Herrenchiemsee
Un ami m’envoie, par MMS, cette photographie de Herrenchiemsee qu’il est en train de visiter. Il m’écrit « la copie est plutôt fidèle. Manquent la grille et le jaune Didier… ». Petit coup de griffe contre l’Architecte en chef des Monuments Historiques de Versailles, Frédéric Didier ? Le « jaune Didier », appliqué sur les huisseries du château pour y remplacer le blanc-gris « Trianon » qui depuis plus d’un siècle y était devenu une habitude qu’on avait fini par prendre pour une vérité, a en effet fait débat. Il a eu ses détracteurs mais aussi ses partisans parmi lesquels je me range. Je suis convaincu par l’argument d’une plus grande conformité historique de cette couleur au projet de Mansart dont la façade sur jardin est l’un des grands chefs-d’œuvre.
Par ailleurs, je suis plus convaincu encore par l’harmonie solaire que cette couleur introduit dans la relation entre la pierre de Saint Leu dont les façades sont faites et les huisseries qui en rythment le prodigieux étirement. Tout cela donne à Versailles un caractère heureux et joyeux, éloigné de la triste solennité « classique » où le goût du XIXe siècle avait souhaité enfermer le château de Louis XIV. Si je suis attaché à assumer et à valoriser les apports du XIXe siècle à Versailles, si je sais qu’il serait vain et suspect de vouloir systématiquement revenir à des états présumés du début du XVIIIe siècle, je crois cependant qu’il faut savoir – et on l’a fait avec la couleur jaune – rendre au château du « plus grand Roi de la terre », un peu de son esprit baroque.
Calvin
Lectures en retard. Celle du dernier numéro de l’Histoire avec son dossier consacré à Jean Calvin, à l’occasion du 5ème centenaire de la naissance, à Noyon, du père de la Réforme « à la française ».
Calvin aura, plus que Luther, fait accomplir à la réaffirmation de la transcendance de Dieu un mouvement extraordinaire, alors que seize siècles antérieurs de l’histoire du christianisme avaient accommodé ce postulat des monothéismes de mille manières, tissant entre le Ciel et la Terre, entre Dieu et l’Homme, mille liens, théologiques (l’incarnation, la quasi « divinisation » de la Vierge Marie), sacramentels (la présence réelle), ecclésiastiques (le Pape en « représentant de Dieu sur terre »)… qui ont fait de cette religion un monothéisme « tempéré ». Cet accommodement a suscité une magnifique efflorescence culturelle. Qu’on pense à l’ange de Reims qui tient autant du Kouros grec que des séraphins de l’Arche d’alliance, qu’on songe à François Villon dans la Ballade pour prier Notre-Dame quand il écrit :
« Dame du ciel, régente terrienne,
Emperière des infernaux palus,
Recevez-moi, votre humble chrétienne,
Que comprise soie entre vos élus,
Ce nonobstant qu'oncques rien ne valus.
Les biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse
Sont bien plus grands que ne suis pécheresse,
Sans lesquels biens âme ne peut mérir
N'avoir les cieux. Je n'en suis jangleresse :
En cette foi je veuil vivre et mourir »
C’est absolument étonnant mais tout aussi absolument magnifique.
Calvin, sans répudier cet accommodement fondateur du christianisme qu’est la construction trinitaire, aura cependant, dans la profession de foi, dans les prescriptions cultuelles, dans l’organisation ecclésiastique, marqué un sens profond de la nécessité de réformer un christianisme qui avait fini par se construire sur une astucieuse synthèse de la Foi abrahamique, de la pensée hellénistique et de certains codes du paganisme.
Je lis dans Le Monde daté du mercredi 25 février, l’interview de Hans Küng, théologien allemand, à propos de la réintégration dans l’Eglise catholique des évêques lefebvristes dont l’effrayant Williamson. Hans Küng y esquisse la voie des profondes réformes qu’appellerait le catholicisme, réforme théologique (« Il [le pape] pourrait corriger sa théologie qui date du Concile de Nicée… »), ecclésiastique (élection des évêques et abolition du célibat des prêtres), morale (la pilule et, de façon générale, la contraception préventive…). La question de l’admission des divorcés à la communion qu’évoque Hans Küng, devrait, de fait, être traitée en reconsidérant la nature même du mariage, contrat et non plus sacrement, comme Calvin – et la Réforme protestante de façon générale – l’avaient déjà affirmé.
Puisse le 5ème centenaire de Calvin favoriser la prise de conscience critique chez tous les européens, puisque leur continent fut, plus que d’autres, marqué par l’influence culturelle du christianisme, de la nécessité permanente de savoir libérer toute conscience du poids des usages et des traditions pour qu’elle puisse exercer, de manière utile, ce libre arbitre qui tenait tant à cœur à ce contemporain de Calvin, si différent de lui, que fut Erasme de Rotterdam. A défaut de se plonger dans L’Institution de la religion chrétienne, chef-d’œuvre de la pensée théologique de Calvin, éditée à Bâle en 1536, chacun pourra utilement lire son « Traité des reliques ou avertissement très utile du grand profit qui revient à la chrétienté, s’il se faisait inventaire de tous les corps saints et reliques qui sont tant en Italie, qu’en France, Allemagne, Espagne et autres royaumes et pays » (1543), digne de Rabelais.
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