En 1793, la Convention décidait la vente de la totalité du mobilier de la Couronne. Les châteaux royaux et, notamment, celui de Versailles allaient être vidés de la totalité de leurs meubles, à part ceux nécessaires aux bureaux des nouvelles administrations de la République, ou les quelques pièces utiles à l’instruction des citoyens, comme ce bureau à secret de Louis XV, équipé d’un exceptionnel mécanisme. Quelques-uns de ces châteaux furent, par la suite, réaffectés à la résidence officielle des représentants de l’Etat et donc remeublés. Ce fût le cas pour Compiègne, Fontainebleau qui hébergea même un Pape, Pie VII, pendant sa rétention en France, ou encore Saint-Cloud, jusqu’au déplorable incendie qui le ravagea en 1870, pendant le siège de Paris. Versailles, symbole par excellence de l’Ancien Régime ne retrouva jamais son usage de résidence de qui que ce soit, même sous Louis XVIII et Charles X, qui reculèrent devant le symbole d’un retour dans le lieu qui fut celui de la naissance et de la mort de la monarchie absolue. Seule, l’"annexe" de Trianon abrita, sous la Ve République, dans l’aile de Trianon-sous-bois, la résidence du chef de l’Etat. Son usage étant tombé en désuétude, Nicolas Sarkozy la restitua au Château.
Dans tous les châteaux, publics ou privés, ouverts aux visiteurs, se pose la question de leur ameublement. Il est vrai que les enfilades de pièces vides déconcertent. La compréhension de l’esprit d’un monument est plus aisée quand il est garni de meubles et d’objets qui en évoquent l’usage et l’histoire. Le Centre des monuments nationaux, en charge de quelques beaux châteaux est, aujourd’hui, plus particulièrement attentif à cet enjeu. Il vient de reconstituer un ameublement des petits appartements du Château de Maisons-Laffitte, bâti et habité par le grand François Mansart. Le Mobilier National apporte souvent à ces entreprises toute l’étendue de sa compétence et de son patrimoine. Cette belle institution, héritière du garde-meuble du Roi, a compris la nécessité, outre sa mission d’ameublement des demeures officielles, d’orienter vers les lieux historiques les meubles et objets qui leur ont appartenus. Versailles fut, au cours des dernières années, largement bénéficiaire de cette politique éclairée qui permit, par exemple, grâce à la bienveillance de Jean-Marc Ayrault, le retour au Château d’une magnifique lanterne, jusqu’alors accrochée dans l’escalier de Matignon. Elle orne, désormais, les appartements de Mesdames, au rez-de-chaussée du Château. La générosité de quelques particuliers y a aussi contribué. Celle, récente, de Lily Safra a permis au Château de s’enrichir d’une commode de Gaudreaus, créée pour la chambre de Louis XV. C’est ainsi que les grands et petits appartements du château de Louis XIV retrouvent de la vraisemblance, y compris, parfois, grâce à quelques reconstitutions qui font hurler les grincheux, trop intégristes en la matière.
Au Louvre, on vient d’inaugurer les "period rooms" du XVIIIe siècle. Que des meubles et des objets exceptionnels s’y trouvent, c’est formidable, mais n’aurait-il pas fallu que ceux qui proviennent de Versailles soient plutôt réservés au remeublement du Château, comme, d’ailleurs, André Malraux en son temps, en avait donné l’instruction ? La question mérite d’être posée.
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