Ce mois de janvier marque le début de la commémoration effective de la Première Guerre mondiale. D’ici 2018, plus de mille manifestations, souvent culturelles, seront proposées au public. Beaucoup d’entre elles souligneront la dimension franco-allemande de l’événement. C’est, en effet, l’affrontement entre les deux nations issues de l’Empire de Charlemagne qui cristallisa une part majeure du conflit. Le 3 août, anniversaire de la déclaration de guerre de l’Empire allemand à la France, les présidents des deux pays se retrouveront pour un nouvel acte de réconciliation, en Alsace, au Vieil-Armand, le Hartmannswillerkopf, site qui ne cessa de changer de camp tout au long des combats et au gré de leurs funestes retournements. C’est cependant l’Europe toute entière que cette guerre aura bouleversée. Elle en a reconfiguré la géographie et les caractéristiques politiques, mettant fin aux Empires centraux et installant pour de longues décennies le communisme sur le flanc oriental du continent. À ce sujet, on lira avec intérêt "Le Prince rouge" (Gallimard), biographie de Timothy Snyder, consacrée à Guillaume de Habsbourg, archiduc d’Autriche, qui connut à la fois l’éclat déclinant de la cour de François-Joseph et les geôles soviétiques où il mourut en 1948, après avoir tenté, trente ans auparavant, l’Empire austro-hongrois se démembrant, de créer en sa faveur un chimérique royaume d’Ukraine. Toujours est-il que le centenaire que la France va célébrer doit bien concerner l’Europe toute entière. Arte, chaîne franco-allemande à vocation européenne, déploiera donc, avec raison, une programmation de grande envergure dont la première séquence, ces 11 et 12 janvier, est consacrée à l’effervescente avant-guerre. On y découvrira notamment un passionnant documentaire de Don Kent intitulé "Juste avant l’orage".
De la même manière, les bibliothèque nationales de huit pays - Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Italie, France, Royaume-Uni, Serbie – déjà associées au sein du programme Europeana, soutenu par l’Union européenne et se proposant la création d’une bibliothèque numérique européenne, ont décidé d’amplifier la Grande Collecte d’archives personnelles relatives à la Grande Guerre, lancée en Allemagne dès 2011. En France, cette collecte a été relayée par de nombreuses institutions dont le réseau des Archives départementales. Le succès de cette initiative a été considérable et a permis de rendre à la mémoire collective des milliers de lettres, journaux, mémoires, photographies et objets, contribuant ainsi à rendre à l’histoire toute la consistance de la chair et du sang de ceux qui l’ont faite. Il s’agit bien, à travers une telle initiative, comme l’annonce la Bibliothèque d’État de Berlin, de construire un "mémorial digital" de la Première Guerre mondiale.
Quand l’Union européenne s’engage dans de tels projets, ou les soutient, en vertu de sa compétence partagée avec les États sur le développement d’une culture européenne, elle donne une consistance sensible à l’idée même d’Europe. En contribuant à rapprocher les européens les uns des autres et, en leur permettant d’édifier une mémoire partagée, elle peut enfin les convaincre à désirer un avenir réellement solidaire. Elle devrait donc s’attacher à cette ambition avec plus de conviction et d’ardeur encore. Il y aurait moins d’eurosceptiques.
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