Abou Dhabi
La première pierre du « Louvre-Abou Dhabi » a été posée. Le musée ouvrira en 2012. Son projet a suscité beaucoup de débats, allant parfois jusqu’à mettre en cause la légitimité de cet engagement spectaculaire du Musée national du Louvre.
J’ai toujours indiqué ma position à ce sujet. Elle n’a pas variée. Les musées nationaux dépositaires de très larges collections nationales ont pour premier devoir de mettre ces collections à la disposition de leur propre public, de manière aussi pertinente, c’est à dire ouverte et intelligible que possible; ils ont ensuite la vocation irrépressible d’animer, à travers leurs prêts, leurs dépôts, leurs initiatives de coopération, voire la création d’antennes, le réseau des institutions qui travaillent sur le territoire de notre pays, dans les mêmes domaines, musées, centres d’art, Frac... Enfin, ces musées ont un devoir de présence internationale, là aussi à travers leur coopération avec les institutions étrangères de même niveau et, quand c’est possible, par leur présence éventuelle dans des antennes permanentes, quand celles-ci sont motivées par un vrai propos culturel.
Le Louvre-Abou Dhabi n’est pas, pour cette raison, contestable pour autant que sa mise en œuvre n’empêche pas le Louvre d’honorer toutes ses autres missions fondatrices.
SOS Racisme
SOS Racisme dépose un recours devant le Conseil d’Etat contre la décision de limiter aux jeunes de moins de 26 ans ressortissants des pays de l’Union européenne la gratuité des musées, instaurée le 4 avril en France pour cette tranche d’âge.
SOS Racisme estime que cette mesure constitue « une discrimination en raison de la nationalité pour l’accès à un service public, et à une prestation éducative. »
Pour comprendre cette situation, il faut en rappeler la genèse :
1) Le candidat Nicolas Sarkozy annonce dans son projet présidentiel l’instauration de la gratuité dans les musées pour les moins de 26 ans.
2) Le Président élu demande au ministre de la Culture de mettre cette mesure en œuvre.
3) Elle est d’abord « expérimentée » dans un certain nombre de musées.
4) Lors de ses « vœux au monde de la culture », le 13 janvier 2009, à Nîmes, le Président de la République annonce la généralisation de cette mesure.
5) Le ministère de la Culture met à l’étude les modalités de sa mise en œuvre en prenant en compte :
Le fait qu’elle ne peut juridiquement être limitée aux jeunes Français mais que, leur bénéficiant, elle doit ipso facto être étendue à tous les ressortissants de l’Union européenne.
Le fait que la fréquentation payante des 18-25 ans représentant pour les musées, notamment les plus fréquentés, une partie significative de leurs recettes et donc de leurs ressources, il convient pour l’Etat d’évaluer le niveau de l’indemnisation budgétaire de ces établissements.
6) La mesure est mise en œuvre le 4 avril de cette année, la ministre de la Culture ayant demandé à ses établissements de faire délibérer leurs instances d’administration en amont de la date qu’elle a retenue.
7) A plusieurs reprises, ces établissements ont pu signaler au ministère de la Culture les difficultés techniques (lourdeur du procédé de délivrance des contremarques) et psychologiques (situation des jeunes, non ressortissants de l’Union européenne et résidant en Europe, situation des jeunes européens non communautaires, comme les Suisses, situation des jeunes Asiatiques au Musée Guimet, des jeunes Africains au Musée du Quai Branly, des jeunes Américains à Versailles, dont le plus généreux mécène fut un américain, John Rockefeller, etc.). Le ministère de la Culture a toujours marqué à ces observations de l’attention, concevant que le dispositif arrêté appellerait des adaptations. C’est d’ailleurs ce que la ministre de la Culture a annoncé au cours de la séance des questions orales du 7 mai dernier.
Cela dit, il convient dans cette affaire de garder raison. La restriction de la mesure aux jeunes communautaires a été motivée par de rapides considérations juridiques et non, bien évidemment, par la volonté délibérée de pratiquer une discrimination. A partir du moment où elle est cependant perçue comme vexatoire par certains, à partir du moment où s’impose de plus en plus l’idée que sur un territoire, les droits sociaux, économiques, culturels, voire politiques dont y bénéficient les citoyens (et par extension les ressortissants de l’Union européenne) doivent être accessibles à tous ceux qui y vivent régulièrement, à partir du moment où se développe l’idée que la culture est par excellence un bien qui appartient de façon universelle à tous les hommes (en témoignent les classements au patrimoine mondial de l’UNESCO)… il paraît difficile, dans ce domaine, de maintenir des distinctions sur le fragile critère de la nationalité. Encore faudra t-il, si le dispositif que le ministère de la Culture a imposé à ses établissements venait à être modifié, se poser toujours la question de la stabilisation des ressources de ces établissements, et donc de la compensation des pertes de recettes que génèreraient des mesures supplémentaires de gratuité.
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