La Bretagne est en ébullition. Elle proteste contre l’écotaxe et contre la fermeture de l’abattoir GAD de Lampaul-Guimiliau. Sur les barrages routiers, flotte le Gwenn ha Du, blanc et noir, qui s’est, imposé comme le drapeau de la Bretagne. Les manifestants portent des bonnets rouges, comme les révoltés contre les impôts de Louis XIV, en 1675. Au même moment où la région s’enflamme, clamant fort son identité, on assiste, à un regain de passion pour la culture traditionnelle. Au Quartz de Brest, scène nationale, on peut assister à la rencontre du joueur de cornemuse Erwan Keravec et de Michaël Phelippeau, chorégraphe danseur et photographe. Quant au théâtre de Morlaix, il propose un spectacle de Jean Lambert-Wild avec le chanteur Yann Fanch Kemener, alors qu’une salle de Landivisian accueille la compagnie Teatr Piba avec son spectacle pour le jeune public, Al liorzhour, tout cela dans le cadre du festival Tan Miz Du (feu du mois noir, donc de novembre) organisé dans 17 communes par l’association KLT dont le nom évoque les anciens évêchés de Cornouaille, Léon et Tregor. A Saint Paul de Léon justement on a pu récemment assister à une projection de Lann Vraz, film en breton de Soizig Daniellou. Dans le Finistère, vingt établissements Diwan prodiguent un enseignement général en langue bretonne, de la maternelle au lycée, sans préjudice pour la qualité des études puisque, selon un récent classement, le lycée Diwan de Carhaix était classé meilleur lycée de France, avant même le lycée Louis le Grand de Paris.
Cette effervescence devrait donner à réfléchir à ceux qui, au nom de l’indivisibilité de la République, ne cessent, depuis deux siècles, de mal accepter, voire de réprimer, les particularismes culturels qui constituent pourtant, pour la France, une richesse. Malgré le rapport sur les langues de France présenté par Bernard Cerquiglini, en 1999, malgré l’intensité des débats engagés par les premières assises des langues de France, en octobre 2003, malgré la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui dispose enfin que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France" sans pour autant contredire l’article 2 du texte qui proclame que "la langue de la République est le français", la France n’a toujours pas ratifié la charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 qu’elle a pourtant signée. Peut-être s’imagine-t-on que la pérennité de la pratique d’une langue propre à un groupe, langue locale comme le francique mosellan ou langue importé par l’effet d’une immigration importante, comme l’arabe, était contraire à la bonne maîtrise du français et des langues étrangères. Il n’en est rien, bien au contraire. En, Moselle, on a assisté au déclin conjoint de la pratique du francique, variante locale de l’allemand, et de l’apprentissage scolaire de l’allemand lui-même, ce qui constitue aujourd’hui une sérieuse entrave à la mobilité professionnelle transfrontalière.
Le problème, c’est que la France est mal à l’aise à l’égard de la diversité, qu’elle soit territoriale, culturelle, linguistique ou religieuse. On voudrait tout le monde pareil, tout en dénonçant, de façon paradoxale la mondialisation et en se faisant promoteur, sur la scène internationale de cette diversité culturelle qu’on aime chez les Bantous et qu’on redoute chez les Catalans. Et si ça changeait ?
Article publié le 30 octobre 2013 dans L'Opinion
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