Je reçois la première livraison du catalogue de l’exposition « La Guerre sans dentelles » qui ouvrira le mardi 12 mai prochain. L’éditeur, Flammarion, a souhaité en faire une très rapide « mise en place » en librairie de manière à éviter ce trop fréquent hiatus entre l’ouverture d’une exposition et la disponibilité de son catalogue en librairie. Nous allons pouvoir, dès cette semaine, envoyer cet ouvrage aux journalistes qui ont marqué de l’intérêt pour cette exposition et leur permettre de préparer leur visite. Je rédige pour accompagner cet envoi, le petit texte suivant :
« Depuis 1837, le château de Versailles accueille le musée de l’Histoire de France créé par Louis-Philippe en hommage « À toutes les gloires de la France ».
Ce musée parfois oublié, souvent négligé, recèle pourtant de grands chefs-d’œuvre. Il offre également à la réflexion sur l’histoire et à sa mise en perspective politique un formidable objet d’étude. La Galerie des Batailles, qui occupe toute la longueur de l’aile du Midi, en constitue l’un des points forts. Elle rassemble trente-trois peintures consacrées chacune à l’une des grandes batailles de l’histoire de France, de Tolbiac (496) à Wagram (1809).
En confrontant à ces scènes des photographies de guerre des XIXe, XXe et XXIe siècles, j’ai souhaité inviter le visiteur à mieux considérer ce patrimoine trop souvent réduit au sort de simple décor, et à réfléchir à la question essentielle, pour un musée d’histoire, du « choc des images ».
A travers la sélection faite par Laurent Gervereau, commissaire de l’exposition, de trente-sept photographies, un hommage est aussi rendu aux reporters de guerre qui témoignent de la violence du monde et des souffrances qui accablent l’humanité.
Au moment où un débat sur un nouveau musée d’histoire de France a été suscité par la volonté de la puissance publique, le château de Versailles affirme son attachement au musée d’histoire dont il a la garde, sa volonté de mettre en valeur la qualité exceptionnelle de ses collections et sa capacité à contribuer, aujourd’hui comme hier, à une connaissance critique de l’histoire de notre pays. L’exposition souligne ainsi la pérennité de l’engagement du château de Versailles en faveur de la connaissance lucide et engagée de l’histoire. »
Je suis attaché à la prise en charge par l’Etablissement que je dirige, de sa vocation de « musée de l’histoire de France » voulue par Louis Philippe pour le château de Versailles et par la mise en valeur du patrimoine qui s’y rapporte. A travers « La Guerre sans dentelles », grâce à la culture et à l’intelligence du commissaire, Laurent Gervereau qui s’est associé l’un de nos conservateurs, Frédéric Lacaille, c’est un travail critique du regard sur la galerie des Batailles qui est proposé au public. Dans chacun de ses trente-trois tableaux, un détail, un thème est mis en valeur et confronté à une photographie de guerre, issue du patrimoine photographique des XIXe, XXe et XXIe siècles, de la Guerre de Sécession à la guerre civile de en Centrafrique. La pire des choses pour un musée, c’est quand les œuvres deviennent décor et qu’on y perd le sens de leur signification. L’exercice que proposera « La Guerre sans dentelles » est une invitation à l’acuité de l’œil, à la finesse du regard et à la dilatation du cœur.
Cette exposition est aussi à mes yeux une sorte de manifeste en faveur du renouveau du musée de l’histoire de France du château de Versailles. Elle démontre en montrant !
Je prends connaissance du rapport d’Alain-Gérard Slama (« L’éducation civique à l’école ») présenté ce jour même au Conseil économique, social et environnemental. Alain-Gérard y affirme sa conviction, que je partage, que c’est l’école qui a vocation, étant l’espace le plus communément partagé par tous nos concitoyens (pendant plus d’une dizaine d’années de leur existence), d’être celui où s’enracine de la manière la plus authentique le partage des valeurs qui rassembleront la diversité des citoyens au sein d’une société respectueuse et apaisée.
L’école est aussi, je l’ai souvent écrit, le principal espace d’acculturation de tous nos jeunes concitoyens. C’est la raison pour laquelle aucune vraie politique culturelle n’est pertinente si elle ne s’appuie pas sur cette chance pour la culture qu’est l’école. Confiner une politique culturelle dans le seul domaine des « Beaux Arts et Belles Lettres », serait extrêmement réducteur.
Dans Libération un article de Gérard Lefort intitulé « Les musées américains privés de cagnotte ». L’article souligne la vulnérabilité, en temps de crise économique des institutions culturelles largement tributaires de la générosité de leurs mécènes. Gérard Lefort conclut « La morale paradoxale de cette débâcle, c’est qu’elle devrait faire réfléchir les autorités culturelles françaises, qui, jusqu’à peu, prônaient le mécénat à tous crins, la privatisation partielle ou totale de certaines institutions, le désengagement de l’Etat, et surtout la soumission du bien commun culturel à l’économie de marché. Stratégie dont on voit aux Etats-Unis les effets catastrophiques ». Pour ma part, je pense qu’il faut éviter d’opposer aussi radicalement ces deux logiques. Le grand avantage et la dignité de l’engagement culturel des collectivités publiques c’est qu’il donne au cadre institutionnel à travers lequel s’épanouit la vie culturelle une grande stabilité et en assure, autant que possible, un accès équilibré sur tout le territoire. Si le mécénat doit venir en soutien à ce dispositif, il n’a pas, en tout cas dans un pays comme le nôtre, vocation à s’y substituer. Le mécénat doit rester un plus. Il ne doit pas viser à justifier une érosion des engagements publics. Et c’est l’auteur de la loi de 2003 sur le mécénat qui vous le dit.
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