aux hommages "spirituels" en renoncant aux transferts physiques. Mais allons plus loin : l'appel aux artistes vivants pour immortaliser les gloires du passé. Le Panthéon deviendrait aussi un lieu d'exposition d'art contemporain.
Rédigé par : Isabelle Rambaud | 03 décembre 2009 à 13:51
J'ajoute que Le poids de l'histoire serait peut-être ainsi moins lourd, plus efficace et que Sisyphe en serait plus heureux !
Rédigé par : Isabelle Rambaud | 03 décembre 2009 à 14:02
Bonjour,
Vous avez raison, les créateurs de notre temps devraient aussi prendre part à ces hommages.
Bien cordialement
Rédigé par : Jean-Jacques Aillagon | 07 janvier 2010 à 18:44