Dans la matinée, Constance, la fille de Nelly Tardivier, m’appelle pour m’annoncer que sa mère est morte pendant la nuit, après une longue, épuisante, courageuse résistance au cancer qui la rongeait. J’en suis infiniment attristé. Nelly et moi, nous nous connaissions depuis 1982, depuis près de trente ans. Nous avions partagé la même passion pour les projets culturels de la Ville de Paris, elle auprès de Françoise de Panafieu qui était adjoint au maire chargé des affaires culturelles et moi à la direction des affaires culturelles. En 2002, je l’avais invitée à rejoindre mon cabinet rue de Valois, où elle avait en charge un portefeuille composite, tenant compte de ses passions, puisque s’y complétaient les musées, les jardins et un peu aussi les affaires religieuses. Au fil de sa vie, Nelly, s’était en effet composé un « jardin secret » où se retrouvaient justement les jardins mais aussi, de façon intense, la défense des chrétiens d’Orient dont elle était devenue une spécialiste avertie, animant ici un comité pour la restauration de la cathédrale d’Ani, aujourd’hui en Turquie, connaissant parfaitement la hiérarchie protocolaire et la titulature des patriarches d’Orient, assurant avec brio, en 2006/2007, le commissariat de l’année de l’Arménie en France. C’est elle qui m’aida à élaborer, rue de Valois, le plan national pour les parcs et jardins, aboutissant notamment à la création du « Conseil national des parcs et jardins » et à celle du label de « Jardin remarquable ». C’est à la fin de mon ministère qu’elle accepta la proposition d’Henri Loyrette de rejoindre le musée du Louvre où elle était chargée du Jardin des Tuileries, que j’avais remis en dotation à ce grand musée national. Elle y préparait avec ardeur la célébration, en 2013, du tricentenaire de la mort d’André Lenôtre, ce qui l’amènera tout naturellement à souhaiter que Versailles s’engage dans quelque grand hommage au créateur de ses jardins. Sa grande passion fut aussi d’avoir un enfant, ce qui s’avéra un peu plus difficile que d’ordinaire. Elle s’accrocha avec persévérance à ce projet cher et sa fille, née le 14 juillet 1989, reçut le prénom de Constance en hommage à la constance qu’elle avait marquée dans ce projet d’être mère.
Que je regrette Nelly. Il y a quelques semaines, deux, trois, je lui parlais encore au téléphone. Comme d’habitude, elle ne me cachait rien des récidives insidieuses de son mal mais savait en plaisanter, sans cesser d’afficher un optimisme qui, la connaissant, tenait autant de la politesse que de la conviction. Je me souviens qu’elle ne manquait jamais, le vendredi-saint d’aller à Notre-Dame vénérer les reliques de la passion de Jésus qui sont proposées à la vénération des fidèles. C’est dans la nuit de ce vendredi au samedi qu’elle s’est éteinte. J’aimerais avoir l’assurance qu’il y a là comme un signe que sa vie ne se conclut pas de façon seulement révoltante mais que la possibilité que tout cela ne serait pas insensé se trouve ainsi révélée. Dans les biographies, je lis toujours le chapitre consacré à la mort du personnage raconté avec une attention toute particulière. Qu’elle soit édifiante ou banale, elle permet toujours de récapituler l’essence des personnalités. La date de la mort de Nelly m’est une sorte de réconfort, comme, je le sais, le fut pour sa famille, celle de la mort de Denise Esnous, morte récemment, le 2 avril, comme Georges Pompidou qu’elle avait fidèlement servi.
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