Il faut aller à la Cité de l’architecture et du patrimoine pour y voir l’exposition "1925, quand l’art déco séduit le monde". Elle plonge le visiteur dans cette époque de l’entre deux-guerres où la France, pourtant décimée par la grande boucherie de 14-18, reprenait vie et travaillait à son renouveau. Les départements ministériels s’employaient alors à revivifier le commerce, l’industrie, les travaux publics, l’habitation, les transports aériens, les ports, ... À Paris, allaient se succéder des expositions internationales de grande envergure, en 1925, celle des arts décoratifs et industriels modernes ; en 1931, la coloniale, et en 1937, celle des arts et techniques dont témoignent toujours les Palais de Tokyo et de Chaillot. On rêvait alors de reconquérir l’avenir grâce à un "développement productif" qui serait stimulé par l’union des arts et des techniques. De cette "belle époque" intense, pourtant déjà guettée par les menaces qui, en 1939, engloutiront l’Europe, reste l’efflorescence de l’art déco, ce grand style qui fut aussi un art de vivre, marqué par l’ambition de réunir architectes, architectes d’intérieur, urbanistes, peintres, sculpteurs, créateurs de meubles, joailliers et couturiers dans la recherche d’une esthétique partagée. Depuis Paris, elle fit école dans le monde entier.
On ira ensuite au Musée des Arts Décoratifs, rue de Rivoli, pour y admirer les collections "Art déco", et, entre autres merveilles, l’appartement de Jeanne Lanvin conçu par Armand-Albert Rataud ou le bureau-bibliothèque de Pierre Chareau crée pour le pavillon de l’ambassade française dans l’exposition de 1925 justement.
Ce grand musée procède de la volonté de particuliers qui, dès le Second Empire, à travers l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie rêvaient de réconcilier le beau et l’utile. Cette Union s’associa, en 1882, avec la Société du musée des arts décoratifs pour former l’Union centrale des arts décoratifs dont l’État loge, depuis 1905, les collections dans l’une des extrémités du Louvre, l’aile de Rohan et le pavillon de Marsan. Bien que ce musée a bénéficié, au cours des dernières décennies, de plusieurs campagnes de travaux, il est aujourd’hui à l’étroit dans le Grand Louvre qui l’assiège. Ses collections prodigieuses ne se déploient qu’imparfaitement, dans un bâtiment trop exigu. Ne serait-il pas temps que la France dont la production des arts décoratifs impressionne pourtant le monde depuis le XVIIe siècle, s’en préoccupe et se fixe l’ambition d’un grand musée, à l’instar du Victoria and Albert de Londres ? Ce qui a été fait pour les arts premiers avec le musée du quai Branly, ne devrait-il pas, enfin, être fait pour les arts décoratifs ? Imaginons le bonheur et la fierté qu’on éprouverait à parcourir, dans un nouveau bâtiment, le vaste développement de la grande histoire des arts appliqués à la vie quotidienne qui traverse l’histoire de la France, de l’éclectisme haussmannien au design contemporain en passant par l’Art nouveau, l’Art déco, les créateurs de la reconstruction, et ces géants que sont Jean Prouvé, Charlotte Perriand et autres Pierre Paulin. L’enjeu est de taille. Il concerne à la fois le rayonnement culturel de notre pays et le renouveau de beaucoup de ses industries de production. N’y aurait-il eu pas là un projet pertinent pour ces "investissements d’avenir" que se proposait le Grand emprunt ?
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.