A Plougasnou, dans ma chambre, je regarde, sur un « petit pan de mur », la sorte de musée domestique (comme on parle d’autel domestique) et modeste que forme l’accrochage que j’y ai fait de petits objets, de peu de valeur, mais qui tous me rappellent des souvenirs. S’y croisent un carré de soie brodée, sans doute au XVIIIe siècle, par une religieuse qui, entre deux colonnes, à patiemment, avec son aiguille, formé ce terrible texte « Dieu seul toujours en vue, Jésus-Christ toujours en pratique et moi-même toujours en sacrifice » et une autre petite pièce de soie tissée et brodée, sans doute indochinoise, représentant un bel oiseau au milieu d’un décor floral assez voluptueux, achetée pour trois sous, dans un dépôt-vente d’Yvetot à l’époque où j’avais une maison à Cany-Barville, dans le pays de Caux. Sur le même mur, quelques autres souvenirs, un fragment de buste de Christ en croix peint, acheté dans une brocante près de Cajarc, lors d’un séjour chez Claude Pompidou. Le brocanteur avait dû proclamer l’objet « Espagne, siècle d’or… » ! Je crains, mais il n’y a pas lieu de craindre quoi que ce soit, que le pedigree en soit plus banal, plus quelconque. Tout est d’ailleurs élimé dans cet objet, les formes, l’expression, la polychromie. Peu importe, pour moi, il est « souvenir de Cajarc ». Dans un petit cadre rond, encore en souvenir, de Venise cette fois-ci, offert par Dominique Müller. Ce sont des petites camées un peu maladroits représentant le Rialto et une gondole ou le Palais des Doges avec une gondole encore, petits souvenirs vendus aux touristes, sans doute au début du XXe siècle, des souvenirs donc de l’époque de Mort à Venise. Six de ces camées ont été montés dans un cadre rond par un de ces marchands dont Dominique a le secret. J’ai ajouté, pour finir cet accrochage, deux « éventails » amérindiens confectionnés avec des plumes d’oiseaux exotiques, proches sans doute de celui de la broderie indochinoise. Ces objets m’ont été offerts, il y a longtemps déjà, par une amie brésilienne. J’imagine que la réglementation internationale interdit aujourd’hui l’usage et l’exportation de ces beaux plumages ! Voici le spectacle de ce petit « musée domestique » que je ne me lasse de regarder avant d’éteindre la lumière de mon chevet. J’y retrouve le souvenir de Dominique, de Claude, de Betty, de Jean-Louis qui m’avait offert le petit objet de piété en broderie, les souvenirs de Venise, de Cajarc, de Cany-Barville et de Toulouse. Il y a dans l’intimité quotidienne avec quelques œuvres, même dérisoires, une familiarité qu’on n’atteint jamais avec celles présentées dans les musées, même (et surtout) quand ce sont des chefs-d’œuvre.
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