Demain, la statue équestre de Louis XIV sera installée sur le socle qui, au cours des dernières semaines, a été érigé sur la place d’Armes. J’écrivais récemment :
« Dès ma nomination à la présidence de l’Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles, j’ai pris l’engagement de faire réinstaller la statue équestre de Louis XIV dans un emplacement digne, convenable, visible et symboliquement aussi fort que celui qu’elle occupait dans la cour Royale avant la recréation de la grille qui désormais la clôt.
Cette statue accueillera donc le public du château de Versailles sur cette place d’Armes qui, depuis le 1er janvier 2009, fait partie du domaine remis en dotation à l’Etablissement public.
L’œuvre voulue par Louis-Philippe comme un hommage au roi qui avait tant désiré Versailles, continuera ainsi de marquer le point de rencontre entre le château et la ville, entre Versailles et le monde. La Française des Jeux, par sa générosité, a rendu cette initiative possible. Je tiens à lui marquer ma gratitude. »
Ainsi se clôt un long débat qui a parfois été vif lui aussi, une association s’étant même constituée pour promouvoir le retour de la statue, l’Association de la Statue de Louis XIV présidée par Bertrand de La Roncière. Alors qu’avant ma nomination à la présidence de l’Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles diverses hypothèses avaient été évoquées pour la réinstallation de cette œuvre (l’extrémité de l’Avenue de Sceaux, l’Etoile royale à l’extrémité du Grand canal etc.), j’ai tenu à ce qu’elle retrouve sa fonction symbolique d’hommage au fondateur de Versailles, de « signature » du Palais qu’il avait désiré et de signal de bienvenue au public des visiteurs… Ce sera donc désormais à la place d’Armes à permettre à cette statue de remplir ces fonctions. Je suis bien conscient du fait qu’il s’agit, malgré la modestie de ce chantier, d’une véritable « recréation », la place d’Armes n’ayant jamais servi de cadre à l’implantation d’une statue et la sculpture de Cartelier et Petitot ayant pendant plus d’un siècle et demi marqué l’intersection de l’axe principal du château et de celui que décrivent les rues des Réservoirs et de l’Indépendance américaine. Cette position voulue par Louis-Philippe n’était plus possible puisque que la reconstitution de la Grille royale en occuperait l’emplacement et, surtout substituerait son propre symbole à celui de cette statue. En choisissant la place d’Armes on réinterprète, je crois, justement l’esprit dans lequel la Monarchie de Juillet avait choisi de placer cette statue à l’entrée du château de Versailles. Dans mon esprit, cette implantation prélude à la requalification générale de la place d’Armes, bien nécessaire compte tenu de la dégradation du site.
Christophe Blanchard-Dignac, président de la Française des Jeux, m’a apporté un concours très apprécié pour financer la restauration de la statue et de son socle. Il en a pris la décision rapidement, alors que je lui en parlais avant une séance du Conseil Economique, Social et Environnemental dont il est membre au titre des entreprises publiques. Nous parlions du mécénat lui, moi et Jean-Luc Placet qui siège au Groupe des entreprises privées. Quelques jours après, Jean-Luc Placet persuadait Jean-Luc Decornoy, président de KPMG, de s’engager dans l’acquisition d’un trésor national pour Versailles, la console du Dauphin exécutée par Claude-Charles Saunier.
C’est avec Christophe Blanchard-Dignac que j’ai esquissé la proposition faite dans mon rapport « Une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental » pour le Conseil Economique, Social et Environnemental, d’affecter le produit d’un jeu spécifique ou une portion d’une partie des produits de la Française des Jeux au patrimoine monumental. Je sais qu’il y travaille avec conviction. Il ne me serait naturellement pas désagréable que cette initiative bénéficie, un jour et entre autres, à mon cher Versailles.
Bruxelles
Je passe la matinée au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles où je vais revoir quelques tableaux que j’aime, dont la modeste (il s’agit d’un petit tableau) Morte de Jan Lievens (de son entourage, ce qui en souligne encore la modestie). Une femme morte, enveloppée dans son linceul, couchée dans un lit. C’est une belle image de l’immobilité définitive. Les yeux sont définitivement clos, les narines figées pour toujours, tout comme la bouche. On imagine les oreilles, cachées par le linceul, elles aussi désormais fermées à tout bruit. C’est l’image même de la mort et de sa terrible paix. Le grand Ingres Auguste écoutant la lecture de l’Eneïde « Tu Marcellus eris », révèle, lui, une autre forme d’immobilité, celle du mouvement, celui des corps et des âmes, suspendu dans l’instant que l’artiste à choisi de représenter.
J’espère, l’espace d’un accrochage, dans une sorte de musée imaginaire, pouvoir réunir ces deux tableaux. C’est, tout au long de cette matinée, une envie qui souvent me caresse l’esprit. Ce musée est mal fichu. Son extension moderne présente des espaces biscornus, impropres à des accrochages limpides. Dans la partie du XIXe siècle qui enveloppe le grand (et noble) péristyle, des praticables peu convaincants se déploient tout au long de la galerie du premier étage.
La collection est présentée de façon chronologique, ce qui convient éventuellement à une grande collection encyclopédique mais limite l’intérêt d’un musée alternant les points forts (Rubens, Breughel…) et les vastes lacunes. On aimerait, pour revenir à la rêverie du musée imaginaire, l’audace d’un autre accrochage qui bousculerait la chronologie et associerait, par-dessus les siècles, les œuvres selon leurs affinités thématiques ou artistiques. On aimerait confronter le curieux grand Baiser de Judas de Gustave Van de Woestyne (peint en 1937), avec tant de tableaux flamands des XVIe et XVIIe siècles que rassemble ce musée. Dans la salle « néo-classique », heureuse rencontre, même s’ils sont trop éloignés, de deux David majeurs, le Marat assassiné de 1793 et Mars désarmé par Vénus de 1824. L’un plonge dans la tragédie de l’histoire (le Marat), l’autre représente aimablement une histoire. Dans chacun des deux, une femme (Charlotte Corday et Vénus) a désarmé un homme, de façon violente dans l’un, de façon lascive dans l’autre.
Dans le train, à 18h13, c’est un bip qui marque le passage de la frontière, quand on passe des soins d’un opérateur à ceux d’un autre. Dans ce paysage plat qui sépare (si peu aujourd’hui) des terroirs que tout unit, leur histoire, leur géographie, leurs modes de vie, il n’y a plus que ces symptômes ténus pour signifier que les frontières ont encore de petites formes d’existence.
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