Le Président de la République évoque aussi la création d’un musée de l’Histoire de France qui pourrait procéder de la fédération de musées d’histoire travaillant en réseau. Cette perspective de renforcement de la « conscience historique » de nos concitoyens est en soi pertinente. J’ai toujours pensé (j’ai été professeur d’histoire-géographie…) que la maîtrise d’une claire perception du temps historique et de l’espace géographique était l’un des fondements de l’expérience culturelle et la base même de la conscience civique et, donc, de la citoyenneté. J’ai d’ailleurs rappelé cette exigence dans le rapport que j’ai récemment présenté au Conseil Economique, Social et Environnemental, intitulé « Une nouvelle dynamique pour les politiques de conservation du patrimoine monumental ». Cette perspective concerne naturellement l’Education Nationale et la place qu’elle saura ménager à l’histoire et à la géographie dans les programmes de l’enseignement. Elle concerne aussi le Ministère de la Culture dont beaucoup d’institutions témoignent de l’histoire de la France : les Archives Nationales, la Bibliothèque Nationale de France, le Musée national d’archéologie, le Musée du Louvre, les Musées de Cluny et d’Ecouen, etc… et bien sûr aussi le Musée national du Château de Versailles dont Louis-Philippe avait justement souhaité faire ce Musée d’histoire de France dédié « à toutes les gloires de la France ».
Hommage à Aimé Césaire, © EPV / Samantha Chadourne
Elle concerne encore des musées historiques qui relèvent du Ministère de la Défense, Musée des Armées, Musée de la Marine. Un nouveau « musée d’histoire de France » ne saurait, de ce fait, être suscité par le démembrement de collections dont la cohérence historique est forte. Il faudrait d’ailleurs, dans cette hypothèse, également mettre en cause l’intégrité de beaucoup de collections appartenant à des collectivités locales comme le Musée Carnavalet (Ville de Paris), le Musée de la Révolution Française de Vizille (département de l’Isère), le Musée Lorrain de Nancy, le Musée de Normandie à Caen, le Musée Saint-Raymond à Toulouse, etc. L’Histoire a fixé sa mémoire en mille lieux. Chacun d’entre eux a sa logique, chacun a sa nécessité. En revanche, le projet de fédérer cette constellation et de l’animer avec des projets partagés, c’est une bonne chose.
Pour ma part, on le sait, j’ai souhaité refaire du Musée d’histoire de France du château de Versailles un élément fort et cohérent de l’offre culturelle de l’Etablissement que je dirige. L’ampleur des collections le permet. La place qu’y occupe, par exemple, l’épopée napoléonienne le justifie d’autant plus que Napoléon est l’un des personnages de l’histoire de France les plus universellement connus, notamment par le public international qui constitue le cœur de la fréquentation du château. Si pour ce public, Versailles, c’est spontanément Louis XIV et Marie-Antoinette, ce peut être aussi, de manière plus surprenante, Napoléon.
Bonaparte au Saint-Bernard, © RMN / Gérard Blot
Voilà en tout cas, un beau chantier de réflexion qui s’ouvre. Il pourra s’appuyer utilement sur le rapport qu’Hervé Lemoine « Pour la création d’un centre de recherche et de collections permanentes dédié à l’histoire civile et militaire de la France » a remis il y a quelques mois aux ministres de la Défense et de la Culture. Hervé Lemoine est désormais directeur du Musée des monuments français. Ce musée est aussi, d’une certaine manière, l’une des étoiles de la constellation de musées qui témoignent de l’histoire de France dans tous ses aspects.
Je recommande à tous ceux qui s’intéressent à cette question d’explorer le site « Musée d’Histoire de France » que l’Etablissement public de Versailles vient de créer avec le soutien de la Fondation d'entreprise Gaz de France.
J'ai été choquée et étonnée à l'annonce de M. Sarkozy sur la création de ce musée. Le musée de l'histoire de France existe : il se trouve au 60, rue des Francs-Bourgeois, aux Archives nationales! Pour qui n'y croirait pas, qu'il entre dans le hall d'accueil : un panneau explique très clairement l'histoire du musée depuis sa création en 1867!!! Il ne date donc pas d'hier.
D'ailleurs, en l'an 2004, j'avais eu la chance d'aller voir une grande exposition intitulée : "Le musée sort de sa réserve", qui était présentée au public comme une préfiguration d'un prochain grand projet de re-fondation du musée. Ce test grandeur nature a eu une deuxième grande édition en 2005, avec l'exposition : "Napoléon : de la propagande à la légende", au cours de laquelle, en tant que public, nous étions interrogés afin que le futur musée soit doté de toutes les améliorations que nous suggérions.
Depuis, le musée de l'histoire de France propose régulièrement des expositions temporaires adoptant un regard franc et objectif sur l'histoire. Il présente les preuves, les documents officiels, sortes de pièces à conviction et grands témoignages de l'histoire. Il met en relation les différents personnages, les différentes époques et les différents arts. Il laisse le visiteur juge. Je me souviens d'une exposition très bien faite sur Marie-Antoinette, présentant aussi bien des pièces à charge confirmant les accusations des révolutionnaires contre la "Boulangère", que le procès-verbal de son interrogatoire ou elle apparaissait telle une femme et une mère inquiète restant digne et fière de sa nation. Bref, le public est libre de se faire son opinion et ressort souvent de ce musée avec matière à réflexion.
Si cela vous tente d'aller y faire un tour afin de vous faire une opinion, en ce moment il présente une exposition intitulée "Mémoire d'avenir", ou toute une partie est consacrée à l'histoire de ce musée...
Faut-il donc croire à l'ignorance de notre président ou plus certainement à sa volonté de servir les intérêts de certains? Je ne parviens pas à m'expliquer le silence de la direction des Archives nationales sur le sujet sauf peut-être à la lecture du communiqué de presse CGT de ce même établissement.
Rédigé par : Ploufff | 26 janvier 2009 à 15:02