La mission Balladur remettra prochainement ses 22 propositions pour la réforme des collectivités locales. La presse en commente d’ores et déjà les orientations en les présentant parfois comme des « décisions » ce qui, appliqué à la situation concrète de quelques territoires, provoque déjà de l’émotion. Le sort supposé de la Picardie devient notamment un point de fixation des récriminations et des insinuations de manœuvre politique. Celui de Poitou-Charentes suscite les mêmes craintes. Dans ses propositions 1 et 2, la mission Balladur ne recommanderait pourtant que des regroupements et des modifications volontaires. N’est-ce pas justement cette précaution qui expose les travaux de la commission à un risque de faible impact concret ? Une démarche plus volontaire, seule susceptible de surmonter les montagnes de préjugé et de conservatisme qui s’opposeront à un réel mouvement sur cette délicate question ne serait-elle pas plus efficace ? Ce volontarisme n’a cependant que peu de chances d’être pris en compte tant les freins qui entravent ce débat sont sensibles et tant la conjoncture rend difficile un acte volontaire du gouvernement et de sa majorité qui se retrouvera d’ailleurs, elle-même, divisée sur ces questions.
On s’imagine cependant très bien s’adonner, dans la quiétude de son cabinet, à la recomposition d’une carte territoriale idéale de la France comme l’avait fait la Constituante pour les départements créés en 1790 sur les débris d’une organisation territoriale de l’Etat monarchique devenue hétéroclite et inefficace. Rapidement, s’agissant de la carte des régions, il faudrait apporter des réponses aux questions suivantes :
• Les départements qui composent actuellement une région peuvent-ils être amarrés séparément à des entités régionales nouvelles (l’Oise à l’Ile-de-France, l’Aisne à la Champagne, la Somme au Nord-Pas-de-Calais, et pourquoi pas la Meuse à la Champagne avec laquelle elle partage le massif de l’Argonne) ?
• Si cela était envisageable, faudrait-il transférer des départements in extenso ou, parfois, accepter une partition de leur territoire pour rectifier des incohérences géographiques ? L’arrondissement de Sens n’aurait-il pas plus sa place dans l’Ile-de-France que dans une Bourgogne-Franche Comté qui s’étendrait de la frontière Suisse au seuil de la forêt de Fontainebleau ? L’arrondissement de Saint-Quentin n’aurait-il pas plus sa place dans un Nord-Pas-de-Calais plus étendu que dans une Champagne-Ardenne qui aurait intégré l’Aisne ?
• Y aurait-il de la cohérence à conserver à ces régions leur dénomination historique, pertinente dans certains cas (la grande Bretagne intégrant la Loire Atlantique) mais absurde dans d’autres (la Meuse est bien lorraine, tout comme la Somme est picarde), encore que les régions actuelles aient bousculé la cohérence géographique et historique des anciennes « vraies » provinces ? La séparation de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon a brisé l’antique unité du Languedoc historique dont le Parlement siégeait à Toulouse.
Vastes débats, vastes problèmes. L’alternative est cauchemardesque : ou compter sur le volontariat et ne pas faire grand chose, ou bâtir une réforme sur la volonté de l’Etat et se sera la révolution, les élus de tous les bords confondus se retrouvant dans une commune contestation.
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