Le Blog de Jean-Jacques Aillagon

Intégrismes

De tous côtés, des indices d’intégrisme religieux qui voudraient réduire la « couleur » religieuse des pays à celle de la religion réputée dominante, sur le vieux principe qui a fait flop en Europe de Cujus regio, ejus religio… En Suisse, on s’interroge sur la place des minarets dans le paysage helvétique. En Israël, c’est le Grand Rabbinat qui dénonce les décorations de Noël auxquelles consentent des commerçants ou des hôteliers, menacés de se voir retirer leur certificat de cacherout. En Turquie, pour reprendre le titre du Figaro « le ton monte entre Bartholomé Ier et le pouvoir turc »…
Bien que Noël soit devenu, dans sa forme profane, celle de l’arbre de Noël, du Père Noël, des cadeaux et des réveillons, une fête universelle…, le fameux message de Noël… qu’auraient entendu des bergers dans la campagne de Bethlehem, a du mal à passer, « Paix aux hommes de bonne volonté ».

Tabous

L’actualité offre à l’opinion des images « christiques ». En Italie, c’est la figure de l’« homme aux outrages » que présente Silvio Berlusconi après l’attentat qui lui a défiguré la face (une réduction du Duomo de Milan lancée violemment par un opposant !). Dans ce pays, l’Italie, familier de la représentation de Jésus outragé, cette image ne peut qu’impressionner par sa force iconographique et, de manière certaine même si elle est politiquement paradoxale, susciter de la compassion, de la sympathie et même de l’adhésion. L’agresseur, Massimo Tartaglia, aura, étrangement, rendu service à la popularité du chef du Conseil italien.
A Chypre, c’est le trouble du tombeau vide, prélude à la naissance de l’espérance chrétienne, qui frappe l’île depuis que la tombe de Tassos Papadopoulos, ancien président chypriote, a été retrouvée profanée et privée de son cadavre. Comme dans l’évangile, il a fallu bouger la « lourde pierre ». Ici, cependant, aucune hypothèse de résurrection, mais des supputations ou de vengeance ou de trafic, ou encore de mise en scène visant à rendre impossibles les négociations en cours entre les deux parties de l’île.
Dans les deux cas, ce sont des tabous qui ont été violés, celui du respect des morts et celui du respect dû à la figure du chef, le premier étant mieux enraciné que le second. Si la profanation de cadavres connut quelques épisodes célèbres, celui du cadavre d’Hector tué par Achille tiré par les chevaux, celui du Duce livré à la vindicte de la foule milanaise, le second tabou connut et connaît toujours des infractions nombreuses, quelle que soit la force des lois qui punissent les crimes d’attentat, contre ceux qui gouvernent. La férocité des tourments imposés aux régicides n’a empêché ni l’assassinat d’Henri III (1589), ni celui d’Henri IV (1610), ni l’attentat de Damiens (1757). L’exécution de Louis XVI a cela de particulier qu’elle relève d’un jugement et d’une décision collective et non de l’acte isolé d’un forcené ou d’un révolté. Elle est, de ce fait, plus radicale même si elle n’est pas inédite dans l’expression du régicide.

Grève des établissements publics (suite)

Avant l’ouverture du château, l’Assemblée générale du personnel vote la suspension du mouvement de grève qui avait été lancé le 23 novembre par l’intersyndicale du ministère de la Culture. Le mouvement de grève, s’il a frappé durement certains établissements, notamment le Centre Pompidou, n’a que modérément bouleversé le fonctionnement du château de Versailles qui n’a été en mesure d’accueillir le public que deux jours la semaine dernière, les 3 et 4 décembre. Cette modération doit sans doute beaucoup à la très bonne qualité du dialogue social au sein de notre établissement, dialogue marqué par le vrai respect réciproque qui s’est établi entre les organisations syndicales et la direction et par l’observation attentive des engagements pris de part et d’autre. Rappelons que le principal motif de cette grève est l’application de la décision du gouvernement de ne pas procéder au remplacement d’un départ sur deux à la retraite.

Grand Paris - Le Malade Imaginaire

Grand Paris
A l’invitation du Préfet de Paris, Préfet d’Ile-de-France, je participe, au Cabaret Sauvage de la Villette, à une matinée de réflexion sur la place de la culture dans le développement de l’agglomération parisienne. Après les discours des ministres, Frédéric Mitterrand et Christian Blanc, se succèdent des tables rondes animées par Brigitte Jeanperrin. Les échanges sont un peu rhétoriques ! Tout cela est-il bien utile ? Le sujet qui motive ces réunions est pourtant majeur pour l’avenir de la région parisienne.

Le Malade Imaginaire
Dans la soirée, à l’Opéra Royal du château, Le Malade Imaginaire de Molière interprété par Michel Bouquet. Magistralement. A la fin du spectacle, je vais le saluer dans sa loge. Nous évoquons un déjeuner que nous avions partagé, en Avignon, pendant l’été 2002, à l’ombre des platanes de l’hôtel du Prieuré.

Grève des établissements publics

Le ministre de la Culture réunit, rue de Valois, les Présidents et Directeurs généraux des établissements concernés par le mouvement de grève. Chacun fait le point sur la situation de son établissement. Je souligne la nécessité, quelle que soit la position du gouvernement sur le fond de la question, de tout faire pour que soit maintenu avec les organisations syndicales un dialogue serein et respectueux. On nous annonce que, dès le lendemain, le directeur de cabinet du ministre, Pierre Hanotaux, présidera une séance de concertation avec la représentation des personnels. C’est une nouvelle qui me réjouit.

Développement durable - Pétition - Tout ravin sera comblé

Développement durable

Le développement durable est, comme je l’écrivais déjà, devenu la tarte à la crème du politiquement correct. Même McDonalds achète des pleines pages dans les journaux pour vanter son engagement contre le réchauffement climatique… On préfèrerait que les fortunes englouties dans ses actions de communication-paravent, soient réellement affectées à des actions d’intérêt général.

Pétition
 Dans le Journal du Dimanche, grand article intitulé « Il faut sauver l’histoire », à propos de la pétition lancée par des historiens pour protester contre la disparition de l’histoire et de la géographie dans les programmes de la terminale S. Je m’associe à cette pétition sur le site des professeurs d’histoire et de géographie.

La connaissance de l’histoire n’est pas une « matière » qui ne consisterait qu’à empiler des connaissances qui permettent de participer aux « jeux des mille euros » de tout acabit ou d’être à l’aise dans les épreuves de culture générale des concours. L’histoire et son étude installent les citoyens dans la dimension historique de leur existence et dans celle des sociétés auxquelles ils appartiennent. Elle leur donne, de manière critique, le sens de ce qui les enracine dans les réalités de ceux qui les ont précédés ont déjà réalisées. Elle fournit du savoir mais aussi des leçons et notamment celles qu’il y a lieu de tirer des horreurs, des erreurs, des crimes, que les hommes ont commis à l’égard les uns des autres.
La première chose qui rendrait crédible un projet de musée de l’histoire de France serait de restaurer la qualité de l’enseignement de l’histoire dans l’enseignement secondaire, de veiller à ce que sa place reste significative dans les programmes des chaînes de télévision de service public, de donner à la recherche les moyens de se développer efficacement, à l’université, dans les archives, dans les bibliothèques… et bien sûr aujourd’hui, dans les programmes de numérisation des documents mis en ligne. C’est tout cela fait, qu’on pourrait s’interroger, de manière pertinente sur la forme que pourrait prendrait un musée de l’histoire de France.

Tout ravin sera comblé
Sur France Culture, le chapelet des émissions religieuses du dimanche matin. Pour les chrétiennes « latines », c’est la préparation de Noël. L’évangile est tiré de Saint Luc, du chapitre 3, verset de 1 à 6.
« Une voix crie fort dans le désert : préparez le chemin du seigneur, rendez droits ses sentiers, tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux seront redressés, les chemins rocailleux aplanis ; et tous verront le salut de Dieu. »
Deux grandes idées qui parcourent ce texte rejoignent ma réflexion précédente : les grandes aventures humaines sont inscrites dans l’histoire et c’est aux Hommes à travailler à leur destin. J’aime cette idée que la voix du prophète inviterait à rendre droits les sentiers, à combler les ravins, à abaisser les montagnes, à redresser les passages tortueux et à aplanir les chemins rocailleux… autrement dit, à rendre le monde meilleur.

Pétition

Un groupe de maires diffuse une pétition en faveur de l’égalité des droits entre les couples hétéros et homosexuels, en faveur donc de l’institution du mariage de plein droit pour les couples de même sexe. Cette revendication relève d’une élémentaire aspiration à l’égalité et marque le refus des ségrégations qui reposent sur l’orientation sexuelle des individus. Cette pétition traduit également la nouvelle manière de considérer le mariage, un pacte stable mais pas forcément irréversible, pacte établissant des relations entre des personnes réellement égales et jouissant de droits et de devoirs identiques, pacte créant une entité sociale qui dépasse l’addition de deux individualités pour susciter un cadre spécifique de solidarité et de vie commune, le foyer. Le mariage civil s’est, en beaucoup de points, historiquement inspiré du mariage religieux dont l’Eglise a, tardivement et contestablement, fait un sacrement créant un état indissoluble et n’unissant, par principe, que des personnes du sexe opposé, en théorie consentantes, les relations homosexuelles étant rejetées dans l’enfer des abominations… C’est ce modèle dont l’absolutisme est révolu et qui, même parmi les croyants, suscite des réserves,qu’il faut transcender par la prise en compte de la nécessité de ne plus contraindre les individus à subir des modes d’existences contraires à leur personnalité, à leurs désirs, à leurs choix. La société a le devoir de ne pas mettre d’obstacle à l’aspiration au bonheur, même s’il ne peut lui appartenir de le faire. Je signerai donc cette pétition.

Monuments historiques - Minarets

Monuments historiques
La délibération et le vote du Sénat ont légèrement amendé l’article 52 du projet de loi de finance 2010 modifiant les dispositions de la loi du 13 août 2004 sur le transfert de monuments historiques à des collectivités locales. Le Sénat a souhaité rendre au ministre de la culture le pouvoir de décision en la matière. C’était la moindre des choses. Les monuments ne pourront, par ailleurs, être transférés qu’entièrement et non par morceaux saucissonnés. C’est un mieux, mais symboliquement on s’éloigne désormais du concept de « cœur de patrimoine imprescriptible » qui constituait l’un des fondements de la politique nationale en faveur des monuments historiques. C’est aussi une révolution dans l’ordre de la mise en œuvre des politiques culturelles parce que cette résolution ne procède pas, de manière délibérée, d’un projet ou d’une proposition de loi spécifique, mais, à la dérobée, d’un cavalier législatif. Dommage !

Minarets
Une « votation populaire » s’est prononcée en faveur de l’interdiction de la construction de minarets sur le territoire de la Confédération Helvétique ! Un scrutin populaire sans complexe exprime, dans ce pays, ce que les opinions publiques de beaucoup de pays ressentent confusément quand se présentent à leur appréciation des projets de construction de mosquées, dotées ou non de minarets. En France, on le voit bien, les projets de construction de lieux de culte musulmans ne voient souvent le jour que très laborieusement, freinés par des considérations politiques ou administratives, souvent mues par la sourde résistance des opinions publiques.
Que de paradoxes ! Certains récusent l’érection de minarets au nom du caractère chrétien de l’Europe, alors même que le continent se déchristianise notoirement ! D’autres invoquent ses racines « judéo-chrétiennes » alors même que, pendant des siècles, des obstacles y furent dressés à l’encontre de la construction de synagogues et de leur visibilité dans l’espace public ! D’autres encore avancent le respect des paysages et des règles d’urbanisme, alors même que, depuis des décennies, on livre avec plus ou moins de violence l’espace urbain et rural à toutes les dérives d’un développement mal contrôlé, alors même aussi qu’on s’apprête à amputer la capacité des architectes des bâtiments de France à contrôler la qualité et l’opportunité des interventions immobilières et mobilières dans les espaces protégés !
La vérité est plus simple. C’est que l’Europe a du mal à s’accommoder du fait qu’elle est devenue un continent pluriculturel. Y cohabitent des femmes et des hommes porteurs de traditions, de croyances, d’usages, de coutumes que ne comprime plus le vieux (et théorique) modèle de l’intégration, qui n’était, souvent, que l’expression de la volonté de niveler les différences. La France a forgé, à cet effet, le refus du communautarisme, brandi comme une menace à l’indivisibilité et à l’unité de la République. C’est un peu court et trop facile ! Savoir faire coexister les différences, voilà un beau projet pour les sociétés modernes,parce qu’il suppose le respect et la tolérance. Dès 1560, alors que les guerres de religion déjà s’annonçaient, Catherine de Médicis et Michel de l’Hospital, chancelier du royaume, tentèrent, en organisant le « colloque de Poissy » de convaincre catholiques et protestants de vivre ensemble. Il faudra attendre l’édit de Nantes (1598) pour qu’une règle (bancale) de cohabitation soit arrêtée. On le sait, tout le siècle suivant, jusqu’à la révocation dudit édit (1685), fut marqué par une suite de restrictions dont celles imposées à la construction ou à la pérennité des lieux de culte réformé. Certains pensent que ce fut, pour la France, un grand malheur.
Que la Suisse, qui fut « terre de refuge » pour les huguenots, que la France « patrie des droits de l’Homme », se souviennent de cette histoire là et de tant d’autres, témoins des malheurs qui découlent de l’intolérance et de l’incapacité des hommes à tolérer les différences qui les distinguent de leurs semblables.
Signe des temps : le premier ministre de sa Majesté s’est déclaré en faveur d’une réforme de l’acte d’établissement de 1701 interdisant à un catholique d’accéder au trône d’Angleterre. Dans ce pays apte à digérer les différences qu’est le Royaume-Uni, c’est dans l’empyrée du trône que subsistent encore des règles d’exclusion. Là aussi, l’histoire finit par les ébranler.

Langues régionales

Des députés UMP dont Marc Le Fur, député des Côtes-d’Armor, vice-président de l’Assemblée, ont engagé la rédaction d’une proposition de loi visant à défendre les langues régionales. C’est une initiative à laquelle je suis d’autant plus sensible que le Francique, parler germanique de l’Est de la Moselle, a sans douté été la première langue que j’ai parlée. Elle n’est plus pratiquée aujourd’hui que par quelques dizaines de milliers de locuteurs.

Les détracteurs des langues régionales ont souvent objecté que le soutien qu’on leur apporterait pérenniserait des « communautarismes » et serait contraire à la disposition de la Constitution qui stipule que « le Français est la langue de la République ». Ces réticences sont navrantes de la part de nationaux d’un Etat qui, par ailleurs, se veut, sur la scène internationale, champion de la diversité culturelle. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé à Jacques Chirac que la Constitution soit modifiée dans un sens favorable aux langues régionales en y ajoutant « le Français est la langue de la République. La France dispose par ailleurs d’un patrimoine de langues régionales qu’elle a le devoir de protéger ». Ma requête ne fut point entendue.

TVA

La TVA constitue 49,7% des ressources de l’Etat. Elle contribue donc de manière déterminante à sa capacité à agir dans tous les domaines de son intervention. Impôt judicieux pour les uns parce que réparti sur une assiette très large, il est injuste pour les autres parce qu’il frappe sans distinction les riches et les pauvres, en tout cas pour les actes de consommation qui leur sont communément accessibles. Toujours est-il qu’il est aussi un outil de gouvernance politique, à travers notamment la modulation de son taux. On l’a vu récemment avec la baisse de la TVA sur les prestations de la restauration. C’est la raison pour laquelle j’aimerais qu’on parvienne enfin à unifier, dans l’espace européen, la TVA de tous les produits culturels au taux réduit, à 5,5 % donc en France. Ça a été possible pour le livre. J’avais, en vain, tenté d’y parvenir pour le disque. Plusieurs pays de l’Union dont l’Allemagne s’y étaient opposés alors que, s’agissant d’une matière fiscale, l’unanimité était nécessaire, comme elle l’est toujours dans le dispositif du Traité constitutionnel qui entre en vigueur ce 1er décembre. Aujourd’hui, Frédéric Mitterrand engage à nouveau ce combat et l’étend aux services culturels en ligne. Ce serait un acte véritablement positif d’engagement culturel que l’Union Européenne consente enfin à cette initiative. Je forme le vœu que le ministre de la Culture sache convaincre non seulement ses collègues, mais aussi les ministres des Finances de l’Union car ce sont eux qui tiennent les cordons de la bourse.