C’est à Marseille que ce 24 janvier, le président de la République a présenté ses vœux au « monde de la culture ». Il avait inauguré ce qui est devenu une coutume, à Nîmes, à la Maison Carrée, en 2009. Cette grand-messe s’est, en 2010, transportée à Paris, à la Cité de la Musique, puis au Grand Palais, en 2011. Le choix de Marseille doit beaucoup à la récente annonce du programme de Marseille capitale européenne de la Culture et à la perspective de l’ouverture, en 2013, du musée des cvilisations de l’Europe et de la Méditerranée, musée, qui hélas a consacré la disparition d’une très grande institution muséale française, le musée des Arts et Traditions populaires. Le contexte de l’élection présidentielle a donné à cette cérémonie un écho particulier, personne n’étant dupe du statut de non candidat déclaré de l’actuel président de la République. Candidat de fait à sa succession, tout ce qu’il dit ou ne dit pas dans le cadre de ses fonctions, et de ses déplacements, prend inévitablement la résonnance d’un discours de campagne. Ses opposants l’ont d’ailleurs bien compris en organisant une réunion de « contre-vœux » se concluant par une manifestation. A Marseille, dans ses atours de président, Nicolas Sarkozy a donc bien fait campagne comme l’indique d’ailleurs le discours, très pugnace qu’il a prononcé devant un parterre choisi où les agents du ministère de la Culture et des établissements qui en relèvent étaient nombreux. Comme dirait Patrice Chéreau, ils avaient « pris le train » pour entendre l’auguste parole et l’ont repris en retour, l’après-midi même.
Que restera-t-il de ces vœux dominés par la défense de la loi HADOPI qui déjà avait constitué le cœur du propos des vœux de 2010 et 2011 ? C’est l’avenir qui le dira. On peut en revanche s’interroger sur le sort des vœux des années précédentes. L’exercice est forcément mitigé si on l’aborde avec tempérance. Si certaines des annonces faites ont été suivies d’effet, d’autres ont été englouties dans l’océan des vœux pieux. En 2011, le président insistait sur la perspective de la panthéonisation d’Albert Camus qui repose toujours dans sa tombe. N’est-ce pas aussi le sort de la « carte musique » dont on annonçait la création au même moment ? Elle n’a pas eu en tout cas l’impact sur l’accès à l’offre légale qu’on en attendait. En 2010, on esquissait un vaste plan de coopération archéologique et muséographique avec les autorités syriennes. Cette fois-ci, c’est l’histoire qui a bouleversé ce projet et d’ailleurs rendu lesdites autorités syriennes peu fréquentables. On s’en orgueillissait également alors d’un programme d’investissement de 750 millions d’euros pour accélérer la numérisation des livres, films, programmes audiovisuels, archives de presse, collections ethno-musicales, objets d’art… Qu’en est-il ? Les crédits de ce programme n’ont été mis en place que de façon parcimonieuse, sans que le ministère de la culture ait une prise directe sur leur affectation, toujours décidée selon des critères économiques de rentabilité supposée, très éloignés de l’ambition culturelle affichée au départ. En 2009, le président de la République, annonçait motu proprio, la naissance d’un Conseil de la création artistique dont il confiait l’animation à Marin Karmitz et qu’il se proposait de présider lui-même (!) avec toutefois le ministre de la Culture – qui n’en demandait peut-être pas tant… Ce Conseil, après une existence contestée, s’est sabordé en avril 2011. C’était inévitable mais peut-être aussi dommage. Si les conditions dans lesquelles ce Conseil avait été créé étaient critiquables, il aurait pu servir à expérimenter de nouvelles manières de mettre en œuvre l’action publique en faveur de la création artistique, à côté des voies plus institutionnelles et structurées qu’elle emprunte ordinairement et d’ailleurs nécessairement. De façon plus touchante, le président concluait ses vœux de 2009 par cette phrase ambiguë : « Faites-moi partir, car j’ai encore beaucoup de choses à vous dire et je pourrais rester ! » Quel vœu faisait-il ? Celui de partir ou celui de rester ? Chacun l’entendit comme il le voulut. Chacun l’entendra comme il le voudra…
Chronique publiée dans le Quotidien de l'Art du 27 janvier 2012
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