Journal de campagne #4
Les partisans de certains candidats imaginent qu’à force de répéter des slogans, ils finiront par en faire des vérités. C’est hélas, le lot commun des campagnes électorales. Voici, un florilège de ces contre-vérités :
« On veut nous voler notre victoire », comme si la victoire d'un candidat était inscrite dans les astres, relevait d'un ordre naturel des choses, était le fruit d'une fatalité providentielle, comme si le vote des citoyens n'avait, comme l'acclamation du roi au cours de la cérémonie du sacre, que la fonction de sanctionner une ordonnance du destin. Bercés par des sondages passagers, encouragés par leur suffisance, ces partisans zélés imaginent trop facilement que tout est joué et qu'il n'y a plus qu'à ramasser la mise. Mais la démocratie, c'est autre chose. C'est réellement le libre arbitre du peuple et sa capacité ultime à choisir. Aucune victoire n'est due. Aucune défaite n'est un vol mais toujours une sanction.
« On veut nous abattre », il y aurait un complot. De qui ? De la terre entière, du Gouvernement, de l'administration, de la presse, des juges, des lobbies, du lobby gay plus particulièrement, du Café de Flore, et de je ne sais qui encore, pour discréditer un candidat. Pour tenter de le protéger, on invente des règles, comme celle de la « trêve électorale ». Il serait devenu impossible et même intolérable, d'évoquer les possibles dévoiements de candidats sans avoir l'air de vouloir, de façon scandaleuse, compromettre leur chance de gagner. Étrange conception de la démocratie que celle qui voudrait limiter le juste droit des citoyens, à connaître les candidats qui se présentent à leur vote, à savoir qui ils sont, comme s'il fallait, le temps de l’élection, que la fiction l'emporte sur la réalité.
« On est les seuls à avoir un programme », comme s’il suffisait de le proclamer pour gommer la richesse du débat politique, l’abondance des propositions, la diversité des projets. Un candidat ne peut pas, sans forfanterie, s'arroger seul, l'avantage d'avoir un programme et prétendre que l’intérêt des citoyens leur dicterait, par la force des choses, de ne faire que le choix imposé de celui-là.
« Notre programme est le seul à pouvoir redresser la France ! ». Qu'un candidat estime que son programme est le meilleur c'est bien, de sa part, la moindre des choses, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut prendre cela pour argent comptant. Il y a dans ces programmes qui se prétendent salutaires bien des points qui ne peuvent que légitimement susciter l’inquiétude voire l’opposition des citoyens.
« Notre candidat a des casseroles mais c’est le meilleur », avec une variante effrayante, « les casseroles, tout le monde en a ». Là, on atteint vraiment le comble de l’absurdité et du cynisme.
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