On célèbre le 20e anniversaire de la pyramide du Louvre. Programmation d’Arte, double page dans Libération... On évoque ce que fut la « bataille de la Pyramide », dont j’ai bien connu beaucoup des protagonistes qui, tous, y mirent une passion excessive et parfois surprenante. Michel Guy qui avait consacré toute sa vie à l’audace, à la recherche, à la création se trouva projeté dans un combat où il ne côtoyait que des gens qui avaient toujours détesté ce qu’il avait aimé. André Fermigier s’entêta dans le refus féroce de ce projet qui le brouilla avec quelques-uns de ses amis les plus chers dont Frédéric Edelmann dont il avait pourtant soutenu les premiers pas au Monde. Universitaire et journaliste brillant, il devait claquer la porte du Monde pour marquer sa réprobation face aux appréciations positives du journal à l’égard du projet de Pei. Bruno Foucart était contre. Jean Musy l’était aussi. Le Figaro et Le Quotidien de Paris qu’animait Philippe Tesson étaient contre évidemment. A vrai dire, toutes ces hostilités visaient plus, d’une certaine manière, François Mitterrand et Jack Lang qui avait été son ministre de la Culture de 1981 à 1986, avant de le redevenir, en 1988. Les débats, passionnés, furent souvent absurdes. S’y mêlaient des considérations sur la qualité intrinsèque de la pyramide de Pei, d’autres sur la validité de l’hypothèse d’une entrée unique, certaines encore sur l’opportunité d’associer une zone souterraine d’activité commerciale à l’aire d’entrée du Musée. On ne parlait pas encore de « marchandisation », mais, déjà, j’entendis utiliser le mot de « disneylandisation » qu’emploient souvent, à tort et à travers, les esprits réactionnaires quand ils veulent s’opposer à une innovation en se drapant dans les plis de la vertu et de la morale.
Je me souviens de réunions chez Michel Guy, au 156, rue de Rivoli, dans le beau décor de son appartement conçu par Andrée Putman, au milieu de ses Bram van Velde… La position de Michel Guy était curieuse, contradictoire, étonnante même. Je crois qu’il en est ensuite secrètement convenu, comme beaucoup de détracteurs de cet objet architectural qui devinrent ensuite ses adulateurs. C’est ainsi que Le Figaro Magazine choisit d’y fêter, en 1988, son 10e anniversaire.
Que peut-on en penser aujourd’hui ? Sans doute que ce bâtiment ne méritait pas tant de blâmes et qu’il ne mérite pas, non plus, des éloges excessifs. Ce n’est pas un grand monument. Ses abords sont assez mal fichus. Son adoption par l’opinion est peut-être l’indice même de sa facilité, alors que le Centre Pompidou de Piano et Rogers, bâtiment révolutionnaire, le plus beau peut-être du XXe siècle à Paris, continue d’étonner et parfois de susciter des rejets. Je notais, dans une étude récente du Figaroscope que plus de 25% des personnes interrogées en souhaitaient la destruction ! Voilà, à mes yeux, un bon indice de qualité dont la pyramide qui s’est si bien acclimatée, ne bénéficiera jamais. La bataille de la pyramide fut donc, malgré sa violence, une tempête dans un verre d’eau. C’est cependant cet objet architectural d’intérêt moyen qui a fourni au Louvre son signal et l’a définitivement installé dans son statut de « plus grand musée du monde ».
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