Conférence de presse
Journée plus que remplie dont la matinée est consacrée à la conférence de presse de présentation des projets de l’Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles pour 2009. Le dossier de presse est accessible en ligne. J’ai choisi de rencontrer la presse, à la Maison européenne de la photographie, pour permettre aux journalistes dont la plupart travaille à Paris, d’y assister plus facilement. Ce choix se révèle judicieux. Le temps de cette journée est tout particulièrement mauvais et découragerait plus d’un d’engager le voyage de Paris à Versailles… Cette rencontre avec les journalistes est intéressante. Les questions qu’on me pose mettent le doigt sur les sujets dont l’actualité passionne plus particulièrement la presse, comme celles concernant le Musée de l’histoire de France. Je reviendrai sur ce dossier aujourd’hui, ainsi que samedi et dimanche. Certaines questions étonnent parce qu’elles sont paradoxales. On me demande, à propos du projet d’exposer, en fin d’année, dans le cadre de Versailles off, des œuvres de Xavier Veilhan, cet artiste ayant fait le choix de présenter ses œuvres dans les espaces extérieurs du château, si « en choisissant un artiste moins connu que Jeff Koons et en installant ses œuvres à l’extérieur, Versailles ne marquait pas de la prudence et ne trahissait pas sa crainte de susciter une nouvelle fois des critiques ? ». L’an passé, au moment de la présentation de Jeff Koons, on m’avait demandé « pourquoi j’avais cédé à la facilité de choisir une star plutôt qu’un artiste moins connu et la raison pour laquelle, au lieu de présenter des œuvres déjà disponibles à l’intérieur, je n’avais pas commandé des œuvres nouvelles pour les jardins… ? »
Conférence de presse du 23 janvier 2009, © Droits réservés
Coming out
Dans la matinée, un ami m’avertit par sms que Roger Karoutchi, ministre des relations avec le Parlement, allait faire son « coming out ». Le soir, sur le plateau d’I Télé, Maya Lauqué m’interroge à ce sujet. (Elle a lu mon blog et noté mon ascendance pyrénéenne. Elle me parle de ses origines bayonnaises… Nous sommes quasi « pays », bien qu’entre le Béarn et le Pays basque, il y ait de sacrées nuances…).
Roger Karoutchi a fait le choix de révéler un aspect important de sa personnalité et de sa vie. Rien ne l’y contraignait. En le faisant, il permet cependant à la tolérance à l’égard de la diversité des modes de vie, y compris ceux qui procèdent des orientations sexuelles, de faire des progrès au sein de la société française. Pour ma part, je n’ai pas, en d’autres temps, ressenti expressément le besoin de faire cet aveu, n’ayant jamais fait aucun mystère de ma vie, par refus des conventions et par goût pour la limpidité de mon existence. Quand j’en ai un jour parlé, c’est parce qu’on m’interrogeait à ce sujet. Quand j’étais ministre, un collègue me faisait remarquer que j’étais sans doute le premier ministre ne faisant pas mystère de son homosexualité. Je lui répondis que si j’étais le premier dans cette situation de transparence, je n’étais pas le premier – loin de là ! – à être caractérisé par cette orientation…
Cela dit, j’estime que chacun peut également faire le choix de maintenir autour de sa vie privée, un mur de discrétion, voire de mystère, à condition toutefois que ses choix politiques, lorsqu’il s’agit d’un homme politique, soient en accord avec les réalités de son existence. On ne manifeste pas contre le PACS quand on partage la vie d’une personne de son sexe !
Mesures en faveur de la presse
Dans la matinée, le Président de la République annonce, en conclusion des Etats généraux de la presse, les mesures qu’il a arrêtées en faveur de cette activité menacée de sinistre. Je note avec satisfaction que certaines des mesures annoncées étaient déjà esquissées dans le rapport que j’avais, en 2003, confié à Bernard Spitz, sur « les jeunes et la lecture de la presse quotidienne d’information politique et générale », rapport qui, mon départ du Gouvernement faisant, fut remis à mon successeur.
Quel que soit l’intérêt des mesures annoncées, je suis persuadé que la presse quotidienne française ne pourra faire l’économie d’une réflexion radicale sur ses contenus éditoriaux et sur la capacité du secteur à générer des groupes puissants, maîtrisant la convergence de médias divers, presse écrite, quotidienne et hebdomadaire, radio, télévision et internet. Par ailleurs, il est assuré que la presse quotidienne ne survivra pas si elle reste isolée et tributaire de situations capitalistiques trop fragiles. Mais cela n’est pas l’affaire de l’Etat seulement mais bien celle des sociétés de presse elles-mêmes et de leur capacité à déployer des stratégies éditoriales et industrielles innovantes.
Musée de l’histoire de France
Quand le Président annonce la création d’un musée de l’histoire de France, il appelle essentiellement de ses vœux la redensification de la relation des Français avec l’histoire de leur pays. A certains moments de notre histoire, tout au long de la IIIe République notamment, quand il s’agissait de réunir la Nation contre l’ennemi planté à ses frontières, cette relation a été forte. Elle s’appuyait sur une action éducative déterminée - celle de l’école publique - et sur la capacité de plusieurs générations d’historiens de forger les connaissances et les mythologies dont cette relation avait besoin. Cette histoire concernait avant tout la maturation de la Nation, dans ses différents avatars politiques, la République à cet égard couronnant l’œuvre des « rois qui avaient fait la France », et l’avènement de la liberté qui, si elle avait eu des prélégomènes sous l’Ancien Régime – l’Edit de Nantes par exemple - devrait presque tout à la Révolution dont la République était l’héritière.
Si dans une société comme la nôtre, irréversiblement marquée par la diversité de l’origine culturelle des femmes et des hommes qui la composent, il n’est pas illégitime de s’interroger sur la part que la conscience historique peut prendre à l’affermissement du lien social et du lien civique, on ne peut cependant aborder le projet de créer un musée de l’histoire de France comme on l’avait fait, sous Louis-Philippe, quand le « Roi-citoyen » créait le Musée de Versailles dédié « à toutes les gloires de la France ». Ce musée s’asseyait sur un projet clair et simple : à travers les grands hommes et les hauts faits – militaires surtout – de l’histoire de France soutenir l’idée que la Nation qui avait été défendue par les Orléans à Valmy et à Jemmapes, était d’une essence supérieure à celle des régimes qui l’avaient servie et que donc, l’Ancien Régime, la Révolution et l’Empire n’étaient, dans le fond, que les trois faces contingentes d’une même histoire, celle de la Nation Française. Le deuxième postulat de ce projet, c’était tout simplement que la Monarchie de Juillet récapitulait cette histoire et en dépassait les contradictions, par un système politique qui, sous le drapeau tricolore, réconciliait les valeurs de la France d’avant 1789 avec celles de la France moderne. A cet égard, le musée de l’histoire de France de Louis-Philippe est un formidable exemple de musée politique, animé par le constant souci d’une démonstration du sens positif de l’histoire. Ce musée est devenu un objet patrimonial en lui-même, dont la présentation appelle aujourd’hui une « mise à distance critique », pour qu’il soit compréhensible par ses visiteurs.
Quand aujourd’hui, on aborde la question de la sensibilisation des français à l’histoire de France, on se doit d’embrasser la question de façon large. Cette sensibilisation doit, tout d’abord, poser la question de la place de l’histoire dans les programmes de l’enseignement primaire et secondaire. Elle ne peut également faire l’économie de la question du soutien à la recherche et de celle de l’accès aux sources de cette recherche. A cet égard, la décision confirmée par Jacques Chirac lui-même, le 9 mars 2004, alors que j’étais ministre de la Culture, de créer, à Pierrefitte, une nouvelle cité pour les Archives nationales, a marqué une prise de conscience par la puissance publique de la nécessité pour la France de fournir à la recherche historique un outil archivistique plus performant que celui insuffisant, vétuste et décourageant des Archives nationales engoncées dans leur prestigieux quadrilatère d’un autre temps, au Marais. Cette prise de conscience avait été préparée par l’action de sensibilisation d’une pléiade de grands historiens et par le rapport déterminant de Georgette Elgey et Annette Wieviorka pour le Conseil économique et social. C’est donc par l’éducation, la recherche et de ce fait, le soutien à l’édition historique qu’il faut commencer pour faire avancer la familiarité avec l’histoire de France de nos concitoyens.
Cette histoire de France ne saurait se réduire – on n’est plus au XIXe siècle - à une énumération de grandes dates, de hauts faits et de personnalités marquantes. Le peuple a reconquis le droit à son histoire. L’histoire de France ne peut donc s’écrire aujourd’hui que si elle se plonge dans l’histoire économique et sociale, l’histoire des réalités matérielles et culturelles, l’histoire des modes de vie et celle des mentalités, l’histoire des mouvements de population, ceux qui ont porté le peuple des campagnes vers les villes, ceux qui ont poussé des hommes venus d’ailleurs en Europe ou hors de l’Europe vers notre pays qui devenait le leur, ceux aussi qui ont conduit des bretons, des angevins, des savoyards… à quitter le sol de notre pays pour tenter, ailleurs, un nouveau destin, comme ces alsaciens, fuyant l’annexion, et trouvant en Algérie une nouvelle terre française. Cette histoire est celle de nos gloires – Pasteur découvrant un vaccin contre la rage. C’est celle aussi de nos douleurs – la capitulation de 1940 et le cortège de tragédies qui s’ensuivit. L’histoire ne peut plus s’écrire naïvement. Elle ne peut plus se penser que de façon complexe et contradictoire. Elle n’en demeure pas moins passionnante.
A suivre...
Louis-Philippe devant la galerie des Batailles par Winterhalter, © RMN / Gérard Blot
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