Matinée au Musée des Beaux Arts. J’y revois longuement ce petit tableau de Konrad Witz, peintre du XVe siècle rhénan que j’aime beaucoup, représentant « l’empereur Auguste et la Sibylle de Tibur ». La Sibylle annonce à Auguste la naissance de Jésus. Tous deux regardent vers le ciel que la Sibylle désigne de son doigt et dont tombe la lumière qui inonde leurs visages. L’empereur porte un étrange costume, à la mode du siècle du peintre, qui le fait ressembler à un roi de kermesse.
Je rassemble mes souvenirs de Dijon. Le premier date du milieu des années 50, lors de mon premier séjour en colonie de vacances, aux Rousses, dans le Jura. Dans la nuit, toute la colonie avait été débarquée sur le quai de la gare pour changer de train, après un premier un long trajet de Metz à Dijon. C’était la première fois que je prenais le train… Il m’en est étrangement resté un souvenir, et presque une sensation, très précis.
Autre souvenir. Dix ans plus tard c’est à Dijon qu’avec mon père, Charles, que je venais de retrouver, nous faisions une halte (encore) nocturne sur la route de la Lorraine que je quittais pour Toulouse où j’allais désormais vivre. Dans la soirée nous avions dîné avec l’un de ses amis, commissaire divisionnaire de police, le Commissaire Heitzelman, qui, tous les soirs, se faisait, dans la même brasserie, servir le même dîner – escalope de veau et pommes de terre sautées… - originalité qui m’avait beaucoup frappé.
Avec mon père toujours, je revins à Dijon, en octobre 1967, pour assister à son « intronisation » dans la Confrérie du Tastevin à Clos Vougeot. J’en ai conservé un souvenir culinaire, celui des œufs en meurette. C’est la première fois que j’en mangeais et j’en suis resté très gourmand, bien qu’incapable d’en préparer, la cuisson des œufs au bon point d’équilibre, entre le trop et le trop peu, étant chose redoutable ! Hier soir, cette confrérie, en m’accueillant à mon tour dans ses rangs, a eu la délicatesse, ses archives étant bien tenues, de me rappeler le souvenir du passage de mon père à Clos Vougeot il y a plus de quarante ans.
Dijon, c’est aussi pour moi un mystère, celui de mon oncle Willy Louis qui y habitait. Frère légèrement aîné de ma mère (il était né en 1916), il m’était quasiment inconnu, puisque fâché (pour quelles raisons ?) avec sa sœur. Il ne la voyait jamais, ce qui fait que je ne le voyais pas non plus. Il avait été, je crois, officier de cavalerie, puis avait enseigné au Maroc d’abord, ensuite dans un collège religieux de Dijon, Saint-Joseph peut-être. Il était resté célibataire. J’ai su son décès, il y a deux ans environ par un courrier de notaire m’informant que j’étais avec mes frères, sœurs, cousins et cousines bénéficiaires d’une petite part de sa (modeste) succession dont il avait affecté la part réservataire à mes cousins Jean-Claude et Hubert Malmonté. Une fille de l’un de ces cousins me laissa alors entendre, à mots semi-gênés, que « Tonton Willy » aurait été homosexuel… Alors je me suis mis à imaginer ce qu’avait pu être sa vie, ses désirs inavoués, ses hontes cachées et peut-être même ses passions...
A la Préfecture de la Côte d’Or, je retrouve Christian de Lavernée, le Préfet de la Région Bourgogne et du Département Côte d’Or qui a précédemment exercé ses fonctions dans les Yvelines et sa femme Odette. Avant mon retour pour Paris, ils me retiennent à déjeuner et ont eu la bonne idée d’inviter aussi Xavier Douroux, directeur du Consortium, à se joindre à nous. Je ne dirais jamais assez l’immense estime que je porte à cet homme dont l’engagement en faveur de l’art contemporain est marqué par une exigence et une justesse de jugement tout à fait remarquables.
Pierre Paulin
En rentrant de Dijon, j’apprends, à la radio, la mort de Pierre Paulin. Aussitôt j’appelle sa femme, Maya, pour lui dire ma tristesse et partager son deuil. Elle connaît la passion précoce et durable que m’inspira ce très grand créateur, audacieux et novateur, à l’image même de ces formidables années 60 et 70, années de toutes les inventions et de toutes les audaces. Il avait été le symbole même des années Pompidou… Georges et Claude Pompidou l’avaient d’ailleurs invité à « repenser » plusieurs pièces de l’Elysée, ce qu’il fit de façon magistrale. On le sait, Valérie Giscard d’Estaing appréciait peu tout cela et il en fit démonter la plus grande partie.
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