Hier, l’un de nos collègues de l’Association des Résidences royales européennes, Andrea Merlotti, responsable des études à la Venaria Reale, me remet son dernier essai, « Les stratégies de l’apparence : cérémonials, politique et société à la Cour des Savoie à l’époque moderne ». L’essai rassemble plusieurs essais sur la mort et sur les cérémonies funéraires. La mort ! Une grande affaire et un grand sujet. J’ai d’ailleurs, il y a quelque temps, suggéré à Béatrix Saule, que le Château marque, en 2015, le tricentenaire de la mort de Louis XIV, par une exposition sur la mort des Rois, sujet fondamental pour qui veut comprendre l’essence même du fonctionnement symbolique de la monarchie d’Ancien Régime. C’est dans la mort que se révèle la puissance de l’idée des deux corps du Roi. C’est la mort ou sa perspective qui renvoie à toutes les questions relatives à la succession. La possible mort du Roi est donc la cause de toutes les craintes que suscite la pérennité d’une forme de gouvernement qui concentre sur la personne d’un homme, et d’un seul, l’origine de toute puissance et de tout pouvoir. Tout ce qui conduirait à la mort, la vieillesse et, surtout, la maladie, donne lieu à d’infimes, et parfois dérisoires, précautions. A travers la Pompe funèbre s’expriment toutes ces tensions, au point où elle finit par devenir un véritable grand art qui sert de cadre à l’efflorescence d’un genre littéraire grandiose : l’oraison funèbre. De façon paradoxale, cette pompe baroque est parfois escamotée, notamment quand elle devrait concerner le Roi lui-même, comme pour affirmer la prééminence du corps politique du Roi (celui qui se transmet à son successeur dès l’instant de sa mort) sur son corps physique (qui n’est plus qu’une dépouille). J’ajouterai que ce vaste sujet permet aussi d’évoquer la problématique du régicide dont on doit se souvenir qu’il hanta les XVIIe et XVIIIe siècles puisqu’en furent frappés, en France, après Henri III à la fin du XVIe siècle, Henri IV, Louis XV et, dans une forme politique radicale, Louis XVI. J’ajoute que cette exposition permettra d’illustrer les recherches en histoire comparative dont le Centre de recherche du château de Versailles a fait l’une de ses directions de recherche. Vivement 2015 !
Bonsoir
Le sujet que vous évoquez, "la mort des rois", est essentiel. En 2002, j'ai organisé au musée d'Orsay une exposition intitulée Le Dernier Portrait. J'y avais abordé le portrait sur le lit de mort, celui des grands de ce monde comme celui des gens de peu, en remontant loin dans l'histoire occidentale. J'avais été particulièrement fascinée par les ouvrages et articles qui décrivent et décryptent les funérailles royales, soit des rituels qui nous sont devenus totalement étrangers. Leur évocation, quoique limitée et marginale, par le truchement de documents et d'objets comme des masques mortuaires, a été une véritable découverte pour les visiteurs.
Merci pour votre blog, qui approfondit certains sillons, en trace d'autres, qui souvent oriente et toujours témoigne d'une curiosité et d'une ouverture sans bornes mentales - un beau mélange de politique et d'humanisme.
Très cordialement
Emmanuelle Héran
Rédigé par : Emmanuelle Héran | 13 décembre 2010 à 00:31
>Emmanuelle Héran, Je me souviens du « Dernier portrait ». L’exposition m’avait passionné et ému. Nos stratégies pour retenir la vie qui s’en est allée sont nombreuses et anciennes. Elles protestent contre le paradoxe qui nous accable. Nous savons penser le monde et même le changer et pourtant, il finit par nous engloutir.
Merci pour vos encouragements. Cordialement.
Rédigé par : Jean-Jacques Aillagon | 20 décembre 2010 à 16:45