En rangeant mes papiers, je retrouve cette lettre adressée, en juillet 2003, par Daniel Deutsch, un historien local mosellan, à Laurent Claquin qui était alors mon chef de cabinet. Sa lecture me plonge dans les humbles sources de ma famille maternelle. Elle atteste aussi de la ferveur avec laquelle les historiens et généalogistes savent explorer l’histoire des familles et des individus où se révèle l’histoire en général. C’est ainsi que ma famille est traversée par la guerre de trente ans, par celle de 1870, puis celle de 14-18, par l’exode rural, par l’avènement de la révolution industrielle, etc…
« … La famille maternelle de M. Jean-Jacques Aillagon est profondément ancrée dans l’Est mosellan : Hargarten-aux-Mines, Ham-sous-Varsberg, Varsberg, Falck, Téterchen, Valmont, Creutzwald.
Lorsque M. Aillagon avait retenu le Puit Wendel à Petite-Rosselle pour l’un des sites de la Mission 2000, il ignorait qu’il descendait de Rossellais du 17e siècle : Claude Prediger (plus tard Brédiger à Petite-Rosselle) partant de Rosselle en 1680 pour aller travailler à la verrerie de Werbeln (Sarre), à quelques km de Petite-Rosselle. Il y est décédé le 16 octobre 1723 et son épouse, Rosine Laroche, le 20 janvier 1733 à l’âge de 100 ans. Ce sont aussi mes ancêtres, ils figurent, parmi les premiers habitants de Petite Rosselle séparé de Grossrosseln par la rivière la Rosselle, Les deux villages ont été désertés durant une quarantaine d’années au moment de la Guerre de Trente Ans. Petite-Rosselle a été repeuplé vers 1680 et Grossrosseln en 1696.
De nombreux ancêtres de M. Aillagon sont originaires de la région de Sarrelouis – Wallerfangen = Vaudrevange, chef lieu du Baillage d’Allemagne du Duché de Lorraine.
Il descend de plusieurs familles venues du Tyrol pour repeupler la Lorraine et le Comté de Nassau-Sarrebruck, à l’issue de la Guerre de 30 ans : les Mang, Danner, Grotz. Professions les plus fréquentes de ses ancêtres : meuniers, laboureurs, aubergistes. Certains furent jardinier, maître d’école, charron, batelier, verrier, journalier, tailleur d’habits, soldat (sergent), mineur. Certains occupèrent des fonctions administratives : maire du village, haut-maire, échevin de justice ou d’église. Pour certaines lignées, on arrive jusqu’en 1520.
Son arrière-grand-père, Philippe Albert Schäffer, né le 29 septembre 1853 à Brillon en Westphalie où son père était tisserand, vient travailler comme mineur en Moselle. Il épousa en 1879 une jeune fille de Hargarten-aux-Mines, Elisabeth Danner. (acte de mariage joint)… »
Je retrouve aussi une correspondance complète avec Yves Navarre que je confierai à la Bibliothèque de Versailles. Les lettres d’Yves Navarre datent du début des années 1990, quand après ses succès des années 1980 et notamment son Goncourt de 1980 pour Le Jardin d’acclimatation, la vie l’avait perclus d’épreuves dont il ne se remettra pas. Le 4 mai 1992 il m’écrivait « 21h07. Cher Jean-Jacques, depuis trois heures, je classe, nettoie, trie, range. Le téléphone a sonné deux fois. Vite, vite, à chaque fois j’ai dit que j’attendais un appel important. J’ai pris un calmant. Une douche. Je me suis mis en pyjama. Je me suis fait un potage. Le programme de Radio Classique est agaçant : un hommage à Messiaen. Ce soir ? justement ?
Bref, force est de constater que je ne me suis pas « fait d’amis » ci et là, proches ; ou alors dans le secret des textes et celle-là, ceux-là, je ne les vois jamais. A quel point je paye cher et chair (te l’ai-je déjà écrit ?) d’avoir osé écrire de manière un peu plus humaine.
Je suis lâché, Jean-Jacques. Et (pas mais, le mais-chagrin) j’ai encore un brin de santé, de volonté et un si fort désir de vivre et d’écrire que parfois je désespère. Cette inespérance était déjà dans tous mes textes… »
Yves Navarre a mit fin à ses jours le 24 janvier 1994. Je l’avais connu à la fin des années 1970, à l’époque de ses succès naissants. Il avait une maison dans la vallée d’Apt, à Joucas, ce village où Michel Guy aimait passer ses étés festivaliers, dans la maison de son ami Dan Kiener. C’est chez Dan Kiener que j’ai fait sa connaissance alors qu’il était ministre de la Culture.
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