Paris Photo ouvre au Grand Palais. En moins de vingt ans, cette manifestation s’est hissée au premier rang des foires internationales de la photographie, essaimant même à Los Angeles, qui accueillera, en avril prochain, la deuxième édition d’un Paris Photo LA. Crée en 1996, au Carrousel du Louvre, par Rik Gadella, l’un de ces brillants météorites qui traversent parfois le ciel parisien, également inventeur du Carré d’art Rive gauche des arts premiers, la manifestation est désormais gérée par Reed Expositions. Elle rassemble, cette année, cent trente-six galeries dont les deux tiers sont étrangères ainsi qu’un certain nombre d’éditeurs. Elle accueille la présentation de trois grandes collections étrangères, celle de l’Institut Moreira Salles de Rio, l’Art Gallery of Ontario de Toronto et le Folkang Museum d’Essen. Elle abrite par ailleurs une "plate-forme" animée par Nicolas Bourriaud, directeur de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts. Ce consentement de collections et d’institutions publiques à intervenir dans le cadre d’une manifestation commerciale montre bien qu’on est loin de cette époque où l’on s’imaginait, avec beaucoup de préjugés que les barrières entre l’action publique et l’initiative privée étaient rigides et infranchissables.
Dans toute la ville, les galeries et beaucoup d’institutions redoublent d’initiatives qui densifient encore l’offre parisienne en matière de photographie, un domaine dans lequel la France occupe une véritable pôle position. Dans ce foisonnement, on ne saurait que trop recommander à l’amateur d’aller voir l’exposition de la galerie Michèle Chomette, consacrée à Pierre Jahan et celle que la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent consacre à Hiroshi Sugimoto. Les maisons de ventes sont également de la partie, Sotheby’s, le 15, Piasa, le 19 et Christie’s, le 17, avec la dispersion de la collection privée d’Agathe Gaillard, pionnière du marché de la photographie à Paris. A ce sujet, comment ne pas rappeler que c’est le marché qui n’a cessé, dans ce domaine comme dans d’autres, de jouer un rôle essentiel de révélateur et de découvreur. La photographie fut d’abord l’affaire de quelques libraires passionnés comme André Jammes puis celle de galeries spécialisées, justement celle d’Agathe Gaillard ouverte en 1975 ou celle de Baudoin Lebon ouverte en 1976. L’initiative publique s’engagea ensuite dans cette voie, notamment par la création de l’association du patrimoine photographique puis par celle du Centre national de la photographie en 1982. La Ville de Paris soutint de son côté, la création d’un mois de la photo dès 1980 puis celle d’une Maison Européenne de la Photographie qui ouvrait en 1996. C’est par ailleurs lentement que s’était formée dans les musées la prise de conscience de l’importance patrimoniale et artistique de la photographie, grâce, souvent, au travail passionné et souterrain de quelques conservateurs comme Alain Sayag au Musée national d’art moderne ou, au ministère de la Culture, Agnès de Gouvion Saint-Cyr, désormais spécialiste chez Piasa.
En 1990, le Centre Pompidou consacrait une exposition à "L’invention d’un art" à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de l’invention présumée de la photographie. Près de deux siècles après, plus de doute, celle-ci s’est bien installée dans le paysage artistique.
Article publié le 13 novembre 2013 dans L'Opinion
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